L’été se termine doucement, un été aussi contrasté que mes photos, avec une foule de questions. Comme chaque année, j’ai couvert le festival des Vieilles Charrues, mon festival de prédilection dont j’ai rapporté quelques milliers d’images. Encore une fois, j’ai pu compter sur la performance de mon matériel, mon Nikon Z9 tout terrain embarquant Nikkor Z 70-200mm f/2,8. Que dire de plus ? Rien. Impossible de mettre à côté, avec ce monstre de performances, même si je suis revenu éreinté de mes journées de crapahutage.

Nikon Z9 VS Leica M6. La performance du numérique ou le plaisir de l’argentique. Et pourquoi pas les deux, finalement ?
Cet été c’était aussi l’occasion de cramer de la pellicule avec mon Leica M6. Autre salle, autre ambiance comme on dit. Ici la difficulté c’était surtout de réussir à finir la pellicule de trente-six poses. Au terme de mon invincible été, il m’a fallu poser un constat. L’impression d’être arrivé à la croisée des chemins. Alors oui, disons-le clairement. La photo numérique et son point d’apogée technique ont une fâcheuse tendance à me lasser. C’est sans doute ce qui m’a motivé pour consacrer plus de temps et d’assiduité à l’argentique. Et poser ce constat simple. Entre la performance de la photo numérique et le plaisir de la photo argentique, il y a un monde.
• Leica M6, cher argentique…
L’argentique, après tout, c’est le monde d’où je viens, un monde que je n’ai vraiment jamais quitté. Mon honorable Canon F1 ayant largement gagné le droit au repos, j’ai été tenté de trouver son successeur, Canon New F1. Mais la perspective de trimballer un poids lourd, presque aussi lourd que mon Z9, m’a fait renoncer. J’ai choisi Canonet QL17 GIII un merveilleux petit appareil télémétrique, quoique techniquement assez limité. De l’occasion de tâter du télémètre, à celle d’envisager l’achat d’un Leica M, il n’y avait qu’un pas, que j’ai allègrement franchi aux premiers jours de l’été.

Au bar de l’hôtel Vauban à Brest, juillet 2025. Leica M6, Zeiss Biogon 28mm f/2,8, pellicule Kentmere 100 iso (crédit photo : Hervé Le Gall)
• Le vieux fantasme Leica
On ne va pas se mentir. Leica, c’est le vieux fantasme que bon nombre de photographes ont caressé un jour, plus ou moins consciemment. Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai envie de photographier avec un Leica et de m’adonner aux plaisirs de la visée claire. Le seul bémol de la mythique marque de Wetzlar, on le connaît. Son prix bien sûr, qui ne cesse d’évoluer à la hausse. Un M6, qui se négociait entre 800 et 1200 euro il y a quinze ans, a vu sa côte plus que doubler. Pour ma part, j’ai eu la chance de croiser un collectionneur qui m’a cédé un M6 en état neuf à un prix (relativement) raisonnable. J’ai aussi trouvé deux optiques Zeiss d’occasion, un 50mm f/1,5 Sonnar et un 28mm f/2,8 Biogon.

Le Cabellou, Concarneau, août 2025. Leica M6, Zeiss Biogon 28mm f/2,8, pellicule Fujicolor 200 iso (crédit photo : Hervé Le Gall)
• L’expérience de la visée claire
Entre le numérique et la pellicule, il y a un monde, même si l’objectif final est le même. Entre le moment où je charge une pellicule dans mon M6, avec ce système de chargement complètement barré (merci Oskar !) et celui où je rembobine le film pour le développer, il s’est passé de longues poses, du temps, de la réflexion, de la respiration. Chaque pression sur le déclencheur est le fruit d’un acte réfléchi.
Je me suis découvert une vraie passion pour la visée claire, la précision de la visée télémétrique qui permet de réaliser la mise au point de manière efficace. Je passe sur certains détails comme l’ergonomie (parfaite) du M6, sa discrétion, son poids plume, la fluidité des optiques Zeiss, la facilité de réglage du diaphragme… Bref, Leica M6 c’est du plaisir.
Nikon Z9, l’ultra performance.
Deux cartes CFExpress, une batterie longue durée, un boîtier tropicalisé, avec Nikon Z9 il n’y a quasiment aucune limite. Pour la mise au point, on peut toujours compter sur son AF suivi 3D, d’une efficacité absolument redoutable. Vous pouvez shooter sans compter, en mode rafale à des cadences insensées. La première sera bonne, les suivantes aussi. Le capteur 45mp va vous générer une image de 8500 pixels de large à la louche, autant dire que vous aurez de la marge pour cropper. Avec une excellente optique (pour ma part je n’ai que du Nikkor), vous êtes sur le toit du monde. Dans les mains et les bras, ce poids de mammouth ne déçoit pas. J’en sais quelque chose, j’ai mis trois semaines à calmer mes douleurs dorsales à l’issue du festival des Vieilles Charrues.

Frank Carter du groupe Sex Pistols au festival des Vieilles Charrues, juillet 2025. Nikon Z9, Nikkor Z 70-200mm f/2,8 VR S, 800 iso (crédit photo : Hervé Le Gall).
Mais il y a un fossé en terme de plaisir, surtout en festival où le photographe est dans l’urgence, avec l’impérieuse nécessité de ramener de l’image combinée au stress de la fossse.
En conclusion, choisis ton camp (ou pas).
Ce n’est pas un hasard si de plus en plus de photographes viennent ou reviennent à l’argentique. Est-ce par lassitude vis à vis du numérique ou bien l’envie de respirer autrement ? Peut-être est-ce la volonté de vivre l’aventure photographique dans son entier, de laisser du temps au temps ? Je me surprends souvent à constater qu’il me reste cinq ou six poses sur ma pellicule. Je pensais la finir aujourd’hui et finalement non, parce que mon regard n’a rien croisé d’intéressant ou parce que chaque image doit se mériter.
Post scriptum : le prix de l’argentique
Cet été, j’ai testé la nouvelle pellicule couleur Harman Phœnix II. Entre le prix de la pellicule, le développement et un scan basse def j’en ai prix pour la bagatelle de 35€. Pour le noir et blanc, que je développe et que je numérise moi-même, le coût est nettement plus raisonnable (environ 6€ pour la pellicule et 2€ pour le développement). Il faut aussi compter sur l’inflation galopante du prix des pellicules. Une Fujicolor 200 coûte 10,70€, une Harman Phœnix II 15,50€, une Kodak Portra 400 près de 22€ (source : Digit-Photo). Et la possible disparition prochaine de Kodak ne devrait pas arranger les choses. Mais c’est bien connu, quand on aime, on ne compte pas…
Laisser un commentaire