Vous connaissez l’étymologie du mot photographie, n’est-ce pas ? Inutile, donc, de vous faire un cours magistral sur le sujet. Pas de lumière (photo en grec), pas d’écriture (graphein, en grec aussi). Et cette règle est valable quelque soit le sujet et quelque soit le matériel engagé. En photo de mode, en portrait, en animalier ou en live, la lumière est le premier et indispensable compagnon du photographe, depuis toujours. Bien sûr, le photographe n’est jamais à court de ressources, encore moins d’idées. C’était Cartier-Bresson photographiant à la lueur d’une bougie en utilisant Noctilux, le caillou ultra lumineux de chez Leica. C’était Munier photographiant un ours au clair de lune avec Nikon D3s, premier reflex à passer la barrière des 100Kiso. Un exploit qui ferait presque sourire, aujourd’hui, avec Nikon D5 capable de s’exprimer en millions d’iso. Ah ! La lumière, éternelle problématique. On peut utiliser celle du soleil, en la modulant. On peut profiter des lumières de la scène, en s’adaptant. On peut aussi être son propre maître de la lumière et là les choses se corsent. L’éclairage pour la photo de mode et de portrait, publié chez Eyrolles, propose des pistes. Et quelques clés pour vous permettre d’avancer dans ce véritable casse-tête, ce challenge que représente la maîtrise de la lumière.
Photo de mode, portrait. Que la lumière soit.
• Faire de la lumière son alliée
Quand j’ai découvert le nouvel opus de chez Eyrolles dédié à l’éclairage pour la photo de mode et le portrait, ma première réaction a été de me dire que c’était pas gagné. D’ailleurs, dès son introduction, l’auteure de l’ouvrage – elle s’appelle Rossella Vanon, c’est une photographe de mode de grand talent basée à Londres – le confesse. « Comme beaucoup de photographes, au début de ma carrière, je n’ai pas osé me confronter à l’éclairage de studio car j’étais incapable d’en maîtriser les aspects techniques ni d’obtenir les résultats voulus. Je me suis réfugiée dans l’apparente simplicité de la lumière naturelle… » Tout est dit, en une phrase. Un résumé parfait de la difficulté abyssale de l’éclairage de studio, tout en relevant que la lumière du soleil n’est guère plus simple à maîtriser. Ce postulat posé et admis, on est prêt à découvrir comment il est possible de dompter la lumière pour en faire son alliée.
• Lighting People
Autant le dire tout net, le bouquin de Rossella Vanon n’est pas un livre de cuisine qui délivre des recettes prêtes à consommer. D’ailleurs, pour la petite histoire, notez que le titre anglais original de l’ouvrage me semble nettement plus parlant que sa traduction française. Lighting People. Comme toujours avec la langue de Shakespeare, les mots peuvent avoir des sens multiples. Le titre choisi par Eyrolles, l’éclairage pour la photo de mode et de portrait, s’il est moins poétique n’en n’est que plus pragmatique.
Un mot sur les photos qui illustrent cet ouvrage. Inutile de dire qu’elles sont de grande qualité, naturellement. Ce qu’il faut souligner, dans le travail de Rossella Vanon, c’est son approche naturelle de la lumière. Je veux dire par là qu’on ne retrouve pas ce côté too much, un travers qu’on peut reprocher assez souvent dans le monde de la photo de mode. S’il y a une constante dans les clichés de Rossella Vanon, c’est bien la douceur de la lumière. Il se dégage une belle atmosphère qui privilégie le sujet. Pas d’esbroufe, pas de frime, en studio comme en extérieur, photo de mode comme en portrait, les clichés de Rossella captent la lumière, la maîtrisent sans violence, sans heurt. Comment fait-elle ? Quels matériels engage-t-elle ? Et quelles techniques ? C’est le pari que ce livre tente de relever.
• L’alchimie complexe de la lumière
Ce livre donne des pistes, des indications, mais pas de recette miracle. Dès qu’on aborde la problématique de la lumière artificielle, tout devient très rapidement compliqué, surtout au début. La lumière c’est pas de la chimie, c’est pire que ça, c’est de l’alchimie. Il faut croiser, tenter, évaluer, chuter (souvent) et se relever. Le truc complexe, en studio, c’est d’abord de savoir visualiser le résultat qu’on souhaite obtenir. Puis de mettre en œuvre les éléments techniques pour obtenir le résultat escompté. Alors, oui, c’est compliqué, très compliqué. La maîtrise de la lumière, qu’elle soit naturelle ou artificielle, demande d’abord qu’on la comprenne.
Comment une source lumineuse interagit, comment elle se confronte ou elle s’unit. Reste à savoir comment on peut la dompter, cette lumière et là, il y a plusieurs vecteurs. D’abord le choix de la source lumineuse (lumière continue, flashs, …), ensuite les éléments techniques engagés (réflecteurs, boîtes à lumière, parapluies, lightsphere, bols beauté, …), leur positionnement, le décor. Une fois que tout est en place, il reste un paramètre et pas des moindres. La technique photo et sa maîtrise, en adéquation avec l’environnement et la lumière mise en jeu. Une erreur d’appréciation, un ou deux diaphs en plus ou en moins, une sensibilité mal évaluée, un flash mal réglé, une lumière parasite et vous êtes aux fraises ! Vous connaissez la fable de Jean de La Fontaine ? Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. Un conseil. Notez cette maxime sur un post-it et relisez le chaque fois que vous vous planterez. Car en photo de mode et en portrait ça vous arrivera plus souvent qu’à votre tour. Mais dites-vous que la lumière est au bout de votre chemin.
• Apprendre à apprivoiser la lumière
Et après ? Bizarrement, pensera-t-on, le livre de Rossella Vanon n’aborde pas l’après, à savoir la post-production. Tout au plus évoque-t-elle le shooting en mode connecté, via Capture One Pro mais de la phase de production elle ne dit mot. C’est quelque chose qui peut se comprendre. D’abord, plus la technique et par voie de conséquence l’image sont maîtrisées en amont, plus la post-production et la retouche nécessitent le moins de corrections. C’est le but de ce livre, on peut donc admettre que l’auteure n’engage pas un chapitre sur la post-production, d’ailleurs un chapitre n’y suffirait pas. En revanche, on ne peut pas nier l’aspect essentiel du travail de post-production, surtout dans l’image de mode. Même si un excès de post-traitement a tendance à tuer l’image. Et c’est tout le profit proposé par ce beau bouquin. Maîtriser la lumière, l’apprivoiser plus que la dompter pour donner à vos clichés une personnalité unique.