Comment ? Tu n’as pas une page Facebook, pas de compte Twitter, pas de compte LinkedIn, pas de compte Google+ et autre Viadeo, tu n’es pas présent sur les réseaux sociaux ? Tu n’es pas connecté à internet, tu ne te montres pas sur un blog, un tumblr, un site web ? Tu ne te partages pas au monde des vivants, en clair, tu n’existes pas, quoi ? Ah ! Exister. La belle affaire ! Tu n’as pas de blog, tu n’es donc pas highly influential. Comme me l’avait suggéré un jour un blogueur dont je tairais le nom, par simple élégance élémentaire et qui parle de lui à la troisième personne, « tu reviendras le voir le jour où tu auras un nombre de followers à quatre chiffres et tu prieras le ciel pour qu’il ait la bonté de retweeter un de tes messages. » Amusant, quand on sait que le blogueur en question fait des pieds et des mains (surtout des pieds d’ailleurs) pour se faire une petite réputation de langue de vipère dans le milieu mondain, un monde cloisonné dans lequel, le pauvre, il n’entrera jamais, à son grand dam. Et il en est ainsi de tous les milieux. Dans le cercle très fermé de la mode, par exemple, quelques blogueuses anonymes se sont faites un nom ou un prénom, voire un pseudonyme chic, devenant du jour au lendemain des gossip girls très écoutées, malgré une dialectique souvent pauvre voire pathétique, suivies au corps par des hordes de gamines ou de ménagères de moins de cinquante ans désespérées, rêvant de beaux genoux et de concours très sélects, pour enfin rejoindre le gotha, l’élite, le strass et les paillettes world wide de quelques mannequins filiformes, suicidaires et anorexiques. Las ! Le business carnassier de la presse féminine a tôt fait de les rattraper à grands coups d’échantillons promotionnels et de chèques rédigés en euro. Idem pour la photographie où quelques blogueurs se sont vus rétribuer pour la bienveillante publication d’un banc d’essai sur tel ou tel nouveau produit. Ici, à Shots.fr il ne se passe pas une semaine sans que je ne reçoive une proposition de ce genre, même si les annonceurs mettent un bémol, un gros bémol, compte tenu de la réputation de foutu caractère du taulier et c’est un euphémisme. Les attachés de presse et autres agences PR qui passent leur temps à distribuer des feuilles de papier blanc avec leur sourire ultra brite se méfient comme de la peste de ce photographe blogueur breton, qui, s’il ne manque ni de générosité ni de noblesse, n’est quand même pas né de la dernière pluie, fut-elle brestoise… D’ailleurs, à y regarder de plus près, sur Shots j’écris ce que je pense, ce que je ressens, souvent sans trop d’états d’âme mais toujours avec sincérité, c’est toujours ça de pris, comme disait Virginie. Chacun vient ici chercher des réponses et y trouve ce qu’il veut. Je ne me verrais pas casser un matériel, en encenser un autre, même avec la perspective d’un gros chèque. Je n’ai pas de chapelle. Lorsqu’un matériel photo m’emballe, je le dis. Le truc, c’est que l’inverse est également vrai…
Aujourd’hui, finalement, j’ai l’impression qu’on est à la croisée des chemins numériques. D’un côté la photo se dématérialise, de l’autre les réseaux sociaux permettent de partager son travail. Partager son travail, mouais ! Partager, c’est souvent plutôt montrer, et, j’ai même envie de préciser, de se montrer. C’est plutôt la course du moi. Tiens, un conseil en passant, aux photographes en herbe. Plutôt que de montrer des tonnes de photos moyennes, soyez donc ultra sélectif, montrez uniquement ce qui parle à votre œil et ne comptez pas sur les autres pour faire le tri, partager le bon grain de l’ivraie. Montre-moi les photos que tu montres et je te dirai quel photographe tu es. Ou pas. Ne pas savoir choisir, c’est déjà un aveu de faiblesse. Et puis tant qu’on y est, dites-vous que l’avis des autres, de votre mère, de votre sœur, de votre meilleur ami, de votre boy friend, de votre concierge, on s’en fout ! Adressez-vous plutôt à un pro ou à quelqu’un qui sait lire une image. L’avis du quidam lambda qui s’extasie dès lors qu’une photo est nette et que les couleurs sont jolies, c’est sûrement bon pour votre égo, certes, mais ça ne vous fera pas avancer. Je sais, j’en entends déjà hurler à la lecture de ce billet, ceux-là clament simplement leur douleur de ne pas exister. Dans ce milieu de la photo c’est comme partout ailleurs. Il ne suffit pas de créer pour exister. Et c’est pas facile d’exister, hein ? D’autant qu’aujourd’hui, finalement, il suffit d’appuyer sur un déclencheur et de publier sa photo sur une page Facebook pour avoir le sentiment d’être, subtile illusion. Pour faire partie de la meute, au moins en apparence. Car en vérité, les images diffusées sont souvent, j’allais dire majoritairement, d’une pauvreté, d’une banalité navrante. C’est la raison pour laquelle je refuse systématiquement de donner mon avis, chaque fois qu’il est sollicité. Il m’est arrivé de me fâcher avec des photographes à qui j’avais simplement répondu : « Vous êtes vraiment sûr de vouloir mon avis ? » alors vous imaginez ce qui serait arrivé si j’avais vraiment donné mon avis ?
Et je ne vous parle même pas de ces réseaux, comme Twitter, où l’on peut se retrouver rapidement au centre d’un pogrom virtuel et numérique parce qu’on a cessé de suivre untel au seul prétexte qu’on pense qu’il n’a simplement rien d’intéressant à dire. Parce que voilà, les réseaux sociaux, c’est du partage mais on n’est pas condamné à partager systématiquement toutes les banalités que les autres ont à dire. Partager, c’est aussi le droit de choisir. Finalement, les réseaux sociaux sont un bien curieux miroir aux alouettes, un endroit où les gens ont l’impression d’exister au seul comptage très illusoire de leurs « amis » ou de leurs « abonnés ». Ah ! Où est-il, le café du commerce, où l’on venait refaire le monde, où l’on pouvait copieusement s’avoiner, entre un jambon beurre, un œuf coque, deux chips, trois cacahuètes, un demi et un p’tit crème ? Tout fout l’camp ma bonne dame… Mais rassurez-vous. L’essentiel demeure.
Buffalaurent dit
Les réseaux sociaux n’ont de sociaux que le nom…
JluK dit
C’est pathétique de voir des connaissances accumulées des « amis » en espérant que cela leur apportera des contacts professionnels. On passerait un temps fou si l’on devait réellement consulter tous ces réseaux, seulement. Pour toucher certaines personnes, on finit par s’inscrire… et ensuite, impossible de s’en débarrasser, c’est comme le sparadrap du capitaine Haddock, quand ils vous tiennent, c’est pour toujours ou tant qu’ils vivent.
Twitter, c’est mieux, c’est plus informatif, mais certains enchainent les billets pour pas grand-chose, suivez mon regard ! Quelle est cette manie de dire bonjour, au revoir, je vais manger ou il pleut ? Désormais, moi qui suis déjà très mesuré dans ce domaine, lorsque je rencontre un quidam qui pourrait m’intéresser, je regarde ses publications ; si c’est un posteur compulsif qui ne dit quelque chose d’intéressant que tous les 10 à 20 posts, je passe mon chemin.