Il y a quelques jours, je lisais sur Facebook un post sur la photographie argentique qui serait tendance pour une frange de la génération Z. À la lecture de cette diatribe, il faudrait conclure que les adeptes de la pellicule se seraient laissés séduire par une poignée d’influenceurs happy fews sur les réseaux sociaux et rien d’autre et que ça finirait bien par les lasser, comme tout le reste.
Inutile de vous dire que je trouve ce propos des plus réducteurs, d’autant qu’il est souvent tenu par une bande de vieux boomers aigris, sur le registre « de mon temps c’était mieux avant ». Qu’est-ce qui peut bien pousser la génération Z, née sous le règne absolu du numérique, à s’intéresser à l’analogique ? Car contrairement à la photo numérique, la pellicule a un coût. Alors ? Pourquoi vouloir se lancer dans un processus de création d’images photographiques qui induit un engagement financier, alors que la photo numérique est par nature gratuite ? J’ai ma petite idée.

Canon Demi EE17, une pellicule argentique Kodak Gold 200 et en route pour l’aventure
Pellicule argentique, le plaisir de la découverte
• De la pellicule au numérique
Il y a une vingtaine d’années, j’ai troqué mon EOS 3 argentique contre un EOS 20D numérique. Entre les économies sur la pellicule et le développement, j’avais vite fait le calcul. Mon vieux Canon F1n dormirait désormais sagement au rendez-vous des souvenirs. Sept ans de réflexion plus tard, je switchais chez Nikon. La photo argentique dans tout ça ? De manière assez régulière et sporadique, au fil des années, elle se rappelait à moi. Je cramais une pelloche noir et blanc que je développais dans ma cuve Jobo et basta.
Il y a deux ans, l’heure de la retraite a sonné pour moi. Cependant, je suis resté photographe auteur, avec du temps devant moi. Du temps et toujours cette envie, la même envie que celle qui me titillait quand j’avais quinze ans. Il faut bien l’avouer, la photo numérique, pour peu qu’on la maîtrise convenablement, c’est prodigieusement emmerdant. Phénomène accentué avec l’avènement de la visée réelle ! Pensez donc. Ce que vous voyez dans le viseur sera peu ou prou l’image que vous obtiendrez au final. Alors qu’en argentique, c’est pas franchement la même salade.
• La pellicule, c’est du plaisir
L’argentique, c’est assez casse-gueule. Ça demande de la réflexion, du temps, de la respiration. Ici on ne parle pas en giga, en mégapixels, en fullframe, non. On parle en poses. On est dans le mystérieux, le magique. Mais alors pourquoi la génération Z, qui a été biberonnée dès son plus jeune âge au numérique a envie de faire de l’argentique en 2023 ? Parce que c’est amusant, c’est du plaisir. Ça tombe bien parce qu’il y a plein de vieux boîtiers qui roupillent dans les armoires, dans les greniers et qui ne demandent qu’à repartir prendre l’air ! La plupart du temps, ils coûtent une poignée de cerises, une pellicule noir et blanc et en avant Guingamp ! Le succès n’est pas garanti, les 36 poses ne seront pas toutes un chef-d’œuvre mais c’est pas grave. Avec l’argentique, on prend son temps, c’est moins facile mais c’est vachement plus amusant…

En balade à Brest avec mon Canon Demi EE17 et une pellicule Kodak Gold 200. Avec Canon Demi, le format par défaut est le format portrait. Sur une image 24 x 36 on peut donc réaliser deux vues. Sur la photo, le téléphérique et le plateau des Capucins (crédit photo Hervé LE GALL)
• Canon F1n, Nikon F100, Canon Demi, Canonet QL…
Amusant, le mot est lâché. Je n’ai à dire vrai jamais perdu le goût de la pellicule, jamais. Mon Canon F1n est toujours dispo, comme mon Nikon F100 qui a l’avantage de pouvoir embarquer mes optiques Nikkor en monture F. Mes deux boîtiers coup de cœur du moment sont signés Canon. J’ai acheté récemment un Canon Demi EE17 chez Analog Repair. Un petit boîtier vintage du début des années 70 dont la particularité est son demi format, 18×24. En clair, sur une pellicule 36 poses on peut faire 72 photos. Une cellule au sélénium, un mode priorité ouverture, 400iso max, format portrait par défaut et une mise au point par zones au pifomètre.

La rue Jean Jaurés à Brest, pellicule Kentmere 400 et Canon Demi EE17 (crédit photo Hervé LE GALL)
L’autre boîtier coup de coeur du moment est aussi un boîtier Canon, plus précisément un Canonet QL17 GIII, boîtier télémétrique de la période 70/80. À l’heure où j’écris ces lignes, il est en révision complète, je vous en reparlerai dans un prochain billet ici-même. C’est un peu un travers de la photo argentique, les boîtiers ont bien souvent plus d’un demi siècle d’existence et peuvent parfois nécessiter des réparations assez lourdes et coûteuses.
• Développement maison
Pour le développement de mes pellicules noir et blanc, j’utilise une cuve Jobo. En fait, l’avantage de développer soi-même ses pellicules est principalement économique tout en ajoutant aussi une bonne dose de magie à la démarche. Avec un sachet de révélateur coûtant 12€, on peut développer environ 15 à 16 pellicules, le coût n’est donc pas exhorbitant. L’étape suivante étant le tirage papier en labo ou la numérisation des pellicules. Et surtout, rien ne peut remplacer l’émotion de la découverte, ce côté magique et quasi mystique de la révélation de l’image.
Pour compléter votre information je vous conseille la lecture du billet que j’avais consacré au livre de Chris Gatcum sur la photo argentique.
Vous cherchez un boîtier argentique, je vous conseille le groupe facebook Matériel photo argentique d’occasion
Enfin, pour en savoir un peu plus sur le développement argentique vous pouvez lire ou relire ce billet.
[…] Mais si vous êtes plus jeune, vous avez peut-être eu envie d’essayer, que vous soyez de la génération Z ou de celle d’avant. Bref, l’argentique, la pellicule, ça a quelque chose d’un […]