« On vous a vu faire des photos pendant le concert de Marie Modiano et Peter Von Poehl et on voulait savoir s’il était possible de récupérer les photos et à quel endroit. » Voilà, on en est là. Plus rien n’a de valeur, le travail de création a perdu une bonne partie de sa signification, comme vidé de son sens. Des habitudes de consommation, essentiellement liées à internet, ont modifié les comportements en profondeur. Musique, cinéma, vidéo, photographie, tous dans la même galère. C’est le côté pervers d’internet qui a induit des modes de consommation gratuits. L’internet roi, mon cul ! Aujourd’hui il ne faut plus être un Mozart de l’informatique pour pomper l’intégrale de Wolfgang Amadeus en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Haut débit, peer to peer, bit torrents, flux RSS, blogs, on échange, on copie sans bourse délier. On est entré dans l’ère du tout numérique et du tout gratuit, le bonheur simple comme un coup de fil en un clic de souris : musique gratuite, films gratuits, téléphonie gratuite, photographies gratuites, … Un jour un type m’a envoyé un email où il me disait en substance, « je vais refaire la déco de mon salon et je voudrais décorer avec des photos de concerts, le problème c’est que sur vos photos il y a une marque et votre nom, ça fait moche une fois imprimé son mon imprimante, donc je voudrais que vous m’envoyez les photos sans le marquage pour pas que ça apparaisse sur les photos une fois encadrées« . C’est peu tout ça, ce genre d’irrespect fondamental, qui a fait qu’en septembre dernier j’ai décidé de décrocher, pendant quelques mois, une bonne dose de lassitude mêlée à de la fatigue. Sans être désabusé, il arrive un moment où ton oeil a une singulière envie de vacances (au sens littéral du terme), où tu n’as plus envie de répondre des évidences, que la photographie c’est un travail, que ça demande du temps, de la rigueur (et je ne parle même pas de talent) et que le photographe, comme le musicien, le cinéaste et d’une manière générale tout ceux qui créent, a le droit moral de voir son travail artistique respecté. Et ce respect, c’est de ne pas assimiler des clichés à un tas d’images que le simple quidam ira « récupérer » en vrac, sans le moindre soupçon de respect, pour en faire Dieu sait quoi, sous prétexte que le contenu est disponible sur internet. Créer, c’est résister, il paraît. Créer c’est aussi exister et revendiquer son droit à l’image.
• cliché inédit : Kenny Arkana – Brest Penfeld 2008 – respect petite soeur 😉
Bleeding Orange dit
Et il n’y a pas que les particuliers, même les « vraies » publications se permettent de piller notre boulot en espérant nous faire croire qu’ils ne savaient pas… ben voyons (c’est du vécu malheureusement)!
Je me sens moins seule d’un coup. Merci pour cet article.
Et puis pour vos photos aussi !
harvey dit
En fait le watermark est arrivé sur mes clichés après qu’un quotidien national se soit permis de reproduire une photo quart de page pour illustrer un festival de jazz, croppant au passage avec beaucoup d’élégance une partie de la mention de copyright. Un photographe a le droit de revendiquer son travail. On peut choisir de figurer dans une publication comme on peut aussi refuser d’y être. Et puis la photographie c’est de l’affectif, surtout la photo de concerts. Voir ses photos volées, c’est se sentir floué.
Fab dit
Tu sais, même le watermark ne décourage pas certaines personnes.
J’ai vu un magazine récupérer 20 photos d’un festival nantais que j’ai réalisées, en recadrant toutes les photos et en m’expliquant qu’ils ne les avaient pas volées puisqu’ils les avaient prises sur mon site.
harvey dit
@Fab -> direct à l’avocat sans passer par la case départ ! Indéfendable pour le magazine. Paiement des clichés au tarif syndical et ils peuvent s’estimer heureux si tu ne demandes pas de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Princesse d'Isangel dit
Je vous ferais remarquer que les droits que vous défendez (tout à fait légitimement ) ici sont des droits DE l’image. Toutefois, J’ai abouti sur cette discussion en cherchant vraiment les droits A l’image, et si quelqu’un peut rebondir sur mes préoccupations je serais heureuse de le lire…
Voici mon « problème »: dans le cadre de portrait d’art, quelle précautions un peintre doit prendre pour réaliser, exposer, publier sur son site, et vendre le portrait qu’il a peint d’une célébrité (j’ai l’impression que c’est la même chose que pour le portrait qu’un photographe fait, expose, publie et vend) et je crois bien que chacune de ses choses (malgré ce que l’on voit couramment) requiert des autorisations du vivant du sujet et même un certain temsp après sa mort (j’ai lu 20 ans sur un site belge, donc je ne sait pas si c’est pas si c’est le cas internationalement + à propos de la loi « locale » est-ce le pays de l’artiste ou du sujet qui l’oblige ?
harvey dit
Concernant le titre de ce billet, c’était effectivement un pied de nez. On bassine parfois les photographes avec le droit à l’image, il conviendrait de ne pas oublier que les photographes eux-mêmes peuvent aussi revendiquer un droit à leurs images. Concernant précisément la demande, je ne suis pas juriste et je ne connais pas la législation relative aux peintres.
Laurent Bervas dit
Un petit café ? un jus d’orange ? 😉
http://www.casawaves.com/2009/03/13/la-creation-numerique-face-a-la-gratuite-dinternet/
Marie-Aude dit
Je suis aussi passée par le watermark, et les énervements profonds à voir des gens qui les enlèvent.
Pour moi, le fait déclenchant, ça a été une impression sur toile, d’environ un mètre de haut, d’une de mes photos web de 650 pixels de haut. Le choc de découvrir cela dans un hall d’hôtel.
Cette culture de l’instantané aboutit à une dégradation… même si c’est bien un mp3, en général ça sonne moins bien qu’un CD, et encore moins bien qu’un concert. Une photo avec un watermark efficace est toujours gâchée…
Bien contente d’avoir découvert ce blog par Laurent Bervas
harvey dit
@Marie Aude : le watermark est surtout utile en cas d’utilisation print. Cela dit, le cas de l’impression sur toile auquel vous faites référence ne souffre du moindre doute. Constat d’huissier immédiat et transmission du dossier à un bon avocat. C’est juste une question de respect fondamental du travail des autres.
@Laurent : tu n’as pas de limonade ?