Je regarde l’image que vient de me cracher mon Polaroid 250. Une photographie, presque primitive. Un cliché comme j’aurais pu en faire à la fin des années soixante. Un procédé génial inventé par Monsieur Land, rendez-vous compte, un négatif et un positif collés ensemble, une petite dose de chimie libérée lorsque vous tirez sur la languette pour extraire la photo hors de l’appareil, déclenchant ainsi le processus de développement. Magique ! Il ne fait aucun doute que Edwin H. Land était un pur génie, pour imaginer ce système de photographie instantanée. Une mécanique quasi increvable que ce Polaroid 250, un appareil photo ayant hérité du soufflet de ses ancêtres, qui lui confère un look et une dégaine absolument hors-normes en ces années de modernité où l’on ne jure plus que par une succession de un et de zéro. Faites des photos avec le Polaroid 250 de Monsieur Land, vous ne passerez pas inaperçu. Les réactions seront amusées, curieuses, ironiques parfois mais une chose est sûre, cet appareil ne laisse pas les gens indifférents. Moi, on m’a beaucoup interrogé sur le sujet. Un ami m’en a parlé en ces termes. « Tu refais des Polaroid, explique-moi à quoi ça sert ? »
Polaroid 250, le boîtier mythique de Monsieur Land
Polaroid c’est juste un outil, au même titre que n’importe quel appareil photo servant à fixer une image, qu’elle soit argentique ou numérique, c’est un outil d’expression. Sauf que Polaroid c’est un autre monde, c’est une autre époque. Ce Polaroid-là, le modèle 250, sorti des chaînes de montage aux États-Unis entre 1967 et 1969, est un appareil automatique, ouvrant à f/8, laissant très peu de latitude en matière de paramétrage au photographe. Tout au plus peut-on jouer avec le réglage sous-ex, sur-ex et puis c’est à peu près tout. Une fois le déclencheur activé, que vogue la galère et à la grâce de Dieu ! On joue son image sur le temps de développement, à l’aveugle. L’image enfin délivrée est un brin surannée, hors du temps. C’est une invitation à oublier le futur (le présent je veux dire), le numérique, la dynamique ahurissante des images d’aujourd’hui. Ici pas d’espoir de post-traitement, si tu as chié ton image, ton cadrage, tu es aux fraises. On pourrait se dire que maîtriser l’image est facile, eh bien non. Cette bécanne, cette diva, il faut l’apprivoiser pour qu’elle chante juste. L’œil dans le viseur télémétrique, c’est un voyage dans le temps, back in time dans les pompes de Marty MacFly. Une focale fixe et si tu veux faire du portrait, il faut un kit portrait ou un kit close-up. Sans compter que ça coûte une blinde – comptez plus d’un euro la photo – dix photos par pellicule. Bref, faire du Polaroid en 2014, il faut être un peu maso, ou totalement allumé et résolument pas écolo. En poussant un peu le bouchon (d’eau de Javel), on peut même aller jusqu’à récupérer le négatif*, planqué sous le masque noir qui finit habituellement à la poubelle. Un négatif qu’on pourra numériser. Le rendez-vous de Polaroid 250 et de Monsieur Land avec l’ère moderne, en quelque sorte.
(*procédé réalisable avec la pellicule couleur Fujifilm FP100-C)
Alors ? À quoi ça sert de faire du Polaroid ? Pour mémoire, la photographie n’est pas là pour vous servir, c’est plutôt l’inverse. Bosser en Polaroid, c’est comme une fidélité au passé, un hommage à ceux qui nous ont précédé, le temps d’un clin d’œil. C’est un rendez-vous avec la photographie dans ce qu’elle a de plus primaire, au sens littéral et noble du terme. Faire un Polaroid, c’est juste capturer un instant, en prenant le temps d’une respiration et en ne comptant que sur son regard. C’est comme une envie, un baiser volé, un moment d’insouciance, un retour aux sources dans ces années glorieuses…
• lire aussi cet article consacré au Polaroid 250
• si le sujet Polaroid vous intéresse allez faire un tour sur le site Polaroid Passion
Laurent dit
Super article 😉 Le pola, c’est plein de choses, c’est tout ça, mais aussi une qualité que l’on n’imagine pas (oui, on a tendance à penser que les polas font des photos de mauvaise qualité… Quelle erreur! Bon, ça ne vaut pas un Hasselblad, évidemment, mais tout de même!), et surtout ce plaisir lorsque l’on décolle la photo du négatif, c’est indescriptible!
Pour ceux qui veulent essayer les N&B (bcp plus chères), les noirs sont superbes et profonds, c’est magnifique!
harvey dit
Le truc c’est que Fujifilm a cessé la commercialisation de sa pellicule noir et blanc, donc les prix ont grimpé, ça devient une denrée rare.Le Polaroid 250 génère de très belles images avec la pellicule Fuji FP100-C. Seul bémol, c’est un appareil automatique qui laisse peu de latitude en matière de réglages. Pour accéder vraiment au réglage du tandem diaph/vitesse et travailler en manuel, il y a deux options.
La première c’est d’acheter un Polaroid professionnel, comme le modèle 180 ou le modèle 195, voire carrément un Polaroid 600SE, mais il faut prévoir le budget. Un P195 coûte aujourd’hui autour de 500€.
La seconde c’est de transformer un P250 et de le convertir. On enlève la lentille d’origine pour lui substituer un objectif 114 ou 127mm doté d’un obturateur de type Copal. Prévoir aussi un budget non négligeable. Sans compter le prix de la main d’œuvre si on ne se sent pas de le faire soi-même.
@Crazyfrenchguy (Laurent) dit
La FP-3000B devait être arrêtée, mais Fuji a finalement décidé de continuer de la produire en petite quantité (source: http://www.fujifilm.com/products/instant_photo/films/fp_3000b/ ) pour le format pack 100 😉
Pour le reste, tu as tout à fait raison, c’est un peu embêtant d’avoir du tout automatique. Je me demande si des appareils haut de gamme comme le fuji fp-1 sont plus paramétrables (mais ils coûtent de toutes façons bcp plus cher). Ceci dit, j’aime assez le côté automatique du pola. Pour l’époque, ça me semble assez formidable!
harvey dit
J’ignorais que Fuji avait décidé de continuer la production du FP100 noir et blanc c’est une bonne nouvelle d’autant que c’est un produit de très grande qualité !
http://geraldine-bourguignat.fr dit
J’adore tes articles, un petit mot pour t’encourager à continuer
Alexis dit
Salut Hervé,
A ma connaissance la FP100B est quand à elle introuvable. Mais en effet c’est bon de savoir qu’on peut encore sourcer la FP3000B.
Pour le Fuji FP-1 c’est un appareil très très difficile à trouver en Europe. En dehors de l’UE avec les frais de douanes etc ça devient inabordable. Mais oui, pour Laurent, c’est un appareil entièrement manuel.
J’en ai raté un il y a 1 an et n’en trouve plus. L’autre solution c’est un Polaroid 110A ou B converti, entièrement manuel, ce n’est pas donné mais trouvable assez facilement. De temps à autres il y a d’excellentes opportunités là dessus.