J-30. Cette fois, on y est. Le temps a fait son œuvre et on peut désormais se dire que les Vieilles Charrues, c’est dans un mois. Je ne vais pas vous redire l’attachement que j’ai pour ce festival associatif, ancré dans sa région, farouchement attaché à des valeurs que je partage. Les Vieilles Charrues c’est ce petit miracle qui a fait que l’histoire de potes des débuts l’est restée. Bon, bien sûr vous trouverez toujours quelques grincheux aigris qui vous diront que c’était mieux avant, mais non. C’était pas mieux avant, c’est toujours aussi bien aujourd’hui qu’avant et c’est même à ça qu’on reconnaît ce festival. Chaque année, quelques mois avant la date d’ouverture, avant le tiré de charrues qui trace le sillon, emmené par les frères Morvan, on assiste au même rituel. C’est le traditionnel bal des pleureuses qui condamne une programmation « timide et sans ambition ». Pour la petite histoire, on retrouve ces mêmes pleureuses au bar n°6 une Coreff (ou un Breizh Cola) à la main à taper la causette entre deux concerts. Parce que finalement, les Vieilles Charrues, c’est un peu ça, aussi. Le spectacle est autant sur la plaine de Kerampuilh que sur l’une des quatre scènes, Glenmor, Kerouac, Grall et Gwernig. Pour paraphraser, une énième fois, le gars d’Astaffort « aux Vieilles Charrues l’important c’est pas les artistes, c’est les Vieilles Charrues ! » Il avait raison Francis Cabrel, mieux encore, il avait tout compris, il avait capté l’état d’esprit et les gens. Quand Gad Elmaleh était monté sur scène en 2008, il avait dit son étonnement au public, expliquant qu’il avait croisé des gens déguisés qui scandaient « Libérez Bob l’éponge » et évidemment le public avait repris, illico, en choeur « Libérez Bob l’éponge ! Libérez Bob l’éponge ! » sous le regard ébahi de Gad Elmaleh. C’est un peu tout ça, les Charrues. Une énorme kermesse où tu croises des gens de tous les horizons, de toutes les classes sociales, de tous les âges. Quatre jours pour faire la fête, ensemble et pour soutenir des valeurs, aussi. Mais je m’égare, revenons au sujet. Comme chaque année, j’ai fait ma road map de photographe et je vous donne ici mes concerts CQFD (ceux qu’il faut découvrir). Ouvrez grand vos oreilles, il y a du très beau linge dans cette programmation 2015 et pas nécessairement là où on l’attend…
Les concerts inratables de l’édition 2015 des Vieilles Charrues
• Jeudi 16 juillet, coup de coeur : Anna Calvi
Oui, je sais ce que vous allez me dire. Et Muse ? On est d’accord, il y a Muse et ça va être dantesque, comme toujours avec la bande à Bellamy. Mais avant Muse, on aura vu la belle, la talentueuse etdéfinitivement sexy Anna Calvi. Pour moi, c’est la cerise sur le gâteau du jeudi, la perle dans le creux de Kerampuilh.
• Vendredi 17 juillet, coups de coeur : Pierre Lapointe, Guillaume Perret
Grosse journée que ce vendredi, sans doute le jour le plus propice aux découvertes. Je passe sur Feu ! Chatterton dont on a beaucoup entendu parler et qu’il faudra absolument voir, comme Caravan Palace et son ambiance foutraque ou Ez3quiel et ses mélodies entêtantes. Mais les deux pépites du jour sont Pierre Lapointe, le québécois à la voix d’or et aux mélodies délicieuses et Guillaume Perret. Quand j’ai découvert l’univers electro-fusion-jazz-rock (inclassable) de Perret, j’étais sidéré. Il passe à Gwernig (ex Cabaret breton), ne ratez surtout pas ça. Après ce décalaminage en profondeur, vos oreilles seront prêtes et vous pourrez aller pratiquer le booty shake avec Tom « Sexbomb » Jones…
• Samedi 18 juillet, coups de coeur : George Ezra, Tony Allen
La première fois que j’ai écouté George Ezra, je suis resté bouche bée. Ce mec est un calibre, une pépite, un diamant brut. Une voix d’une incroyable maturité dans un corps de gamin (il a vingt deux ans). On le classe pop-rock mais c’est un bluesman dans l’âme, autant dire qu’il va vous foudroyer sur pied. L’autre coup de cœur, c’est Tony Allen, pas vraiment un gamin. Tony Allen, inutile de vous faire un dessin. Le photographe de jazz que je suis, qui a photographié les plus grands batteurs (batteuses) de la scène jazz, a eu un frisson à l’annonce de sa venue. En plus, il sera bien accompagné (Damon Albarn, Oxmo Puccino) mais mon Nikon D4s ne va ronronner que pour lui. Inratable. Et en fin de soirée à Gwernig, j’irai boire une tasse au fest noz, gast !
• Dimanche 19 juillet, coups de coeur : Krismenn et Alem, Lolomis
J’ai découvert Krismenn et Alem à la Carène, le mois dernier, à la soirée Label Charrues. Tout me sépare, a priori, de l’univers de ces deux gars qui envoient du rap mâtiné de trans hip-hop, le tout en langue bretonne. Eh bien justement, les Vieilles Charrues ça sert à ça, à dépasser ses a priori. Entre breizh flow et beatbox (Alem vient d’être sacré champion du monde de la discipline à Berlin, excusez du peu), les deux compères n’ont pas leur pareil pour foutre le feu. Si vous n’avez jamais dansé la gavotte à Kerampuilh, c’est le moment ou jamais et ça se passera scène Grall. Quant à Lolomis, c’est idem. Leur musique m’inspire l’envie d’ailleurs, un air des balkans et une chanteuse à la voix d’or. Télérama leur a donné trois clés et a dit d’eux : « Petite pépite expérimentale. » Inratable, scène Gwernig.
Voilà, vous savez les concerts qu’il ne faut absolument pas rater cette année. Bon, bien sûr, vous pourrez aussi savourer quelques concerts un peu plus mainstream. Archive, Tom Jones, Christine & the Queens, the Dø ou Chemical Brothers le vendredi, ça va envoyer du lourd. The Prodigy, Calogero, the Strypes, the Shoes, Madeon, Aurora, SBTRKT ou Caribbean Dandee (feat. Joeystarr) le samedi. Lionel Richie, Joan Baez, The Drums, Dominique A, London Grammar, le dimanche. Dimanche. Ça sera déjà fini. Avec Mathieu, Pierre, Denoual et Olivier, les photographes du festival, on ira jeter nos dernières forces et finir de remplir nos cartes mémoire avec David Guetta. Comme chaque année, quand le silence sera revenu sur la plaine, les yeux des photographes seront un peu embués mais c’est pas grave parce que ça sera fini. C’est ça aussi, les Vieilles Charrues. Une bande de frères ou de cousins à la mode de Bretagne qui se retrouvent une fois par an dans la campagne du centre Bretagne. On fait les Vieilles Charrues aujourd’hui comme d’autres faisaient Compostelle aurefois. C’est comme un pélerinage, un chemin de Damas, mon petit morceau de paradis.