Après avoir testé Nikon D750 sur le terrain relativement aisé de la photo d’action, quand je dis aisé c’est en plein jour, avec une lumière naturelle, à 1600iso et en mode priorité vitesse, j’ai décidé de l’amener avec moi sur le terrain nettement plus difficile de la photo de concerts, histoire de voir. Au niveau timing, ça tombait bien. Samedi 1er novembre et le lendemain, c’était l’anniversaire du Cabaret Vauban, dont je suis photographe maison depuis plus de dix ans, c’est dire si je connais bien cette salle, son taulier (salut Charles !) et ses méandres comme ma poche. Je connais aussi ses lights et son plan de feux erratiques à souhait, ce qui complique encore le travail de prise de vue. Pour le test, j’utilise mon optique de prédilection, Nikkor 24-120 f/4 dont le range est idéal sur ce type de salle. Pour le reflex lui-même, je table sur les paramètres habituels, mode manuel, AF-S, entre 1600 et 3200iso. Ce soir, je veux tout savoir, tout tester, le mode hautes lumières et l’AF groupé. Et puis voir si cet écran amovible peut vraiment être utile à quelque chose. La seule inconnue, c’est de savoir comment le petit dernier de la famille Nikon va réagir sur des conditions de lumière un peu casse-gueules. Et, surtout, de savoir de quoi il est capable, en matière de montée en iso. J’en arrive presque à espérer qu’il se ramasse, qu’il nous montre un peu de sa part d’ombre, histoire de pouvoir (enfin) écrire ses quatre vérités, faire un bon article bien critique, comme on dit dans le milieu journalistique. Las. Je vais être déçu. Nikon D750 est décidément aussi bon qu’il en a l’air et à dire vrai, il sait tout faire. Ou presque.
D750 sur le terrain de la photo de concerts
• Nikon D750 c’est pas un D3s.
Réaliser un test terrain, sur mon terrain, avec autre chose que mon matos habituel (sa Sainteté Nikon D3s), croyez-moi sur parole, il faut avoir un singulier sens de l’humour ou être vraiment passionné par son sujet. Ça tombe bien, moi, c’est les deux. Le truc, quand on est habitué à bosser avec un reflex du calibre de D3s, son poids de mammouth, son ultra vélocité et sa capacité à trouver un focus dans des zones de très basses lumières, c’est que quand on se retrouve avec un boîtier rikiki qui pèse trois grammes et qui ne se comporte pas du tout comme le grand frère, c’est assez compliqué à gérer. La prise en mains et l’ergonomie de D750 sont évidemment radicalement différentes et naturellement les automatismes ne sont plus là. Ça implique donc de faire les choses de manière moins instinctive, de réfléchir à comment-je-fais-quoi et donc de rater l’instant. En prise de vue, la sélection manuelle du collimateur m’a semblé ultra laborieuse, notamment en utilisation de l’AF groupé. En plus, les collimateurs ne se déplacent que s’ils sont activés, ce qui est particulièrement pénible. Le mode portrait n’est vraiment aisé non plus. Résultat, au début j’ai un peu cafouillé. Pas tant à cause du boîtier, non, à cause de moi et de mon manque d’aisance avec l’ergonomie même de ce reflex. D’ailleurs j’ai passé une partie de la soirée à me maudire de ne pas avoir amené mon D3s. Voilà un peu pour les points négatifs du test terrain. Parce que, pour tout le reste, Nikon D750 m’a salement bluffé.
• Montée en sensibilité, au delà de 6400iso et vers l’infini.
Je ne vais pas me répéter, j’ai acquis au fil du temps une capacité à détecter le bruit dans mes images. Cette habitude implique que je ne travaille quasiment jamais au delà de 3200iso avec mon D3s. J’ai voulu savoir si Nikon D750 était capable d’aller au delà et de franchir la barrière. Donc, ne reculant devant aucune audace, j’ai poussé la molette à 6400iso, dès le départ. Pouvoir travailler à ce niveau de sensibilité est évidemment un luxe dans le domaine de la photo de scène. Ça permet de travailler confortablement, de pouvoir évoluer dans des plages de vitesses et de diaphs plus vastes. J’avais quand même pris le soin d’activer la réduction de bruit dans le menu, au cas où. Le résultat est bluffant. Pas un pet de bruit dans l’image à 6400iso, un niveau de détail, une dynamique de l’image, un velouté de couleurs délicieux, en particulier dans les bleus et les nuances d’orangé. Et, surtout, une taille d’image et, mazette ! Quelle taille ! 6016 pixels par 4016 pixels, excusez du peu. De quoi cropper à la hussarde, redimensionner dare-dare, tout en gardant une taille d’image largement exploitable. Double bonus. Une montée en iso qui assure et un mode de mesure hautes lumières qui s’avère encore une fois particulièrement efficace, comme sur D810 dont est issue cette fonctionnalité. Et encore, comme dirait le Francis, c’est que le début.
• AF 51 points, qualité premium.
S’il est bien un sujet sur lequel je n’avais pas le moindre doute, c’est bien celui de l’autofocus. Au chapitre autofocus, le nom de Nikon brille historiquement de mille feux et autant dire que Nikon D750 ne rate pas le coche. Le petit dernier a donc hérité de l’autofocus familial, de cette capacité à trouver le point et à accrocher le focus même dans des zones sombres et difficiles. Le mode AF groupé fait encore une fois des miracles, même si pour ma part, je préfère le collimateur unique qui me semble nettement plus précis. On dira ce qu’on veut, mais un AF qui assure, c’est une source de galères en moins. Voir le voyant de mise au point s’allumer, dans à peu près tous les cas de figure et savoir qu’on peut compter sur une mise au point auto efficace, c’est le début du bonheur. La vélocité du mode rafale de mon D3s m’a un peu manqué, même si les 6,5fps de D750 permettent de saisir une belle gamme d’instants. En revanche, une ola pour le déclenchement nettement plus soft sur D750 ! On est loin du résonnement lyrique de mon cher D3s…
• Ergonomie, écran orientable.
Du point de vue de l’ergonomie, c’est (très) compliqué de passer d’un boîtier pro comme D4s ou D3s à Nikon D750. En revanche, la fonctionnalité ultra pratique de D750 c’est le bouton info qui interagit en temps réel avec les commandes. Vous activez le bouton info, toutes les infos du boîtier s’affichent à l’écran. Partant de là, si par exemple vous appuyez sur le bouton iso, les infos sur les sensiblités s’affichent en surimpression et vous pouvez modifier vos paramètres iso en temps réel. Et ça fonctionne pour l’ensemble des paramètres de D750. Du point de vue de la facilité d’utilisation, c’est difficile de faire plus simple. J’ai également testé l’écran orientable. Je ne suis pas trop adepte de la prise de vue en liveview, mais je dois admettre que l’écran orientable permet de faciliter des prises de vues un peu acrobatiques, par exemple pour survoler la foule à bras tendus. Je pense que les vidéastes vont se régaler avec cette capacité à orienter l’écran.
• En conclusion, Nikon D750, carton plein.
Nikon D750 ne déçoit pas, même en conditions de lumières délicates. Au chapitre de la précision autofocus, D750 se comporte merveilleusement bien, avec beaucoup d’aisance, même dans les zones sombres. Il est véloce, produit une image dynamique et son capteur 24mp permet de nombreuses libertés en post prod. Du point de vue de l’ergonomie, la prise en main est aisée même si l’ajout d’un grip devrait faciliter la préhension et le shoot en mode portrait. Au chapitre montée en iso, là aussi un excellent résultat avec une image qui reste propre à 6400iso. Globalement, Nikon D750 est très bon sur toute la ligne, particulièrement sur l’AF et les fonctions connexes (mode groupé, mode de mesure hautes lumières) et sur la montée en iso où il s’avère surprenant. La vraie question, au fond, elle m’était posée cet après-midi même par un ami photographe professionnel, équipé en Nikon (il a un D4) : « Pour le prix d’un D4, tu as un D750, un grip, un 24-70 et un 70-200. C’est clair que ça fait réfléchir, même les pros. Surtout les pros… » Nikon D750 a hérité du meilleur de Nikon, de D4s comme de D810 il a pris l’autofocus, le mode AF groupé, le mode de mesure hautes lumières et ajouté une ultra sensibilité et une montée en iso remarquable, alors effectivement, on est en droit de se poser la question. Que reste-t-il aux grands ? Pour un prix abordable, le choix de Nikon D750, reflex plein format s’impose, tant pour les amateurs experts que pour les professionnels, laissant une belle latitude pour s’offrir quelques cailloux de beau calibre. Et encore, je n’ai même pas évoqué le chapitre vidéo, où ce reflex est également plein de ressources. J’avais prédit, avant même sa sortie, que Nikon D750 allait sans doute réaliser le plus beau succès commercial de la marque jaune, depuis un bail. Je pense, à en juger des premiers retours que j’ai sur la demande pour ce petit reflex que je me suis trompé. J’étais nettement en dessous de la réalité.
• les photos de la galerie sont les jpegs issus du capteur (no post prod, no crop).
Bertrand dit
D750 vs D3s. Ok, je comprends ton choix car c’est ce que tu possèdes comme boîtiers.
Mais quid du D750 vs D700?
Cela peut intéresser les détenteurs de D700 et qui seraient tentés de succomber aux sirènes du « nouveau ».
Je dois bien avouer que je n’arrive plus à suivre la stratégie des constructeurs. Je n’arrive plus à suivre en tant que photographe. En tant que « Geek » c’est autre chose. C’est de la vente pure…
On se ramasse un tas de boîtiers dont l’utilisation se chevauche. D6xx, D8xx, D7xx chez Nikon par ex.
Car toujours en tant que photographe, je réaliserais le même taf de ma qualité (concerts, commercial, portrait…) avec le D700, je pense.
Leo dit
Hello,
merci pour ce retour.
En ce qui concerne la demande j’ai été surpris lorsque la semaine dernière j’ai demandé à la fnac de châtelet combien il en avait vendu et qu’on m’a répondu : 2 !
Les fêtes de fin d’années ne sont pas encore passées c’est sûr, mais je trouve que c’est vraiment peu.
Est-ce que tu aurais une idée de ce qui a été commandé par chez toi ?
harvey dit
@bertrand je pense qu’une partie des propriétaires de D700 qui n’ont pas encore changé de boîtier vont se laisser tenter par D750 pour ses nombreuses qualités (son AF 51 points, ses fonctionnalités héritées de D810 et D4s). La stratégie de Nikon est claire, la marque souhaite couvrir un éventail large sur la gamme plein format et proposer un reflex sur chaque segment et justement je ne pense pas que les modèles se chevauchent. Maintenant, là où je suis d’accord avec toi (et le fait que je conserve mon D3s qui va avoir 5 ans) c’est qu’il n’y a aucune raison que ton D700 et toi fassent de moins bonnes photos parce que le temps a passé 🙂
@leo Je n’ai pas les chiffres de vente mais je veux bien croire que ce boîtier va cartonner.
Eric C. dit
Bonjour,
Super ce test…super tout ces tests…mais moi, je rêve d’un testeur qui fassent quelques shoots dans des conditions un peu plus extrêmes genre 3200, 6400, 9000 iso à f8 / f10 / f13…
Et montrer ces shoots sans post traitements.
Est ce trop demander ?
Eric
harvey dit
« no post prod, no crop »
sinon pour bosser à f/13 dans des conditions de lights comme celles-là faudrait monter au delà de 12.8 et plus si affinités. D.I.Y.
Eric C. dit
J’ai dit que j’aimerais voir des exemples de shoots entre f8 et f13 à des valeurs iso entre 3200 et 9000.
Tous les tests qu’on nous montre sont entre 1.4 et f4 …
Et des exemples de shoots pas forcement en concert mais dans des conditions urbex par exemple…
Merci.
Eric
kp-photographe dit
Très bon appareil à en voir vos photos ! Pour moi, il ne remplace pas le D700. Mais pour mon usage professionnel – photographe de mariage (http://www.kp-photographe.com) – je n’ai pas besoin la haute vitesse (1/8000.) Ma seule réticence est le FP (flash). Il monte très bien en iso, complément avec mon d700. J’attends que le prix baisse 😉
A ++
harvey dit
Et il va baisser, c’est certain. Si vous pouvez patienter un peu, le prix va évidemment se tasser vers le bas. Et puis ce n’est pas parce que Nikon sort un D750 que vos photos faites au D700 seront moins bonnes 😉
kp-photographe dit
Je suis d’accord avec vous, mais le d700 est vieillissent! 😉
Le d750 monte mieux en iso, une meilleur dynamique, un IL de -3 pour l’AF, capteur expeed 4, un écran orientable (un plus pour moi) et bien d’autres chose encore. Il va complété mon d300 et le d700. Car sur une mariage, il faut au moins de 2 boitiers. Chacun d’eux auront une utilités différentes avec des objectifs différent. 😉
A+
harvey dit
Mon D3s va avoir 5 ans et je ne peux pas me résoudre à m’en séparer. En même temps, les arguments énoncés sur D750 sont imparables, même cet écran orientable dont je me suis beaucoup moqué et qui finalement à l’usage va s’avérer très pratique dans certaines situations, notamment en photo de mariage !
Bertrand dit
@harvey : Je refléchis trop comme un mec qui utilse le mode « M », qui joue avec la vitesse et la focale et qui souhaite une bonne montée en iso sans casse. D’où mon incompréhension des stratégies des marques.
Je suis passé en Fuji complet pour l’encombrement poids. Car en fait mon trio vistesse/focale/iso est ma bible. Techniquement je n’ai rien gagné avec Fuji.
Quand je suis passé du D200 au D700, à l’époque, j’ai eu un orgasme. Quand je suis passé du D700 au D3s, un frisson.
Et de D3s à Fuji X-T1, mon mal de dos et mes tendinites ont maudit Fuji 🙂
On se comprends je pense.