Je reçois pas mal d’emails, c’est mon courrier des lecteurs, c’est pas le courrier du cœur des lecteurs (trices) de Shots, non plutôt des interrogations sur le matériel. La photo, c’est devenu un truc vachement compliqué, surtout la photo numérique. Comme disait un vieil ami brestois, c’était mieux avant. Il a raison. Autrefois (je vous parle d’un temps, etc…), on s’achetait un bon boîtier, bien solide, tenez au hasard par exemple chez Canon un modèle F1 dont il était si solide qu’on disait que les photographes de guerre pouvaient aussi l’utiliser pour planter les sardines de leur abri de fortune en pleine jungle. Dès lors qu’on avait en mains ce reflex historique de la marque rouge, avec son rideau inusable en titane garanti à l’aise Thérèse un million de déclenchements voire plus si affinités, on n’avait plus qu’à investir dans des optiques qui coûtaient un bras mais quasiment garanties à vie et ce n’est pas mon 55mm f1,2 SSC acheté en 1979 qui me contredira. Alors qu’aujourd’hui, le turnover des optiques est nettement plus soutenu et je ne parle même pas de la valse des boîtiers. Bref. Ainsi allait la vie lorsque je reçus un email, un long email dont j’imagine que son auteur l’avait bien pensé. Ce message résume à lui seul de nombreux emails reçus au fil du temps sur Shots et je m’en vais vous le citer, in extenso.
Je me posais la question suivante. Les boîtiers Pro type Nikon D4 ou Canon 1Dx pour ne citer qu’eux, ne dépassent pas (encore) les 18Mpix. Je ne pense pas que ça soit un hasard.
Un ami photographe (amateur) me disait qu’il shootait à 10Mpix volontairement et que cela lui suffisait empilement. Je me demandais à juste titre, si dans quelques mois ou quelques semaines, le Nikon D700 venait à frôler la barre des 1000 euros, ne serait-il pas un choix judicieux et ceci son viseur à 95% et ses 12Mpix l’Expeed première génération ? Cela permettrait de lui allouer de beaux cailloux de qualité et permettre ainsi de réaliser de belles photos malgré tout, sachant que je pratique en grande partie que du paysage et du portrait ?
Ceci-dit, le Nikon D4 m’attire terriblement sur plusieurs points (beauté de l’objet, qualité Pro, capteur 16Mpix, Expeed 3, grand écran, boitier Pro avec poignée intégrée…). Malheureusement le prix de la bête est là et je crois qu’il restera du domaine du rêve.
J’aimerais connaître votre point de vue quand à cette réflexion sur un achat du Nikon D700 dans le cas où il descendrait (il serait temps).
P.S. : je pense d’ailleurs, que si il reste à un tel prix, c’est qu’il est loin d’être considéré comme obsolète par Nikon et par ceux qui l’utilisent. Par ailleurs, j’ai trouvé un Nikon D4 à 3200 euros avec 3000 déclenchements. Facture et sous garantie avec retrait en main propre en France. Pensez-vous que cela puisse être une bonne affaire et si oui, dans l’optique de garder ce dernier longtemps, je serait en possession d’un boîtier performant pour un usage d’amateur passionné ? Je précise que le poids et le gabarit de la bête ne sont pas pour moi un frein.
J’ai été orienté vers le D600 ou le D800 voir D800E mais le D600 je ne suis pas fan du tout et le D800 ou D800E je trouve que tous ces pixels avec les conséquences (poids des fichiers) me font un peu peur.
Dans l’attente de lire vos réponses à mes nombreuses interrogations.
Cordialement.
Ah mon cher Nicolas*, si je devais gagner dix euro chaque fois que j’ai reçu un email comme le vôtre, posant les mêmes questions, soulevant les mêmes angoisses, je pense que j’aurais pu m’offrir des vacances au soleil. Contrairement à votre postulat de départ, vous ne vous posez pas une question mais des questions et même une foule de questions qui, finalement, sont les questions que bon nombre d’amateurs de la boîte magique se posent. Je vais donc vous répondre, point par point. Est-ce que la taille en mégapixels ça compte ? Est-ce qu’il vaut mieux investir dans un reflex de qualité ou dans des optiques de qualité ? Est-ce que je ferai de meilleures photos avec un boîtier pro ? Est-ce que les boîtiers qui ne sont plus commercialisés sont obsolètes ? Quelle est la durée de vie d’un reflex numérique aujourd’hui ?
(*le prénom a été modifié)
• De la durée de vie d’un reflex numérique
Si vous le voulez bien, commençons par votre dernière question, sur la durée de vie d’un reflex numérique. D’abord, sachez que l’existence d’un reflex numérique mis sur le marché cette année a commencé à être évoquée il y a quatre à cinq ans. Mettre au point un reflex comme Nikon D800, par exemple, définir sa liste de specs, de la taille de son capteur à ses capacités dans tel ou tel domaine, est une véritable gageure, un défi. On peut imaginer le challenge, pour les ingénieurs de Nikon corp. de plancher dès 2008 sur un reflex qui sera révélé au public en janvier 2012. Nous les utilisateurs, qui sommes en bout de chaîne, nous ne faisons que constater, nous assistons à la naissance. Prenez le boîtier de Canon, l’EOS 5D Mark II, annoncé fin 2008, avec des fonctionnalités de vidéo embarquée. Cette innovation qui, avouons-le, se préparait à transformer radicalement le paysage et à bousculer les habitudes du petit monde de la photo, cette nouveauté, que dis-je ? Ce coup de génie ne s’est pas fait en un jour. Le cycle de vie d’un reflex numérique haut de gamme est d’environ trois ans, sans que cette règle soit catégorique ou définitive. Par exemple il s’est passé peu de temps entre l’annonce de Nikon D3s (octobre 2009) suivi de l’annonce de Nikon D4 (janvier 2012). En revanche, plus on descend en gamme, plus le délai a tendance à singulièrement se raccourcir.
Est-ce à dire pour autant que les boîtiers qui ne sont plus commercialisés sont hors-jeu ? En clair doit-on jeter aux orties EOS 5D Mark II, Nikon D700 parce qu’ils ne sont plus commercialisés, évidemment non et je vais même un peu plus loin. Non seulement ces boîtiers ont encore de beaux jours devant eux mais ils sont de surcroît un excellent choix. Vous avez trouvé un Nikon D700 sous la barre des 1000€ ? Si le boîtier est propre, qu’il ne présente pas de signes extérieurs de fatigue (traces de chocs par exemple), si, encore mieux, il a été utilisé de manière pondérée et respectueuse par un amateur passionné (de ceux qui soignent leur matériel), alors pas l’ombre d’une hésitation. Pour l’avoir testé, Nikon D700 est un excellent boîtier plein format 24*36 et son capteur (12mp) capable de générer une image de 4 256 x 2 832 pixels ne sera jamais un frein. En revanche vous apprécierez la vélocité de son autofocus, son poids plume, sa robustesse de conception qui font la marque de fabrique de la marque jaune. Et avec l’argent ainsi économisé, vous irez à l’essentiel : les optiques.
• Une bonne optique, c’est le début du bonheur.
Oui. Les optiques. Parce que jusqu’à preuve du contraire, c’est d’abord par l’optique que passe la lumière. Une bonne optique, voire une optique d’exception, c’est le début du bonheur. Donc clairement, définitivement, si vous devez choisir à mettre de l’argent dans un boîtier ou dans une optique, choisissez la seconde solution, pour deux raisons. D’abord, parce que l’image se construit d’abord à travers l’optique. Selon l’usage que vous en ferez, le type de photographies que vous souhaitez réaliser, vous vous orienterez vers des optiques à focale fixe ou vers des optiques à focale variable (appelées aussi zooms), mais quelque soit votre choix veillez à ne choisir que le meilleur. Du côté de chez Canon, optez pour la gamme L, l’excellence et aussi, avouons-le, une gamme de référence, tant dans les focales fixes ultra lumineuses (24mm, 35mm, 50mm, 85mm, 135mm, …) que dans les zooms (16-35mm, 24-70mm, 70-200mm, …). Chez Nikon la gamme Nikkor fait aussi des merveilles, notamment en proposant une gamme de zooms ébouriffants dont le trio 14-24mm, 24-70mm et 70-200mm couvre toutes les focales de l’ultra grand angle (14mm) au télé-objectif (200mm) tout en apportant une vélocité et une luminosité sans égal à f2,8 et je ne parle même pas de la gamme gros télé (300mm f2,8 ou le zoom 200-400 f4). Ça c’est fait et le calcul est vite fait. Si votre budget est de 3500€, que vous investissez 1000€ dans un reflex de qualité, d’occasion, il vous reste 2500€ pour une ou plusieurs optiques de grande qualité. Si vous êtes équipés en Canon, que vous cherchez une optique polyvalente, offrez-vous le nouveau 24-70 f2,8 qui est un must somptueux et cher (mais il le vaut bien). Pour 2500€ vous aurez un EF 16-35mm f2,8, un 24-105mm f4 et un 50mm f1,4, de quoi couvrir de nombreux besoins. Si vous êtes plutôt Nikon, que vous voulez voir loin, le 70-200mm f2,8 VRII est une merveille. Si vous êtes paysage, architecture, le 14-24mm f2,8 vaut vraiment le détour et il vous restera assez de monnaie pour investir dans le très polyvalent 24-120 f4 (sur fullframe exclusivement). Rien d’exhaustif dans ces listes. Bref, tant qu’à choisir, mettez vos économies dans des optiques de grande qualité plutôt que dans un boîtier onéreux. Et à tout prendre, pour du Canon achetez des optiques Canon (série L de préférence) et pour du Nikon achetez du Nikkor. Dans les deux cas vous ne serez jamais déçus. Pour avoir testé de nombreuses optiques chez l’un comme chez l’autre je peux en attester. Deuxième point essentiel. La durée de vie d’une optique, sa pérennité sont autrement plus longues qu’un boîtier. En clair, une optique que vous achetez aujourd’hui, vous pouvez la conserver de six à dix ans. Vos optiques passeront de boîtiers en boîtiers sans état d’âme, en conservant à chaque fois leurs précieuses qualités, pendant de nombreuses années…
• La taille de l’engin n’a pas d’importance
Et maintenant, LA grande question qui n’en n’est pas une. Est-ce qu’on fait de meilleures photos avec un boîtier pro ? Est-ce que c’est le boîtier qui fait le photographe ? Je suis sûr que vous savez répondre vous-même à cette question. Un boîtier pro comme le D4 de Nikon, c’est aussi valable pour EOS 1Dx de Canon, est d’abord conçu pour une utilisation intensive et professionnelle. Il est polyvalent, paré pour affronter des conditions climatiques extrêmes, il embarque une batterie autorisant une grande autonomie, une parfaite liberté de mouvement. Cette liberté a un prix élévé, entre autres. D’autres paramètres sont plus indirects mais vécus au quotidien : le poids de l’engin, sa complexité de mise en œuvre, sa taille qui le rendent peu discret (et même dans le cas du D4 ou de 1Dx pas discret du tout). En clair, si vous n’êtes pas un utilisateur professionnel, le meilleur conseil que je puisse vous donner c’est de réserver la majeure partie de votre budget aux optiques. Soyons clair. Compte tenu du prix des boîtiers professionnels (dans une fourchette qui va de 5 à 6000€), le calcul est vite fait. Un bon reflex d’occasion, comme un D700 par exemple, vous permet vraiment d’acquérir une série d’optiques d’exception, un investissement durable par nature.
Alors ? Avoir entre vos mains un boîtier qui date un peu et lui associer des optiques d’exception, c’est une certitude, vous avez fait le bon choix. Bien sûr, vous croiserez sans doute quelque photographe qui aura fait le choix inverse, fier d’exhiber son gros machin sur lequel il aura monté une optique à deux balles. C’est assurément un choix désastreux et nettement moins pérenne. D’ailleurs pour se convaincre de la pertinence d’une bonne optique, le plus simple est encore de l’essayer, c’est une expérience dont on se souvient longtemps. Regarder à travers le prisme, le rendu d’une image qui est passée à travers les lentilles d’une optique d’exception, c’est beaucoup plus qu’un plaisir. C’est un privilège.
[…] Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la photographie numérique et que vous avez osé me …Argumentation très intéressante sur shots.fr (Et je ne dis pas ça parce que je suis d’accord, hein ? ) […]