Dix ans en marque jaune. Je me rappelle bien du moment où je me suis dit que finalement, j’avais toutes les bonnes raisons de quitter la marque avec laquelle j’avais passé toute ma vie photographique. Quitter Canon, c’était un crève-cœur. Mais la marque rouge avait commis quelques faux pas dont elle aurait du mal à se relever. Il y avait eu l’épisode EOS 1D Mark III et une gestion désastreuse de la crise. S’en était suivi la sortie chaotique de EOS 5D Mark II dont on attendait beaucoup, sans doute trop. On était en 2009 et j’avais vécu un vrai cauchemar aux Vieilles Charrues avec ce reflex et ses pannes erratiques. Mon premier fail de taille avec la marque rouge.
Deux semaines plus tard, j’avais revendu mon 5D Mark II sans perte mais avec fracas. J’avais dit et répété que EOS 7D n’avait rien pour me convaincre, tant et si bien que quelques temps plus tard j’achetais un EOS 7D, n’ayant guère d’autres alternatives. N’empêche, avec le recul, ce reflex s’est avéré un bon choix, surtout en binôme avec Canon EF 70-200mm f/2,8L IS. Seul bémol, c’était un boîtier APS-C. Pour le reste, EOS 7D était un excellent boîtier, à tout point de vue. On était en septembre 2009. Je ne le savais pas encore, mais le séisme était en approche. Et le choc allait être violent…
Dix ans en marque jaune
• Nikon D3s. Rencontre du troisième type.
Salon de la photo 2009. Stand Nikon. Dans un coin du stand, à l’abri des regards indiscrets, il est là. Je ne vais pas tomber dans le lyrisme, mais je peux vous dire qu’à l’instant même où j’ai eu Nikon D3s entre les mains, j’ai su qu’il allait se passer un truc. La prise en main, l’ergonomie, le poids aussi. La liste des specs annoncée, la photo de l’ours au clair de lune par Vincent Munier. Je me souviens avoir dit, ou peut-être l’ai-je simplement pensé, que Nikon avait conçu ce boîtier pour moi. À partir de ce moment-là, j’ai commencé à tester du matériel Nikon. D’abord avec Nikon D700, souvent considéré comme le petit frère de D3s. Dans le même temps, j’ai continué à bosser avec mon matos Canon.
À l’été 2010, j’embarquais EOS 1D Mark IV aux Vieilles Charrues. J’étais un des rares photographes à être sorti entier de la fosse Glenmor, pendant le concert arrosé façon 40è rugissants de Muse. Putain de concert pour un putain de reflex. Je dois avouer que j’ai été à deux doigts de signer pour 1D Mark IV. Ce qui m’a retenu à l’époque c’est que ce reflex n’était pas fullframe mais APS-H (coeff. 1,3). Finalement, j’ai repris mes tests avec Nikon D3s. À l’époque, le grand truc c’était la montée en ISO. Avec le recul, tout cela me fait bien marrer, tellement aujourd’hui tout le monde s’en fout de la montée en ISO, moi le premier. Non, l’argument numéro 1 de Nikon D3s, ce qui m’a sidéré, c’était la pertinence et la justesse de son autofocus.
Nikon D3s, Nikkor 70-200mm f/2,8 VRII. Avec ce tandem entre les mains, j’avais l’impression d’être sur le toit du monde. C’était le matos ultime. Puissant, véloce, d’une précision redoutable. Un rendu et un piqué d’image remarquables, une ergonomie absolument parfaite. Avec D3s, les ingénieurs de chez Nikon avaient réalisé un prodigieux bond en avant, par rapport aux générations précédentes. Un matin de décembre 2010, je me suis dit que je m’étais posé assez de questions. Aux premiers jours de 2011, Nikon D3s était dans mon sac.
• L’aventure de la marque jaune
Avec mes deux optiques de prédilection, l’excellent Nikkor 70-200 f/2,8 VRII et le très polyvalent Nikkor 24-120mm f/4, mon aventure avec Nikon commençait sous les meilleurs auspices. J’ai rapidement réalisé que j’étais parfaitement à l’aise, comme si au fond j’avais toujours bossé en Nikon. Les quelques arguments qu’on m’opposait à l’époque, comme l’incontournable velouté de couleurs Canon, me semblaient aussi dérisoires qu’infondés. À partir de cette période, j’ai pu tester de nombreuses optiques Nikkor, bénéficiant du soutien technique indéfectible du NPS (Nikon Pro Services). Au delà de la pertinence du matériel, je crois que ce que Nikon m’a surtout apporté c’est une forme de sérénité, dans le fait d’être en phase avec mon matériel. Ne plus se poser de questions, savoir que quoiqu’il arrive, le matos répondra présent.
Un peu plus d’un an plus tard, je testais Nikon D4 puis, en septembre 2014 c’était ma rencontre avec Nikon D4s au festival des Vieilles Charrues. Je ne croyais pas possible qu’un reflex puisse un jour détrôner mon D3s et ce fut le cas avec D4s. Ce petit prince des reflex avait hérité de tout ce qui faisait la puissance de D3s en ajoutant quelques mégas à la taille du capteur et un AF encore plus performant, entre autres. Je pensais que Nikon D4s serait mon dernier reflex, je me trompais, mais de peu. Il y a eu Nikon D500, un reflex aussi léger que pertinent. Mais surtout, à l’été 2018, la marque jaune a annoncé Nikon Z.
• La visée réelle. En silence.
J’ai profité d’un test terrain consacré aux mirrorless, au printemps 2019, pour tester Nikon Z6. À l’époque j’évoquais Nikon Z6 comme le plus controversé de tous les hybrides à visée réelle tant on entendait ici et là de propos négatifs à son égard. Entre l’autofocus à la ramasse, la présence d’un seul slot, le temps de latence à l’allumage, l’absence de grip, l’autonomie, j’en passe et des meilleurs, on n’avait plus qu’à se flinguer. D’ailleurs, c’était acté, Nikon pas plus que Canon ne rattraperaient jamais, ja-mais, leur retard par rapport à Sony, qui avait cinq ans d’avance. N’empêche, j’ai demandé à voir, j’ai vu. Et j’ai finalement pris deux décisions.
La première, celle de tester Nikon Z6 en vrai. Je l’ai embarqué avec moi aux Vieilles Charrues à l’été 2019. C’était amusant de se retrouver dans la fosse avec nombre de mes amis photographes équipés de leurs (gros) reflex et qui me regardaient avec la compassion qu’on accorde à un gars qui va se ramasser. Ce ne fut pas le cas. Avec Nikon Z6 j’ai ramené quelques clichés qui, je le crois, resteront. Seconde décision et pas des moindres, j’ai revendu mon D4s et j’ai commandé un Z6, un adaptateur FTZ (pour pouvoir utiliser mon 70-200 entre autres) et un 24-70mm f/2,8 S (fabuleuse optique). Puis quelques mois plus tard Nikkor 14-30mm f/4 pour aller en balade à Londres et voyager large et léger.
C’est aussi en octobre 2019, à l’occasion de l’Atlantique Jazz Festival que j’ai pu savourer pleinement le privilège de travailler avec Nikon Z. Dans l’obscurité la plus totale, dans un silence monacal grâce à l’obturateur électronique, pilotant le boîtier en visée réelle.
• Demain, ça s’ra vachement mieux !
La photographie n’est qu’une succession de chapitres, d’une histoire qui s’écrit avec le temps. Pour les photographes, aujourd’hui, les temps sont (très) difficiles. Ceux qui espéraient voir le prix des matériels chuter singulièrement réalisent que les optiques coûtent aussi cher qu’avant. C’est le cas des optiques Nikkor de la ligne S, c’est aussi le cas chez Canon ou chez Sony. Du point de vue optiques, les ingénieurs de la maison Nikon n’ont pas chômé ! La roadmap dévoile un programme de vingt sept optiques, dont dix huit dans la seule gamme premium S-Line.
Du côté des boîtiers, Nikon ratisse large avec une offre des plus solides. Un Nikon Z50 au format APS-C, un Nikon Z5 fullframe entrée de gamme, Nikon Z6 II (sport, reportage) et Nikon Z7 II (gros capteur, studio). Reste un absent de taille, si j’ose dire. Le boîtier mirrorless qui viendra concurrencer – et à terme remplacer ? – le reflex flagship de la marque jaune, Nikon D6. On sait qu’un boîtier monobloc est en préparation. Sera-t-il annoncé en cette année 2021 et surtout, sera-t-il seul ? Concernant le timing, toutes les sources semblent confirmer qu’il y aurait une annonce à l’automne cette année. On espère un mirrorless monobloc Z8/Z9, même si la réalisation d’un tel boîtier aux performances solides nécessite des développements et une ingénierie considérables, en particulier au niveau du processeur Expeed…
• En conclusion, vivement demain !
Qu’attendre de cette nouvelle année ? D’abord, évidemment, qu’on sorte de cette crise sanitaire et qu’on puisse revenir à une vie normale. Du point de vue des optiques, je vais regarder avec attention les propositions de Nikon sur les deux cailloux pancakes 28 et 40mm. J’attends aussi avec impatience l’annonce d’un 85mm, ouvrant possiblement à f/1,2. Si c’est le cas, le prix risque d’être à la hauteur des performances : pharaonique ! La proposition d’un 100-400mm, un range assez fabuleux, devrait aussi mériter le détour ! Idem pour le 400mm et le 600mm très attendus en sport et animalier, tout comme le 200-600mm. On ignore si Nikon va annoncer autant de produits cette année mais une chose est sûre. La roadmap est prête. On attendra l’automne pour connaître le vrai visage d’un éventuel boîtier monobloc.
Dix ans. Ça a passé très vite, j’en conviens. Je n’ai jamais regretté, pas un seul instant, d’avoir choisi Nikon. Cette année encore est pleine de promesses et s’annonce passionnante. Prenez soin de vous et bonne année !
• merci à Nikon France, en particulier au NPS (Nikon Pro Services) qui m’a supporté tout au long de ces dix ans, dans tous les sens du terme.
• une pensée pour Higelin (à qui j’ai emprunté un titre).
• cet article n’est pas sponsorisé.
julien dit
Merci pour l’article.
J’ai commandé un Z6 II et les deux zooms 2.8 S (24-70 et 70-200).
J’ai hâte de recevoir mon matériel.
Pour cette année j’attends avec impatience le 24-105 et 100-400. Les deux petits objectifs fixes (28 et 40mm) dont vous parlez me semblent très prometteurs et passe-partout.
Au niveau des boitiers, plus qu’un équivalent au D6 j’aimerais voir un équivalent au D850. Je n’ai pas vraiment l’impression que le Z7 en soit vraiment un. Il faudra être patient je pense. Peut-être de nouvelles annonces pour les J.O si le Japon maintient ses dates.
J’ai hâte de pouvoir tester tout ça et de me faire ma propre idée sur les couleurs, l’autofocus et tout le reste.
Nikon a de sérieux concurrents, et tout le monde attend le Sony A7 IV ou le A9 III. Cette année 2021 s’annonce passionnante effectivement, et peut-être décisive pour l’avenir de certaines marques. J’espère que Nikon sortira l’artillerie lourde 😉
Hervé LE GALL dit
Z6 II et les deux zooms en f/2,8 S ? Comment dire ? C’est juste parfait Ces deux optiques sont simplement ce qui se fait de mieux dans la gamme aujourd’hui. Je ne sais pas ce que Nikon prépare mais je ne serais pas étonné de voir deux boîtiers. Un dédié au reportage, l’autre singulièrement musclé (comprendre très gros capteur) pour le studio. La principale difficulté réside dans le processeur pour faire tourner des monstres de ce genre.
Concernant Sony, mon avis ne change pas d’un poil. La gamme Alpha est excellente. Pour moi, le seul bémol de cette gamme réside dans la taille de la monture héritée d’un boîtier qui à l’origine était prévu pour être en APS-C. Dans les deux crèmeries d’en face, les diamètres des montures sont loin devant. Et pas que le diamètre. Les capacités de communication de datas entre l’optique et le boîtier. Bref. La partie est loin d’être jouée…
éric dit
Bonjour,
Toujours un plaisir de lire vos articles, de suivre les avis postés qui ouvrent à débat, à émotion.
Pour ma part je reste avec mon fidèle D700 et ses anciennes optiques AF qui continuent à me fournir du plaisir.
Arnaud LAURENT dit
Super article, j’attends aussi avec impatience le 85mm 1.2 😉
julien dit
Oui le 85 1.2 !! la roadmap Nikon est très alléchante!!
J’ai lu un commentaire de quelqu’un qui se plaignait que Nikon et d’autres se focalisaient beaucoup sur la netteté (Sharpness comme ils disent) et que du coup la magie et la poésie des anciens objectifs étaient un peu laissé de coté. Au final certains se plaignent qu’on ai aujourd’hui de optiques un peu froides, sans âmes…
J’espère que ce 85 1.2 aura du caractère et de la personnalité! un peu à l’image du 105 1.4 qui m’a paru exceptionnel…
Popaul dit
Merci Harvey pour ce come back de 10 ans, pour la part je résiste encore avec mon D5 au chant des sirènes des hybrides pour du shooting sportif ou animalier
Peut-être lors de la sortie d’un Z8 je me laisserai tenter, j’attends avec impatience de te relire après tes shoots avec celui-ci
Bien bonjour de Moselle