Développer sa pellicule noir et blanc. Jetez-vous dans le grand bain !

Vous avez lu avec attention les deux derniers articles publiés sur SHOTS ? Vous vous êtes dit que vous aussi, vous aviez envie (depuis longtemps) de mettre votre nez dans les chimies de cristaux d’argent, développer de la pellicule, faire du noir et blanc. Ni une, ni deux, vous avez fouillé les greniers, flâné dans les brocantes, écumé les sites de vente aux enchères et voilà…

Vous avez fini par le trouver, votre reflex 35mm au format 24*36. Songez que grâce à vous, il va reprendre du service, revoir la lumière. Car à dire vrai, la plupart des reflex argentiques sont littéralement increvables ! Vous avez chargé une pellicule dans l’appareil et Ô joie ! À partir d’aujourd’hui, vous n’êtes plus limité à un rayon de un kilomètre autour de chez vous. À vous les ballades en ville, à la campagne ou à la mer. Il y a mille belles choses à photographier !

Développer sa pellicule noir et blanc. Le tuto facile.

Vous avez une cuve de développement, vous avez préparé comme indiqué dans cet article votre révélateur, bain d’arrêt, fixateur et vos bains de lavage. Vous êtes fin prêt pour développer votre pellicule noir et blanc. Voici le modus operandi, le processus qui va révéler vos images et comme vous allez le constater, il n’y a pas vraiment de difficulté majeures.

1- Faire entrer la pellicule noir et blanc dans la cuve

Autant le dire clairement, c’est la seule étape un tant soit peu compliquée. Enrouler le film sur la spire de la cuve de développement. Car cette opération doit se dérouler dans l’obscurité totale. Si le film noir et blanc capte la moindre parcelle de lumière… Sayonara ! C’est foutu, il est voilé. Cela induit que le chargement de la pellicule se réalise dans le noir complet, l’obscurité totale.

Pour développer, vous devez donc opérer dans une pièce totalement plongée dans l’obscurité et charger la pellicule à l’aveugle. Je vous rassure, c’est juste une question de pratique. Il suffit de découper l’amorce du film et de pratiquer à ses extrémités une découpe en biais de façon à ce que le film n’accroche pas sur la spire. On enfile le début du film dans le début de la spire. On éteint la lumière et c’est parti !

On va sortir petit à petit le film de sa cartouche pour venir, d’un mouvement de va et et vient, l’enrouler patiemment sur la spire. Pour bien comprendre le processus, l’idéal est d’utiliser un film perdu afin de s’entraîner à l’opération à la lumière du jour. Quand vous aurez pigé la manipulation, vous pourrez vous lancer dans l’obscurité avec votre film.

L’autre solution consiste à utiliser une cuve lumière du jour, comme la cuve Jobo Daylight 2400. Bémol, cette cuve ne se fabrique plus depuis des lustres, on la trouve parfois sur les sites de ventes comme eBay ou Le Bon Coin. La cuve Lab Box quant à elle est récente, elle a été lancée en 2017 à la suite d’une campagne de crowdfunding. Son système est ingénieux, il permet de charger un film à la lumière du jour mais son prix est (très) élevé (159€). À ce prix là, ça vaut le coup de maîtriser le chargement d’une pellicule noir et blanc sur une spire. Car une cuve Jobo ou Paterson complète avec sa spire se trouve à un prix très raisonnable en occasion et ce matériel est inusable.

2- Développer grâce au révélateur

Vous avez préparé un demi litre de révélateur en bain perdu. Mesurez la température du produit avec précision, car cette température a une influence déterminante sur le temps de développement. Les autres paramètres sont la sensibilité et le type de votre film et le produit utilisé. Pour un révélateur Kodak D76 en bain perdu à 20° centigrade et un film Kodak TriX 400iso, mon temps de développement est de 11 minutes.

Remplissez votre cuve de révélateur. L’opération se fait en une seule fois et dure en général moins de 15 secondes. Quand la cuve est pleine, fermez la avec le bouchon, déclenchez le chronomètre.

Agitez la cuve pendant 30 secondes. Attention ! C’est pas un shaker, vous ne préparez pas un cocktail. Tenez votre cuve à deux mains et renversez la de gauche à droite et de droite à gauche. Quand les trente secondes sont passées, tapez légèrement le fond de la cuve sur la table, cela évite la formation du bulles d’air sur le film. Ensuite, à chaque tranche de 30 secondes, faites un cycle de 5 retournements de la cuve et à l’issue de ce retournement, claquez le fond de la cuve sur la table.

Au bout du temps imparti (ici 11 minutes), videz le révélateur dans une bassine ou une bouteille en plastique. Remettez le chronomètre à zéro.

∆ Ne jetez pas le révélateur à l’égout, car il contient des substances polluantes (des résidus d’argent).

3- Le bain d’arrêt

Remplissez la cuve de bain d’arrêt. Agitez la cuve par retournement par tranche de 2 secondes pendant 15 à 20 secondes. Videz la cuve dans une bassine ou un récipient d’attente, puisque ce bain est récupéré. À partir de maintenant, le processus de développement est interrompu. Il va falloir fixer l’image.

4- Le fixateur

Remettez le chronomètre à zéro. Vous allez remplir la cuve de fixateur et répéter le processus comme vous l’avez fait pour le révélateur, suivant le même rythme. On agite la cuve par retournement pendant 30 secondes, puis par cycles de 5 secondes par tranche de 30 secondes.

Le temps de fixateur est de 6 à 8 minutes, selon le produit utilisé. Une fois le temps écoulé, videz la cuve dans une bassine, le fixateur est récupéré. Profitez-en pour sentir le parfum du fixateur, c’est une odeur que vous n’êtes pas prêt d’oublier… C’est presque fini !

5- Le lavage

Il faut maintenant procéder au lavage de votre pellicule noir et blanc, avec Lavaquick. Remplissez la cuve avec votre solution Lavaquick (entre 20 et 24°), agitez doucement votre cuve par retournement pendant deux minutes, videz la cuve.

Lavez votre film à l’eau claire (20 à 24°), sous le robinet pendant 5 minutes.

Finissez par un bain de PhotoFlo. Ce produit évite les coulures et les traces en favorisant le séchage du film noir et blanc. Évitez de secouer la cuve trop brutalement, car Photoflo a tendance à mousser.

6- Ouvrez votre cuve et découvrez la magie !

C’est maintenant que la magie opère. Quand vous ouvrez la cuve et que vous découvrez la révélation de votre film. Le premier sera peut-être un peu sous-exposé (trop clair) ou sur-exposé (trop foncé), il sera peut être juste parfait. Mais vous l’aurez fait et le prochain sera encore mieux. Fixez une pince lestée à chaque extrémité du film et mettez le à sécher dans une pièce à l’abri des courants d’air et de la poussière.

Quand il sera bien sec, vous pourrez le découper par tranches de 6 vues et le ranger à l’abri dans une pochette en papier cristal. N’oubliez pas de porter des gants de coton chaque fois que vous manipulez un film, afin d’éviter les traces de doigts et les rayures sur le film.

Pendant que votre film sèche, profitez-en pour nettoyer proprement votre cuve, ranger vos produits, vos bassines et votre plan de travail (surtout si vous avez développé votre film dans la cuisine ou la salle de bain). Mettez votre spire à sécher en vue de votre prochain développement. Pour accélérer le séchage de la spire, vous pouvez utiliser une bombe à air comprimé. Gardez à l’esprit que la spire doit être bien sèche, sans trace d’humidité, sinon le film aura tendance à accrocher et à ne pas bien glisser dans la spire.

• En conclusion

Développer sa pellicule noir et blanc, c’est relativement facile et surtout c’est peu coûteux quand on le fait soi-même. L’aspect définitivement magique est naturellement à prendre en compte. Finalement, développer sa pellicule fait partie du processus photographique dans son intégralité, d’autant qu’une fois que le film est développé, on se trouve à la croisée des chemins. On peut continuer dans la voie du développement, investir dans un agrandisseur, les cuves, le papier, la chambre noire. C’est un monde fascinant, mais qui demande des moyens et du temps.

L’autre solution, c’est de numériser le film argentique. On obtient alors un document numérique qu’on peut éditer, modifier à loisir sur son ordinateur et le faire imprimer. Ça sera l’objet d’un prochain article. Stay tuned !