Et que revienne septembre, lit-on dans ma bio, eh bien ! Nous y voilà en septembre. Septembre, c’est la rentrée, on est plein de bonnes résolutions, on range son bureau, les pieds calés dans les starting blocks, des projets plein la tête. Et puis quelques jours vont passer et on va repenser à l’été qui nous tendait les bras il n’y a pas encore si longtemps, les filles en jupe courte, la plage et la glace à l’italienne qui fond sous la chaleur et coule sur les doigts, les coups de soleil et les festivals. Retour en images sur les Vieilles Charrues, un festival cher à mon cœur s’il en est. Dix clichés, dix concerts de ceux qu’on n’oublie pas. Avec le soutien du NPS (Nikon Pro Services) et de Nikon France, partenaire du festival des Vieilles Charrues qui, cette année encore, ont épaulé et soutenu l’équipe des photographes officiels, en mettant à leur disposition le must de la gamme Nikon et Nikkor.
#1 – Neil Young
J’ai campé mon Nikon D3s flanqué d’un doubleur Nikkor TC20EIII et d’un Nikkor 300mm f2,8 VRII à cent cinquante mètres de la scène. Le tout est monté sur un monopode Manfrotto et j’ai le cul posé sur une chaise, papotant avec Renée, ma complice par la grâce de qui je détiens le meilleur spot de prise de vue de Carhaix et des environs. En mode paparazzi, sous abri, je shoote le vieux Neil à 600mm pendant tout le concert et je vais ramener des clichés aussi exclusifs qu’hallucinants. À la fin du concert, probablement l’un des meilleurs de toute ma vie, après le « encore », un inoxydable « hey, hey, my, my » (rock’n roll can never die), électrique, lourd et poisseux à souhait, Neil Young s’en va, souriant. Le loner est de dos, lève la main pour saluer le public de Kerampuilh. One shot. Mon dieu, faites qu’elle soit dans la boîte. Elle y est.
#2 – Rammstein
J’ai commencé les Charrues édition 2013 avec eux. Un concert comme ça, ça se tape avec du recul. Et avec du lourd. J’embarque deux boîtiers, un Nikon D4 sur lequel j’ai monté Nikkor 16-35mm f4 pour réaliser des plans larges scène et public et bien sûr mon D3s. Avec mon boîtier de prédilection et le Nikkor 300 f2,8 doublé grâce au TC20EIII, loin de la scène j’ai l’impression d’être dans la fosse, sans la chaleur des flammes. Que dire de ce concert ? Épique, lyrique, kolossal. Les allemands de Rammstein servent un show unique et baroque, d’une intensité hors du commun. J’ai réalisé des clichés fantastiques, d’une beauté et d’un piqué absolument redoutables.
#3 – -M-
Dans la fosse Glenmor pour Matthieu Chédid, c’est la troisième fois pour moi. Il règne une ambiance étrangement zen. Bizarrement, la poignée de photographes s’est agglutinée devant lui, moi j’ai fait le choix inverse et je me poste tout au bout de la rampe. Je sais exactement l’image que je cherche, je sais aussi qu’avec -M- on est rarement déçu. Entrée en scène, Matthieu, la main sur le cœur regarde vers le ciel. Nikon D3s ronronne, pendant qu’une larme coule sur ma joue. C’est pas moi qui pleure, c’est mes yeux. Je reviens pour le final et l’hommage à Jean-Philippe Quignon. Sur l’écran géant, un portrait que j’avais fait de lui, il y a cinq ans. Dur de faire des photos avec les yeux mouillés. Inoubliable.
#4 – Lou Doillon
J’arrive en retard dans le petit pit de la scène Xavier Grall pour le set de Mademoiselle Lou Doillon et je suis immédiatement happé, subjugué par la présence, la prestance, l’aisance de l’artiste. Lou Doillon c’est une voix, un groove, un feeling comme on n’en fait plus. Suave, sexy, troublante, Lou Doillon excelle dans son registre, en digne héritière de Mariane Faithfull ou de Patti Smith, en petite fille du Velvet et de Gainsbourg. Et dans le viseur, Lou, ça ne déçoit pas.
#5 – Lescop
La photo a cela de magique qu’on peut être surpris de trouver quelque chose alors qu’on ne cherche rien. De Lescop je n’attendais rien, je faisais mon taff, c’est tout. J’aime ce cliché qui montre une face de l’artiste à l’opposé des apparences. Lescop, que j’imaginais introverti, sur la réserve (et honnêtement c’est le cas), harangue la foule, bras levé, guerrier, comme un appel à la révolte. Il reste cette image, celle d’un gladiateur qui entre dans la fosse aux lions.
#6 – Carlos Santana
Six ans après avoir photographié Peter Gabriel aux Vieilles Charrues, c’est maintenant au tour de Carlos « Devadip » Santana, l’autre héros de ma jeunesse, de passer dans le collimateur de mon D3s. C’est sûr qu’il est moins fringuant qu’à la fin des seventies, quand j’allais le voir en Angleterre avec mon pote Gilles, mais quand même. Le son est inimitable, le jeu de guitare demeure merveilleusement suave, chaud et épicé comme un picadillo à la cubaine. J’ai quitté Glenmor en souriant, sur le tempo de Black magic woman.
#7 – Raphaël
J’aime bien Raphaël Haroche et cette histoire ne date pas d’hier. Je l’avais rencontré quelques semaines avant qu’il ne sorte son premier album, Hôtel de l’univers au début des années 2000 et depuis j’ai gardé beaucoup de tendresse pour cet artiste attachant. C’était sans doute compliqué pour Raphaël d’ouvrir le festival, le jeudi, de jouer avant the Hives ou Rammstein. Juste avant que je ne quitte la fosse, Raphaël me voit et m’adresse un clin d’œil discret. Je cadre, il se marre. One shot. Dis-moi Raphaël ! Tu seras toujours aussi beau, dans vingt ans ?
#8 – Patrick Bruel
L’autre pour qui c’était compliqué, aussi, c’est Bruel. Prendre la place de Sir Elton John, comme ça, à l’arrache, une semaine avant la date, excusez du peu, mais il fallait en avoir dans le pantalon. Bien sûr, les haters de tout poil avaient prédit qu’il allait se ramasser, se prendre le bide de sa vie. On a juste vu le public de Kerampuilh lever les bras, jusqu’au bout de la plaine. Comment dit-on déjà ? Ah oui, c’est ça. Un triomphe. Patrick Bruel n’est pas prêt d’oublier sa venue aux Vieilles Charrues. La prochaine fois, c’est promis, on écrira son nom (et son prénom) sur l’affiche. En grand.
#9 – Jonathan Wilson
Chaque année, il y a un mec inconnu dans mon registre qui déboule aux Charrues et qui me scotche. Cette année c’était Jonathan Wilson. Ambiance California dreaming, revival seventies, le son pop dans ce qu’il a de meilleur et visuellement des musiciens aux dégaines et aux looks qu’on croyait oubliés depuis quarante ans. Wilson ne se contente pas d’avoir le look du gars tout droit sorti du scénario de Cameron Crowe, « Almost famous ». Il a en plus le talent d’un mec d’aujourd’hui. Divine surprise.
#10 – Charles Bradley
Charles Bradley and his extraordinaries. Rien que le nom, c’est déjà comme une invitation. Je connaissais le gars pour avoir eu le privilège de le voir dans une petite salle, au Vauban à Brest. J’avais déjà côtoyé un peu le personnage, les gimmicks, l’entrée en scène de cet artiste attachant qui a longtemps vécu dans l’ombre de James Brown. Sur la scène Glenmor, l’artiste va pouvoir prendre ses aises, bien qu’il ouvre les hostilités devant un public clairsemé, en début d’après-midi. N’empêche. Charles nous sert la totale, ses petits pas de deux et son groove infernal. Du haut de son eden, nul doute que le parrain de la soul, qui était passé aux Charrues sur cette même scène en 1997, a apprécié le show.
• L’avis du photographe : Nikon et Nikkor, une paire d’as.
Difficile de faire un choix, devant tellement d’images, mais n’est-ce pas finalement la première qualité d’un photographe, que de savoir choisir ? Je tire deux leçons de ce bel été. D’abord, on fait de meilleurs photos quand on est en paix avec soi-même et aussi avec les autres. Être entouré de gens qui vous aiment est un privilège, c’est aussi une force. L’autre leçon, plus terre à terre, c’est qu’on ne fait jamais de meilleures photos que lorsqu’on est en phase avec son matériel. Nikon D3s est un boîtier exigeant, qui ne laisse passer aucune erreur d’appréciation, tant en matière de réglages qu’en cadrage. La moindre déviation se paye cash et ne se rattrape pas. Recadrer, cropper à la hussarde avec un capteur 12mp, on oublie. Et puis il y a les optiques, par lesquelles passe la lumière. Je connaissais déjà les qualités légendaires de mon Nikkor 70-200 f2,8 VRII. Aux Vieilles Charrues, avec l’assistance de Nikon Pro Services (qui porte bien son nom), j’ai pu tester le dantesque Nikkor 300mm f2,8 VRII couplé au télé-convertisseur TC20EIII. Pouvoir travailler à 600mm f5,6 tout en conservant un AF ultra réactif et, surtout, une pureté, un piqué, une netteté absolument remarquables est un privilège. Quand j’ai découvert mes clichés de Rammstein ou ceux de Neil Young, j’ai été subjugué, pas uniquement par la netteté, d’ailleurs, mais aussi par l’excellent rendu des couleurs. Le bonheur c’est d’avoir en mains un bon reflex avec lequel on est en phase, dont on maîtrise les réglages jusqu’au bout des doigts et là-dessus de monter une optique d’exception. Voilà la leçon du jour. Si vous devez mettre un peu d’argent dans votre matériel, privilégiez vos optiques. Et gardez à l’esprit qu’il n’y a rien de mieux que de monter du Nikkor sur un reflex Nikon. Et une excellente optique, c’est aussi et avant tout un investissement durable.
• Le matériel utilisé. Nikon D3s, Nikon D4.
Du côté du reflex, j’ai principalement utilisé mon Nikon D3s, parce que c’est le mien et que je le connais bien. J’ai aussi embarqué un Nikon D4 en boîtier backup et pour certains plans de foule. En plus de mes deux optiques de prédilection, Nikkor 70-200mm f2,8 VRII qu’on ne présente plus, une perfection en matière de zoom trans-standard et Nikkor 24-120mm f4 VR le range idéal sur un reflex fullframe comme D3s, j’ai utilisé Nikkor 16-35mm f4 VRII sur le D4. J’ai apprécié par le passé ce range de 16 à 35mm lorsque j’étais équipé en Canon, alors retrouver un grand angle à 16mm capable de se déployer jusqu’à 35 j’ai déjà donné. Le résultat c’est une excellente image, propre, bien nette et piquée, sans effets pervers notables (pas d’aberrations chromatiques). Bien sûr certains vous parleront de l’excellent Nikkor 14-24mm f2,8 en omettant de vous parler de son poids, de son prix et de sa lentille maousse qui interdit l’usage de filtres. Et de son prix surtout. Ce Nikkor 16-35mm f4 VRII tient ses promesses, même si, pour ma part, capable de me contenter d’un grand angle à 24mm je préfère la possibilité d’un range nettement plus large et polyvalent jusqu’à 120mm.
• Nikkor 300mm f2,8 VRII. Dantesque.
Quant à Nikkor 300mm f2,8 VRII que dire, sans tomber dans le super-superlatif ? Quelle merveille que cette optique ! Dès qu’on a l’œil dans le viseur, on sent bien qu’elle en a sous la lentille, capable d’aller choper un point de netteté à la vitesse de l’éclair. Elle pèse un peu mais reste jouable à main levée, même si pour ma part je l’ai montée sur mon monopode Manfrotto. Une fois la hauteur réglée, c’était du velours. On se dit qu’en ajoutant un télé-convertisseur, on va être dans la misère, à la ramasse parce qu’on va perdre deux diaphs et non. Dans le viseur de D3s c’est toujours la fête. Ça, c’est dû non seulement à l’excellence optique du 300mm Nikkor mais aussi à ce télé-convertisseur dont j’ai déjà eu l’occasion de dire tout le bien que j’en pense ici-même. Du côté de D3s, rien à dire, c’est LE reflex et c’est surtout mon reflex. Du point de vue des réglages, je n’ai jamais poussé la molette des isos au delà de 3200, travaillant le plus souvent entre 400 et 800iso, en mode manuel exclusivement (parce que c’est pour moi le mode le plus confortable), en essayant si possible d’aller chercher un diaph au delà de la limite imposée (suivant la règle que c’est pas parce qu’on vous fait des optiques à f2,8…) tout en conservant une vitesse convenable. Je regarde mes clichés et je me dis qu’il y a eu adéquation entre le matériel et le photographe. Faites des photos qui vous plaisent. Le reste n’a strictement aucune importance.
• cliché : la scène du festival des Vieilles Charrues pendant le concert de Rammstein (Nikon D4, Nikkor 16-35mm f4).
• merci à Nikon France et à Nikon Pro Services pour leur indispensable soutien.
Encore un super article qui mélange tes gouts artistiques et ton approche photographique …, certainement un des meilleurs (AMHA) …
Ne pas confondre Charles Gayle et Charles Bradley…
Grosse fatigue ! Merci Jon d’avoir débusqué la coquille 😉 Effectivement c’est bien Charles Bradley. Charles Gayle, quant à lui, joue sur un autre registre http://www.jazz-a-vauban.com/2011/05/the-soul-of-jazz-with-charles-gayle-playing-piano-at-cabaret-vauban/