Petite retour sur la publication de mon article sur Nikkor 200-400 f4. À la suite de cette publication j’ai reçu comme toujours quelques commentaires intéressants ainsi que la volée de bois vert habituelle comme à chaque fois où j’écris un truc élogieux sur un matos Nikon. Pour mémoire, je rappelle ici que je suis d’abord photographe avant d’être blogueur et que je ne suis aucunement journaliste. Je n’ai donc aucune obligation de tempérer mon enthousiasme, surtout quand j’ai le privilège de tester un matos de haute volée comme des optiques Nikkor. Franchement, connaissant Nikon, pensez-vous sérieusement qu’on peut sortir autrement que totalement extatique d’un test terrain avec des optiques d’exception comme celles que j’ai eu le bonheur de tester cette année, hein ? Comment ne pas être subjugué par un calibre comme Nikkor 14-24mm f2,8 ? Comment ne pas être enthousiasmé par un Nikkor 24-120mm f4 ? Ou par un Nikkor 70-200mm f2,8 VRII ? Voire par un téléconvertisseur comme TC20-EIII ? Non, je n’ai pas l’obligation journalistique d’induire une petite dose de « j’aime pas » dans mes tests-terrain. J’aime sans limite et sans concession et c’est pas pour autant que j’accepterai le poste de sales manager chez Nikon (sauf si c’est très, très bien payé à la rigueur). Cela dit, cette petite remarque ironique me fut également attribuée lorsque, par le passé, j’encensais EOS 1D Mark IV ou EOS 7D le magnifique. Les pisse-vinaigres trouveront toujours quelque chose à redire, mais ça, c’est leur problème. Moi, mon kiff, mon bonheur, mon satori, c’est le privilège (oui, oui, c’en est un) de pouvoir toucher du matos calibré, du matos d’exception et de ramener de l’image. Tiens à ce propos, reparlons-en, de l’image…
J’avais donc fait mon test-terrain et j’étais prêt à rendre le matériel à Nikon quand j’ai reçu un email d’un camarade expert en matière de matériels Nikon. Celui-ci, avec la franchise qui caractérise les relations entre amis me tenait à peu près ce langage, et là je cite in extenso : « Je pense que tu es passé à côté des deux points les plus importants. Le poids, bien moindre qu’un AFS 400/2.8 ou 500/4, il permet de travailler à main levée… Et c’est dans ces conditions que la stabilisation prend tout son intérêt et ouvre les portes à l’illustration du mouvement. La mise au point mini. Si tu t’étais mis au premier rang, tu aurais osé un grand nombre de détails à 50cm du sujet. » Si je fais abstraction du fait qu’on me dise franchement (mais les amis c’est fait pour ça) que j’étais un peu passé à côté de l’essentiel, je dois à la vérité de dire que ce message m’a singulièrement interpellé. Et comme il se trouvait que trois jours plus tard, j’avais un concert au Cabaret Vauban, j’ai décidé de substituer à mon habituel 70-200 cette vénérable optique au poids plume, m’imaginant ahanant, épuisé à l’idée de trimballer cinq kilos de matos à bout de bras. Ministère de l’homme, vous en avez ? Nous aussi. D’ailleurs ce soir-là, j’ai croisé une jeune pigiste d’un quotidien, qui, soupesant le bestiau pour le fun a compris, ce soir-là, que la photographie c’est une histoire de mecs, nom de dieu ! Je blague évidemment. Je me suis approché de la scène avec Monstro sous le bras, sous le regard incrédule des gens du public, et encore j’avais omis de positionner le pare-soleil. J’étais prêt.
• D3s et Nikkor 200-400 à main levée. Jouable, mais sportif.
On ne va pas se la raconter, si je vous dis que c’est facile de porter Nikon D3s et Nikkor 200-400 à bout de bras, de régler la vitesse, le diaph, de sélectionner son collimateur, de choisir sa focale, de cadrer et tout cela dans le même espace temps, vous ne me croirez pas et vous aurez raison. C’est pas facile. Non, là c’est plutôt le truc maousse qui remplit les mains d’un honnête homme, sans blague, mais c’est jouable. Disons qu’on reste dans les limites du raisonnable avec un poids global de cinq kilogrammes, alors que sur des focales comme le 400 ou le 500 on est carrément hors limite, à moins de se prénommer Arnold, comme le gouverneur de Californie. En revanche, dans le viseur ! Ô mes aïeux ! Dans le viseur du D3s l’image est d’une pureté cristalline et la capacité de ce caillou à faire le point à très faible distance est avérée. Avec une mise au point à 50 centimètres du sujet, on accède effectivement à des cadrages inhabituels. En revanche, impossible de demeurer trop longtemps dans la position de visée, car le poids se fait alors sentir. Encore une fois, j’imagine le profit de cette optique, en photographie sportive ou animalière.
• D3s + 200-400. Le duo parfait ?
J’ai travaillé à 3200iso, capitalisant sur la capacité de D3s à générer une image propre à ce niveau, tout en me disant que ça allait me permettre d’être confortable, de pouvoir bosser à grande ouverture (f4) et avec une vitesse raisonnable (1/125e). Et puis comme toujours en concert, les conditions de lumière ont fait que j’ai dû réduire la toile, bossant à des vitesses moindres. Au un soixantième avec un morceau pareil, j’imaginais qu’au bout ça ne serait pas Byzance. Je me suis trompé. Par la grâce de la stabilisation, de ce fameux VR, on peut shooter à 1/60ème sans états d’âme. Et quand on accroche au collimateur, D3s se fait une joie d’engranger de l’image, et quelle image ! Un piqué, une netteté comme je les aime, une foule de détails, de nuances, de contrastes, de couleurs. Là, en bossant à main levée, proche du sujet, on frôle le parfait. En revanche, cadrer au cordeau est un exercice plus complexe qu’avec une optique lambda mais travailler avec ce 200-400 dans ces conditions un peu musclées restera une expérience inoubliable.
• Nikkor 200-400 f4. Hautement recommandée.
Au risque de me répéter, voilà bien une optique d’exception, beaucoup plus polyvalente qu’on ne le pense de prime abord. Il a eu raison mon ami Nikoniste de me faire remarquer que j’étais passé à côté d’une expérience essentielle en zappant le shooting à main levée. Comme toujours en photographie, c’est l’image qui parle, c’est à elle qu’appartient le dernier mot. Et je dois avouer que je suis plutôt subjugué par les images produites par le tandem. Oui, mais… Si j’étais journaliste, que faudrait-il que je vous dise pour tempérer cet enthousiasme parfaitement suspect ? On s’en fout ! Je ne suis pas journaliste, je suis photographe. Je sais seulement une chose. Lorsqu’on a le privilège de toucher d’aussi prêt les étoiles, on n’a qu’une envie. C’est d’y retourner.
• photo : Piers Faccini au Cabaret Vauban (3200iso, mode M, 1/60, f4, focale 400mm, à main levée, cadrage d’origine)
• photo : stage portrait de Ched Hélias au Cabaret Vauban (3200iso, mode M, 1/100, f4, focale 400mm, à main levée, cadrage d’origine)
Bruno Delzant dit
Article intéressant, clair qu’avec 5 kg, t’attends pas 30 sec viseur sur l’oeil pour shooter « the right moment »
Par contre des cadrages aussi serrés que sur la seconde photo, je suis pas fan.
Je me demande s’il ne devrait pas être plus serré (sur le regard) ou alors plus large. Mais là j’aime pas trop.
En tout cas merci pour ton retour, bien qu’à se prix là, faut déjà avoir un sérieux business case pour arriver à le rentabiliser…
harvey dit
@Bruno Delzant je n’ai pas amené Nikkor 200-400 avec moi au Vauban pour faire la même chose qu’avec un 70-200. Je cherchais autre chose, le cadrage inhabituel offert par ce genre d’optique hors-normes. Concernant le prix il est certes rédhibitoire mais je pense que c’est une optique vite rentabilisée compte tenu de tout ce qu’elle peut apporter.
Arnaud dit
Je ne ferais pas le pari du 200/400 (que je n’ai jamais eu en main) pour être en complément d’un 70/200 en concert mais plutôt le fabuleux 300 2.8 pour les raisons suivantes :
– un gain de poids qui permet de tenir le 300 + D3s le temps d’un concert s’il le faut (bon ok avec un peu de courbature en fin de session mais on tient une bonne heure sans soucis avec un peu d’habitude)
– une ouverture bien meilleur qui permet de gagner de la vitesse. Shooter à 1/60 à une focale de 400 est suicidaire dans 80% des concerts dès que les artistes bougent sur scène et que la lumière est moyenne
– un gain financier non négligeable
– le range de 400 n’est tout de même pas évident dans les petites salles quand déjà à 300 il faut être à 6m, à 400 c’est 2 à 3 m de plus.