Le matériel ne fait pas le photographe. Ah ! Les vieux poncifs ont la vie dure, n’est-ce pas ? Mon père me répétait à l’envi : « mieux vaut être riche et bien portant que pauvre et malade », ce à quoi j’aimais lui rappeler, en bon baba cool seventies que j’étais alors, que l’argent ne fait pas le bonheur. Ce à quoi mon vieux s’empressait de rétorquer que certes, mais il y contribue. Si je prends la plume en ce joli matin d’été finissant, après avoir passé quatre jours absolument éreintants mais néanmoins toujours inoubliables à mon plus beau festival des Vieilles Charrues, ce n’est certes pas pour vous narrer mes duels dialectiques de comptoir du commerce avec mon géniteur à qui je dois ce caractère entier, définitif et radical, que certaines mauvaises langues qualifient volontiers d’irascible, que nenni. Mais pour livrer une réflexion, justement, sur cette adéquation entre matériel et photographe, cet équilibre si délicat et tellement difficile à établir, ce pont entre l’outil, l’œil et le cœur pour vous citer une énième fois, mon cher Henri.
Cette année donc, pour les Vieilles Charrues, j’ai entrepris de proposer à mon festival préféré d’ouvrir les portes toutes grandes à une bande de jeunes photographes et de les inviter à venir pousser avec nous sur la charrue, histoire de voir. Le projet 109 était né, il portait bien son nom et germait dans ma tête depuis longtemps. Créer une team de photographes pour arpenter la plaine en tous sens, capturer des images avec un autre regard, un regard neuf. Comme une carte blanche pour chambre noire. Et puis à quoi on servirait, nous, les vieux photographes jurassiques, bougons et caractériels (ouais bon, ça va) si on n’était pas là pour passer la main, lâcher le bout* et passer la barre à des jeunes, je vous le demande. C’est dans cet état d’esprit, assez inédit pour moi qui fait plutôt dans le genre vieux loup autiste et solitaire, que je me suis mis en quête de ces trois ou quatre perles rares et me connaissant, je me suis dit que la mission risquait de s’avérer impossible, tant mon niveau d’exigence était élevé, tant j’avais placé la barre à franchir à une hauteur qui interdisait son accès à une foule de photographes dont je scrutais les clichés d’une banalité navrante à longueur de temps sur le média internet. Je désespérais que ce projet 109 arrivât jamais à maturation quand un jour je découvrais le travail de David, que je connaissais un peu pour l’avoir croisé de temps à autre au Run ar Puñs. Là, à l’instar du commissaire Bourrel, je frappais mes mains en maugréant « bon sang ! Mais c’est bien sûr ! » David, un passionné de musique, un photographe heureux, souriant et enthousiaste, que demander de mieux ? J’écrivais son nom sur ma feuille blanche avec la satisfaction de l’explorateur. Et d’un ! Puis j’ai trouvé Juliane que je connaissais déjà pour l’avoir déjà repérée et qui m’avait déjà inspiré un billet ici-même. Et puis Mathieu, un photographe au style punchy, passionné d’images, fondu de musique et d’un enthousiasme aussi débridé que sa bonne humeur légendaire. J’en tenais trois qui avaient les mêmes sourires, un sincère enthousiasme, l’envie d’y aller, d’envahir la plaine, de s’éclater. Et puis cette team avait un autre secret, c’est que chaque membre avait coopté les deux autres. La cohésion, l’esprit d’équipe, le sourire, l’énergie, j’y étais presque. Il manquait une pièce à ce puzzle pour que le dîner soit presque parfait. J’ai fait appel à Olivier, qui n’est pas photographe pro mais qui est au moins aussi bien que ça. Un pur fondu des Vieilles Charrues, passionné depuis toujours par le festival, la musique et les images. Le quatrième c’était lui, il serait notre candide, notre regard, notre diamant d’innocence. J’étais heureux comme feu Pascal Sevran avant une chance aux chansons. Aucun doute. Ah ! On était bien Tintin. On était prêt. Le projet 109 avait de la gueule. Y’avait plus qu’à…
(*terme de marin, prononcez boutte)
Il restait à équiper la team de pied en cape et pour ça, je savais que je pouvais compter sur Nikon France, partenaire du festival des Vieilles Charrues et sur la team king size du Nikon Pro Services, qui a soutenu le projet sans l’ombre d’une hésitation. Que le nom de Nikon soit béni entre tous, tant la marque jaune a été une pierre de soutien indispensable à l’ensemble de cet édifice et à son équilibre, en mettant à notre disposition la crème des boîtiers reflex et le must des objectifs de la gamme Nikkor. Nikon D4, Nikon D3s, Nikon D800, D700, D7000 et même un hybride Nikon V1. À l’ouverture des boîtes, la veille du festival, c’était Noël avant l’heure. Quant aux cailloux, la team 109 touchait ce que Nikon fait de meilleur en matière d’optiques : Nikkor 24-70 f2,8 ou 70-200 f2,8 VRII ou des bijoux comme le 200mm f2, le 300mm f2,8 ou le dantesque 200-400mm f4, avec, cerise sur la gâteau, les téléconvertisseurs TC14 et TC20-EIII, histoire de pousser la focale dans ses ultimes retranchements. Bref, Nikon dans ce que la marque jaune a de meilleur, a de plus pro, autant dire pour une bande de jeunes le bout du rêve, le must, le satori. Et puis comme un bonheur n’arrive jamais seul, Sony France est venu prolonger le rêve en dotant les deux Nikon D4 de cartes XQD serie S, pour ajouter encore à la performance et à la vélocité du haut de gamme Nikon (voir l’article consacré aux cartes XQD ici-même).
Seulement voilà. Le matériel ne fait pas le photographe. Donnez le meilleur matériel qui soit (et à ce niveau-là je suis bien placé pour dire que Nikon assure parfaitement son rôle de leader sur ce segment) à un quidam totalement dénué de regard, autant donner de la confiture ananas, banane, rhum de ma douce Hélène à des cochons. Certes, indubitablement, le matériel aussi bon soit-il ne relèvera jamais le niveau d’un mauvais photographe, en revanche, prenez un bon photographe et équipez-le du must des matériels Nikon et là il se produit une osmose qui réserve bien des surprises. C’était ça, mon pari. C’est ce qui s’est passé avec les photographes de la team 109. Je scrutais Juliane, qui timidement avait d’abord opté pour un D700 et qui finalement s’est laissée tenter par un trio d’enfer, Nikon D3s, Nikkor 24-70 f2,8, Nikkor 70-200 f2,8 VRII. J’ai su, dès que j’ai vu les premiers clichés, que mon pari était gagnant. J’ai vu des clichés de live comme je les aime, de ceux qui vous permettent de revivre l’instant, d’entendre la musique. De la photo de live vivante, en quelque sorte. Mon vieux avait raison, les moyens contribuent au bonheur. Est-ce à dire qu’on ne peut réussir un cliché avec un matériel modeste ? Certes non. Mais vous ne ferez sans doute jamais avec reflex d’entrée de gamme et un caillou lambda ce qu’un reflex pro et un objectif d’exception vous permettent d’obtenir et ce n’est pas Juliane qui me contredira. L’inverse est également vrai. Si vous n’avez ni œil ni regard, vous pourrez vous blinder de matériel haut de gamme que vous n’y arriverez guère mieux… C’est la vie. Le regard, tu l’as ou tu l’as pas.
Voilà. C’est fini. Fini ? Non, sans blague, c’est pas fini, c’est que le début (d’accord, d’accord). La team 109 aura été un des plus jolis moments de mon parcours de photographe, avec des instants inoubliables, la découverte du regard des autres, des équipiers. Du sang neuf, des regards échangés, une grande complicité, beaucoup de rires, de pure déconne et de private jokes, de joie et ce véritable enthousiasme, ce plaisir d’entrer dans la fosse avec le sourire, de découvrir le backstage, l’accès scène, de vivre ce festival de l’intérieur, au cœur des bénévoles, avec eux et pour eux. En se quittant, après le dernier concert, on n’avait pas le cœur à se laisser envahir par le blues, en se disant que c’était pas la fin, juste le début d’une histoire. Est-ce qu’il y aurait une saison 2 de la team 109 ? On a décidé entre nous de ne pas répondre à cette question, sans doute pour préserver cette part d’incertitude qui rend la vie si belle. D’ailleurs, entre nous, la photographie n’est-elle pas finalement faite de doutes, d’instants capturés au hasard des rencontres, de regards échangés, de partages ? Une dernière chose. Si vous croisez les membres de la team 109, saluez-les de ma part. Vous ne pouvez pas les louper. Ils ont dans le regard cette petite lueur indéfinissable et cette sincérité qui font les bons photographes. Et dans leurs veines coule un sang neuf.
• merci aux membres du projet 109. David Rivoal, Juliane Lancou, Mathieu Ezan, Olivier Ehouarne. Vous pouvez voir des clichés de l’équipe sur le Facebook des Vieilles Charrues.
• merci pour leur soutien à Nikon France et Nikon Pro Services, à Sony France, au Festival des Vieilles Charrues et à ses bénévoles.