Dans mon article précédent, consacré à mon test terrain sur Nikon Z6, j’ai évoqué le boîtier de la marque jaune comme étant « le plus controversé de sa génération ». Controversé ? C’est rien de le dire. Franchement, avec tout ce que j’avais pu lire, entendre, à gauche et à droite, en particulier sur les réseaux sociaux, ça ne donnait pas envie de tester ce mirrorless. C’était acté, clos, cacheté, Nikon Z6, comme le Z7, ne valait pas un kopek. Mieux encore, ce boîtier allait être le chant du cygne de la marque jaune, le commencement de la fin. Non, mais sans blague ? Est-ce que ce monde des réseaux sociaux est sérieux ? La plupart des gens qui ont critiqué Nikon Z (et oui, ça vaut aussi pour Canon EOS R), n’ont jamais travaillé avec ce boîtier. Ces gens-là n’ont fait que colporter des on dit, des trucs vaguement entendus ici ou là. Et puis laissez-moi vous dire ceci. Quand on n’est pas foutu de saisir les fondamentaux techniques qui régissent un boîtier, on n’a aucune crédibilité pour venir la ramener et donner un avis autorisé. Bref, ce coup de gueule salutaire étant posé, j’étais prêt à affronter, en compagnie de Nikon Z6, un terrain qui m’est familier, la photo de concert. Parce que tester un hybride, avec un joli ciel bleu, du soleil et quelques nuages à 100iso, c’est pas trop compliqué. D’ailleurs, tous les hybrides que j’ai testés ont donné d’excellents résultats. En revanche, en conditions de lumières compliquées, comprendre basses, changeantes et capricieuses, ça, c’est une autre paire de manche.
Nikon Z6 et les basses lumières
« Nikon Z, en basses lumières ? Pouah ! C’est la caca, c’est la cata, c’est la catastrophe ! » Voilà en substance ce que j’ai pu entendre, avant de commencer mes tests avec Nikon Z6. J’étais décontenancé par une telle volée de bois vert, aussi ai-je demandé leur avis à une paire d’amis dont je savais qu’ils utilisaient assidument ce boîtier. À chaque fois, la réponse était la même. Teste-le, fais toi ton avis toi-même, ce qui en soit tombe bien, car chez moi c’est un concept de base. Ne jamais accorder une confiance à un tiers et je vous encourage d’ailleurs à en faire autant. Bref, j’avais quelques concerts en ligne de mire, qui allaient me permettre d’évaluer les qualités de ce boîtier Nikon. Et si Nikon Z6 était à côté de ses pompes en matières d’autofocus en basses lumières, je ne tarderais pas à le savoir.
• Ergonomie du Z6, made in Nikon.
Il faut revenir un instant sur l’ergonomie de ce boîtier. Si, comme moi, vous travaillez avec du Nikon depuis quelques années, vous allez vous sentir immédiatement confortable. Je passe rapidement sur les deux sujets qui m’ont salement agacé. D’abord, l’absence de connecteur pour monter un grip, augmenter l’autonomie tout en permettant de travailler confortablement en mode portrait. Cet « oubli » est à mon sens une faute impardonnable de la part de Nikon corp. ! Même si un grip est, semble-t-il, prévu au catalogue, il ne fera qu’augmenter l’autonomie sans permettre une quelconque communication avec le boîtier. Ensuite l’autonomie restreinte, comme sur tous les hybrides. Pour le reste, la visée réelle est vraiment un plus énorme, d’autant que le viseur électronique est de bonne qualité, clair et lisible. Le fait de pouvoir entièrement piloter son boîtier sans quitter l’œil du viseur révolutionne globalement l’approche qu’on peut avoir dans le travail au quotidien. C’est d’un confort incomparable, que de pouvoir appeler les fonctions personnalisées, via le bouton i, dans le viseur et d’être capable de switcher de manière instantanée. J’ai réalisé que je n’utilisais quasiment plus du tout l’écran arrière tactile et orientable, sauf pour faire quelques prises de vue avec des angles inédits, en live view. Autre point sur lequel ce test m’a permis de tordre le cou à un préjugé assez tenace, non l’hybride n’est guère plus léger qu’un reflex. À la pesée, Nikon Z6 et un 50mm f/1,8 pèse peu ou prou le même poids que mon D500 et son 50mm f/1,4. C’est encore plus vrai avec des optiques standards, via l’adaptateur FTZ. D’ailleurs, le paramètre du poids se vérifie sur les autres marques, comme Sony ou Canon. Il suffit de peser les optiques de la gamme Sony G Master pour s’en convaincre. Et ce n’est pas Canon qui me contredira. La marque rouge vient de sortir un (splendide) 85mm f/1,2L pour son EOS R, une optique qui pèse à elle seule 1200g (et vaut à la louche 3000€). Seule exception notable, sur le sujet du poids, Fujifilm X-T3 et ses optiques ultra lights, avec néanmoins le bémol de l’endurance et de la durabilité.
Mais revenons à Nikon Z. Le confort de prise de vue est total, en particulier avec ce mode silencieux qui permet une approche radicalement discrète. Le silence, c’est l’apanage de tous les hybrides que j’ai testés. Il me restait à vérifier le sujet qui a fâché, dans le Landerneau de la photographie. Comprendre la piètre qualité supposée de l’autofocus, en particulier en basses lumières. Et le meilleur endroit pour tester le niveau qualitatif de l’AF, c’est la salle de concerts.
• Problèmes d’AF ? Quels problèmes d’AF ?
Je vous l’avoue sincèrement, j’ai couvert mon premier concert au Vauban avec la boule au ventre. Avec tout ce que j’avais pu lire ou entendre sur Nikon Z, j’étais persuadé d’aller au casse-pipe et, photographe équipé en Nikon ou pas, je savais que si je rencontrais un problème grave, je serais honnêtement contraint d’en parler dans ces colonnes. Voilà pour l’état d’esprit dans lequel je me trouvais quand j’ai réalisé ma première série de clichés avec Elliot Murphy au Vauban. Prudemment, j’ai réglé le boîtier en AF-S, mesure spot avec priorité hautes lumières et sélection manuelle du collimateur, alors qu’habituellement, avec mes reflex Nikon (D4s et D500), je travaille quasiment toujours en AF-C suivi 3D. À ma grande surprise, je n’ai rencontré strictement aucune difficulté au cours de la prise de vue, réalisée avec le 24-70mm f/4 S. D’ailleurs cette optique, polyvalente et lumineuse s’est avérée très confortable. Le grand diamètre de la monture Z et le tirage mécanique réduit font des merveilles. Dans ce contexte, les cartes sont rebattues et l’ouverture f/4 n’est plus vraiment un obstacle (par rapport au sacrosaint f/2,8). Et l’AF, alors, me direz-vous ? L’AF a étalé sans l’ombre d’un souci, même quand les lumières se faisaient plus rares. En fin de concert, j’ai switché vers AF-C, pour voir. Dans ce mode, les collimateurs ne s’affichent pas en vert, je me suis dit que j’avais raté une marche. En fait non, comme on va le voir plus loin. Lorsque j’ai prodé mes NEF dans Capture One Pro 12, j’ai réalisé que l’AF avait fait son job. Les images sont ultra propres, précises. En somme, j’ai obtenu avec Nikon Z6 la même qualité d’image que ce que j’obtiens avec mes reflex, peut-être même un poil plus razor cut.
Deux jours plus tard, j’ai rendez-vous avec les potes nantais de l’inénarrable groupe Elmer Food Beat. Renseignement pris auprès du NPS (Nikon Pro Service), il s’avère qu’il est normal que les collimateurs de Nikon Z6 ne s’allument pas en mode AF-C. Pour activer le suivi, il faut sélectionner le mode zone automatique, ce qui en soi n’est pas des plus logiques. Des collimateurs qui restent allumés en rouge même si le focus est réalisé, il faudra qu’on m’explique. J’imagine sans peine que ce défaut (car c’en est un, à mon sens) sera corrigé, je l’espère, dans une prochaine version du firmware. Une nouvelle mouture du firmware est annoncée pour le courant du mois de mai (jeudi 16 mai), par ailleurs. Pour le concert d’EFB, j’ai travaillé à partir du public, un exercice compliqué mais ô combien stimulant ! Quand on connaît bien, comme moi, le Vauban et le public d’Elmer Food Beat, on sait à quoi s’attendre, ça va bouger ! J’aime beaucoup ce groupe, leur énergie débridée, les jumps de Manou en slip kangourou, les plans de feux à base de leds du Vauban… Bref, ce mix peut s’avérer très compliqué à gérer. Mais là encore, Nikon Z6, sa visée réelle et son AF ont fait le job. Il était écrit que ce n’était pas ce soir que j’allais prendre Nikon Z en défaut.
• Label Charrues à la Carène
La semaine suivante, j’avais rendez-vous à la Carène de Brest, pour la soirée Label Charrues. Au programme, Arhios, Di#se et Atoem, trois groupes, trois styles (pop rock, hip hop, electro), trois ambiances. J’ai travaillé sur les trois groupes en AF-C suivi, à 3200iso, en mode manuel, mode de mesure spot. Mes expériences positives passées ont fait que j’étais plutôt confiant, à l’aise avec le matériel. La visée réelle, l’accès aux paramètres par le bouton i, la capacité de déployer l’écran orientable pour bosser en liveview et toujours cet AF que j’ai cherché tant bien que mal à prendre en défaut, sans jamais y arriver. Honnêtement, je me demande comment les gens qui ont mis en avant des défauts structurels de Nikon Z par rapport à l’AF s’y sont pris ? Ont-ils testé des boîtiers de pré-série ? Ont-ils shooté en très basses lumières, sans aucun point de contraste permettant d’accrocher le focus ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est mon expérience de terrain. Je regarde mes images et je me dis qu’il n’y a pas eu confrontation entre mon regard et la machine.
• Basses lumières ou pas de lumières ?
Que fallait-il que je fasse pour arriver à prendre l’AF en défaut ? Allais-je y arriver ? Oui, j’y suis arrivé mais pour ça, franchement, j’ai dû pousser le bouchon un peu loin. Au Beaj Kafe, un café culturel de Brest où se déroulent des concerts de jazz et de musiques improvisées. Dans ce joli lieu, pas vraiment de scène, aucun éclairage si ce n’est quelques ampoules au plafond. En face de moi, Gabriele Montelli, excellent trompettiste italien, accompagné de Nicolas Pointard (batterie) et Frédéric Briet (contrebasse), deux membres de l’Ensemble Nautilis de Brest, dirigé par le clarinettiste Christophe Rocher. En allant chercher des points de contraste, là où les lumières sont très rares, voire inexistantes, on doit bien se douter que l’AF n’accrochera pas et par moment, j’ai senti que pour Nikon Z6 c’était la loose, avec deux O. J’étais content, j’avais réussi mon coup, prendre le Z6 en défaut, mais, honnêtement, dans ces conditions… Je ne suis pas sûr qu’un autre boîtier (Fuji, Sony, Canon) s’en serait sorti plus honorablement !
• Un nouveau firmware pour Nikon Z6 et Z7
Il semblerait que du côté de la marque jaune on ait entendu des critiques relatives à de potentiels défauts d’autofocus. Nikon a rapidement réagi en annonçant un nouveau firmware, initialement prévu pour le mois d’avril et qui finalement va être publié courant mai (la date du jeudi 16 mai est confirmée). Dans le collimateur de Nikon, il y a indubitablement Sony, qui a fait mousser des fonctionnalités comme le Eye focus, cette capacité à accrocher le point de netteté sur l’œil du sujet. Comme il ne s’agit pas, semble-t-il, d’une fonction très complexe à mettre en œuvre, des marques comme Nikon ou Canon se sont engouffrées dans la brèche ouverte par Sony. Nikon en a profité pour réécrire des pans entiers de son firmware, au chapitre de l’AF. Le résultat serait assez stupéfiant, puisqu’on évoque une capacité qui passerait de -4IL à -6IL sur Nikon Z6 (-4IL sur Nikon Z7). Là, évidemment, ça cogne dur et je demande à voir ! Mais quelque chose me dit que je ne vais pas tarder à être fixé.
• En conclusion, Nikon Z6 ouvre de nouvelles perspectives
Il est difficile, voire illusoire, de comparer le reflex et la visée réelle. Il s’agit résolument de deux mondes bien distincts. J’ai été enthousiasmé par la visée réelle et toutes les capacités induites par ce système. Mais je n’oublie pas pour autant d’où je viens et je pense que la visée reflex a encore de beaux jours devant elle. Il suffit d’avoir bossé avec un reflex du calibre de Nikon D4s ou Nikon D5, d’un D500 ou d’un D850 et des optiques Nikkor pour s’en convaincre. Dans l’absolu, l’idéal est d’avoir les deux, pour adapter son matériel de prise de vue à son environnement de travail. La capacité de Nikon Z6 à travailler dans un silence absolu est naturellement un argument définitif lorsqu’on évolue dans certains milieux comme le jazz, la musique classique, le théâtre… Reste la capacité, pour le photographe déjà équipé en matériels Nikon, à utiliser son parc d’objectifs existants, via l’adaptateur FTZ. C’est le sujet de mon prochain article. J’ai monté mon Nikkor 70-200mm f/2,8 VR sur Nikon Z6 et le résultat est assez bluffant.
Reste le sujet qui a tant fâché, les difficultés supposées de l’AF en basses lumières de Nikon Z6. C’est un travers que pour ma part je n’ai pas réussi à confirmer, dans la majorité de mes tests en conditions réelles, bien au contraire. Une fois bien en main, bien maîtrisé, Nikon Z6 est vraiment capable du meilleur, ce qui pour ma part ne m’étonne pas. C’est du Nikon.
• merci à Nikon NPS pour le support. Cet article n’est pas sponsorisé.
• les photos de concert réalisées avec Nikon Z6 et le 24-70 f/4 S sont visibles sur Cinquième nuit : Elliott Murphy ou Elmer Food Beat au Cabaret Vauban, Arhios, Di#se, Atoem à la Carène, Gabriele Mitelli au Beaj Kafe.
MOGRI dit
Bonjour,
Quand est il des soucis de banding avec les led ? Fesant également beaucoup de concerts, ce petit point me fait peur. J’ai pu testé le z7 sur un journée de reportage en exterieur, et c’etait un gros pied !