Mal aux pieds, mal aux bras, mal au dos, mal aux mollets, mal aux cuisses, mal partout quoi. Charruesland 2015, c’est fini. Quatre jours passés à capturer de l’image, quatre jours de passion un peu déjantée, un peu démesurée, les Vieilles Charrues restent un événement qui rythme ma vie et pour tout dire lui donnent un sens. Comme un repère au milieu de l’année, un rendez-vous entre amis, le dernier truc vraiment important qu’il ne faut pas rater. Ce moment unique et intense qui te permet de tenir, en hiver, quand les jours sont courts, froids et secs comme un coup de trique. Les Vieilles Charrues, les Charrues quoi. C’est plus que plein de concerts sur quatre jours. C’est l’engagement d’une région, d’un pays, de gens. Oui, les gens, les bénévoles qui viennent bosser gratuitement, pendant quatre jours voire plus, c’est à eux que je pense en ce mardi matin, d’abord. Je les ai croisés, cotoyés, salués, photographiés pendant ces quatre jours. Certains servaient du vin dans le bar à champagne, d’autres mettaient en place Moneiz, le nouveau système de paiement sans contact. J’en ai vu qui vidaient les poubelles, d’autres qui ramassaient des papiers gras pour que le site reste propre et joli, j’en ai même vu un qui cuisait de la viande à kebabs en tapant et en dansant en rythme sur Madeon qui passait sur la scène Grall, juste à côté. J’ai vu tous ces gens, j’ai senti leur enthousiasme, leur passion et j’ai capturé ces instants, un à un. Des visages de bénévoles, des figures, des sourires, partout. Sur la plaine j’ai croisé des gens, plein de gens, quelques lapins pressés et des Alice bien sexy. On était nombreux, près de deux cent cinquante mille, avec un point d’équilibre atteint, la tête hors de l’eau ça n’a rien d’anecdotique. Ça signifie qu’on se retrouvera l’année prochaine (God bless) pour une vingt-cinquième édition. Des souvenirs, j’en ai plein ma besace et je vais sûrement en oublier. Les frères Morvan posant devant la mythique charrue avec un responsable de l’usine chinoise Synutra et Christian Troadec (maire de Carhaix) vantant les mérites de l’agriculture bretonne sous le regard amusé de Thierry Merret de la FDSEA. Le discours engagé de Jean-Michel Le Boulanger (Conseil régional Bretagne), citant Xavier Grall et Glenmor et concluant par ces mots : « Créer c’est résister. » Comment ne pas penser à toi, Jean-Philippe Quignon, car bien sûr tu es là chaque année, à nos côtés et tu creuses avec nous le sillon, encore une fois.
Rendez-vous à Charruesland 2016.
Charruesland c’est de la musique et de l’image. D’abord la musique et une fois n’est pas coutume, je commencerai par la fin. Dernier concert à Kerampuilh, dernière valse avec David Guetta. Ah ! Qu’est-ce qu’on n’a pas entendu sur David Guetta ! Les blagues les plus pourries ont circulé sur lui, certains souhaitant qu’il n’ait pas oublié sa clé USB, d’autres ses boules Quiès. Marrant, parce que le show n’avait pas commencé depuis dix secondes que toute la plaine s’embrasait. Le combat David contre Goliath avait largement tourné à l’avantage du premier. Un mur d’images immense, David Guetta perché comme un hibou tout en haut de son arbre, surplombant la scène et le public, un son énormissime. Guetta c’est pas un musicien, c’est pas un DJ, c’est pas un producteur, c’est tout cela à la fois. Ils étaient où les haters qui ont bashé du Guetta pendant des semaines ? Le show était dément, le reste est accessoire. Dans les yeux de Jean-Luc Martin, Président des Vieilles Charrues, il y avait cette petite étincelle et ce sourire qu’il a quand il sait qu’il avait raison. Sinon, comme chaque année, j’ai croisé quelques groupes hors-normes, de ceux dont on se frotte les yeux et les oreilles en se demandant si on n’a pas rêvé. Mon coup de cœur de l’année va à Guillaume Perret, du gros son free jazz mâtiné d’électro qui a réveillé le photographe de l’Atlantique jazz festival que je suis, un concert de dingue à Gwernig. Je repensais au film « Jusqu’au bout du rêve » et j’avais envie de dire à Perret « Si tu joues, ils viendront ! » Il a joué, magicien du son qu’il est et les gens sont venus, intrigués, ils sont restés et finalement Gwernig était blindé alors qu’en face il y avait Caravan Palace et ses porte-jaretelles à Kerouac. Guillaume Perret restera un immense souvenir. What else ? Tony Allen Review, pour rester dans la note bleue. Photographier Tony Allen et s’en aller. Il y avait aussi Oxmo Puccino et le gars de Blur. C’était assez marrant. Dans le pit de Kerouac, une boule de photographes était amassée devant Damon Albarn tandis qu’un vieux photographe était seul face à Monsieur Tony Allen qui le regardait en souriant. Amazing grace. J’étais seul aussi dans la fosse pour Lolomis et je n’ai pas regretté un seul instant d’avoir préféré monter dans leur vieille Trabant (d’autant qu’il y avait du monde aux Balkans) plutôt que sur les fauteuils en cuir de la Benz benz benz des insupportables Brigitte. Tiens en parlant de Benz, il y avait Joeystarr dans Carribean Dandee. Joeystarr, ça ne peut pas décevoir, ce type pourrait lire le Bottin que ça aurait la même énergie. Je suis client. Idem pour Feu ! Chatterton, élégant, un brin désinvolte, des mots entre Bashung et Miossec, tout ce que j’aime. Comme chaque année, il fallait qu’un artiste clashe les photographes et nous fasse son petit caprice des Dieux, cette année c’est tombé sur Tom Jones. Le fantasme de danser sur Sex Bomb dans la fosse, ça sera dans une prochaine vie… Non, le vrai choc de cette édition 2015 des Vieilles Charrues restera sans aucune contestation possible Krismenn et Alem. Profitant d’un déclage horaire, les programmateurs ont eu la brillante idée de propulser le duo sur la grande scène, à 1 heure du matin, juste avant Carribean dandee, devant soixante mille personnes, pour un set de courte durée. J’avais peur pour eux. Un photographe qui était à mes côtés a dit « Ils vont se ramasser, c’est pas le genre de public à écouter des gwerz et du kan ha diskan de breizhou ! » Je lui ai répondu que je leur donnais trois minutes montre en main pour se faire retourner comme une crêpe au sucre et ça n’a pas loupé. Parce que le rap trans hip hop estampillé made in Kreiz Breizh de Krismenn et Alem ne connaît aucune frontière. Ces gars feraient un carton sur une scène new-yorkaise comme sur les meilleurs stages de Chicago. Résultat ? De bien jolies flammes qui se sont propagées avec fulgurance sur la plaine, Alem, champion du monde de beatbox 2015 au sommet de son art. Putain mais c’est qui ces mecs ? C’est Krismenn et Alem. Je les ai retrouvés le lendemain à Grall et memestra (pareil). Si vous n’avez pas dansé la gavotte devant Grall, vous avez raté un truc.
Hier lundi j’étais à Kerampuilh pour faire des clichés du démontage des scènes. J’ai croisé Jacquito, notre régisseur des Vieilles Charrues, fatigué mais souriant. Il ne voulait pas rester enfermé au bureau après ces quatre jours de terrain, alors il est venu conduire un téléscopique Locarmor, histoire de prolonger le contact avec « sa » scène chérie. J’ai foulé la plaine silencieuse, avisant l’état de l’herbe. Elle repoussera, comme chaque année et on se retrouvera dans un an pour quatre jours de fête et de partage à Charruesland, du 14 au 17 juillet 2016, pour la vingt-cinquième édition. Il me tarde déjà de retrouver mes équipiers photographes, Mathieu Ezan, Pierre Hennequin, Olivier Ehouarne, Denoual Coatleven, Olivier Roué qui ont été, cette année encore, pugnaces, souriants, d’humeur égale et qui ont fourni des images de grande qualité. Je ne peux évidemment pas oublier de noter la présence et le soutien de l’assistance NPS (Nikon Pro Service) dirigé par Ludovic Dréan, grâce à qui nous avons pu engranger des images sans interruption. Merci pour les boîtiers de backup, pour les réparations et la bobologie sur place (merci Philippe !), les batteries chargées et l’accès au parc d’optiques qui ont permis aux photographes présents d’être montés à en faire pâlir Rocco Siffredi. Merci à Nikon France, on ne le répètera jamais assez. Encore une pensée agréable pour le service presse, piloté par Claire Malard et naturellement pour Jérôme Tréhorel, directeur général du festival qui a largement mérité quelques semaines de vacances. Je vais garder de cette douzième édition de belles images, quelques fous rires avec ma chère Renée, Ronan, Frédéric, Gaël, Dan et les bénévoles de la plateforme handicapés. Après avoir gravi la montagne, pendant quatre jours, j’ai fini par en redescendre. J’ai ouvert mon sac et j’ai vidé mes cartes mémoire. Il me reste à trier tout ça, l’occasion de revivre cette vingt-quatième édition des Vieilles Charrues, seul face à mes images. C’est un peu ça, mon privilège de photographe et c’est ma vie. Je reviendrai à Charruesland. Je vous dis à l’année prochaine, si vous le voulez bien.
• photo : Jacquito, régisseur du festival des Vieilles Charrues
• Et merci à toi, mon fidèle compagnon Nikon D4s. Comme toujours, tu as assuré et tu m’as suivi sans broncher à CharruesLand, dans la poussière et sous la pluie. Je ne t’échangerai pas, même contre dix coups de canon.
• voir le site des photographes du festival des Vieilles Charrues