Tout le monde sait faire une photo. Oui, tout le monde. C’est à la portée de n’importe qui, il suffit d’appuyer sur un bouton. Aujourd’hui, faire une photo est un acte d’une banalité absolue, d’une simplicité désarmante. Quand je dis aujourd’hui, j’aurai bien pu dire comme hier. Sauf qu’hier, faire une photo, ça coûtait de l’argent. Depuis l’avènement du numérique, virtuellement faire une photo, ça ne coûte plus rien. C’est d’autant plus vrai que pour faire une photo on n’a même plus besoin, de nos jours, d’un appareil photo, comble de l’ironie.
Avec le développement du smartphone – littéralement téléphone intelligent – la photographie s’est invitée comme accessoire, d’abord, puis comme argument principal du téléphone. Il suffit de regarder les publicités réalisées par les marques de smartphone. Apple par exemple. La firme de Cupertino ne vous vend pas, dans ses pubs, un iPhone capable de téléphoner à l’autre bout de la planète de n’importe où. Non, l’argument de vente d’un iPhone c’est qu’il est capable de faire des photos de grande qualité, comme des vidéos d’ailleurs. Mode portrait, zoom, ultra grand angle, c’est désormais le credo des vendeurs de téléphone.
Faire une photo selon Freeman
Et les vendeurs d’appareils photo me direz-vous ? Là, c’est peu Waterloo morne plaine. Les gammes d’APN compacts ont pour ainsi dire disparu. Les gammes des appareils à visée reflex passeront bientôt par la case pertes et profiits, direction l’obsolescence programmée. Les marques misent toutes désormais sur la visée réelle, qu’on désigne autrement sous le terme de mirrorless ou d’hybrides. Reste que derrière toute cette débauche de matériels il subsiste une difficulté majeure. Au delà de la pression de l’index masturbateur (dixit Henri Cartier-Bresson), il y a parfois, de la part du photographe, une recherche esthétique, ce qu’on peut résumer sous un seul mot, l’intention.
J’ai reçu le livre de Freeman un peu avant Noël. Comment ? Tu l’as reçu à Noël et tu ne le chroniques que maintenant ? Oui. C’est parce que ce livre, je l’ai lu, de bout en bout. Je l’ai savouré, comme un bon vin qui se boit à petites gorgées. Ce petit livre, au titre vert pomme, a été posé sur ma table de chevet pendant près de deux mois et c’est aujourd’hui que je vous en parle. Michael Freeman est un de mes auteurs favoris et vous le savez si vous lisez mon blog. Ce livre résume, dans son seul titre, le défi qui se pose à tout·e photographe qui un jour se décide de ne pas seulement faire une photo. Ne pas résumer l’acte photographique à la seule pression sur le déclencheur de l’appareil. Penser, respirer, choisir, hésiter. Comprendre, régler, cadrer. Et voir. Raconter une histoire, être un témoin privilégié.
Photographier ce que les autres ne voient pas. Freeman a cette capacité à donner envie de le lire. Avec ce sens de la formule définitive, ce moment où on se dit, bon sang ! C’est exactement ça. La recette de la photographie réussie n’existe pas. Une bonne photo, c’est un ensemble de paramètres qui combinent à la fois la technique et l’âme du photographe, pour reprendre le titre d’un autre excellent bouquin de David duChemin. Alors j’ai ouvert le livre de Freeman, ce livre qui m’attendait sur ma table de chevet. Dès l’introduction, l’auteur donne le ton. « Nous supposerons donc que, si vous regardez dans la bonne direction, vous savez faire une bonne photo. »
Le livre de Michael Freeman ne vous apprendra pas à faire de bonnes photos, j’entends par là une photo techniquement réussie, non. Ce livre est fait pour vous aider à trouver votre voie, votre façon de vous exprimer, grâce à la photographie. Grâce aussi à quelques conseils simples, le tout illustrés par des clichés de grands noms de la photo. Bref, Freeman réussit encore une fois son coup. Donner envie de le lire. On sourit beaucoup à la lecture de ce livre, car Freeman a un style, une légèreté et une élégance de l’écriture absolument incomparables. Pour conclure son livre, Freeman cite Brodovitch qui disait : « Si vous voyez quelque chose que vous avez déjà vu, n’appuyez pas sur le déclencheur. » Pas mieux.
« Photographier ce que les autres ne voient pas » par Michael Freeman aux éditions Eyrolles (19,90€)
• merci aux éditions Eyrolles et une pensée à Elsa pour son indéfectible soutien depuis toutes ces années.
• cet article n’est pas sponsorisé.