Je reviens de quatre jours passés à Reims, avec quelques figures libres et un exercice imposé, le test du Nikkor 14-24mm f2,8. Comme moi, vous en avez entendu parler, vous avez peut-être eu envie un jour de vous laisser aller à l’adage de cher Oscar « le seul moyen de se délivrer de la tentation c’est d’y céder » et puis finalement, vous avez résisté, largement convaincu, tant par la réputation du caillou que par son prix qui, rappelons-le, avoisine les 1800€ selon la police, les 1600€ selon les syndicats de chez Digit Photo. Pour ma part, début août, j’avais (déjà) été subjugué par la ville de Reims, sa cathédrale illuminée, sa basilique, ses halles classées monument historique, sa rue Henri IV, sa brasserie Le Boulingrin et ses profiteroles au caramel, son réseau de transports en commun, ses tramways multicolors et son architecture bourgeoise. Un cœur de ville avec une belle respiration, un bon feeling et bien sûr le parfum du Champagne et de ses bulles délicieusement pétillantes, le tout sous le regard sévèrement burné de Madame Louise Pommery, executive women avant l’heure. Donc, début août, je savais que je reviendrais à Reims et je savais exactement ce que j’avais envie d’y shooter et pour ça, j’avais besoin d’un chaînon manquant : Nikkor 14-24mm f2,8. Un objectif radicalement amazing, comme disent les anglo-saxons. Ici, on est dans l’exploit, le caillou hors-normes, le superlatif et j’ai même envie de dire dans l’étrange, le paranormal, l’hallucinant.
• Une optique exceptionnelle. À tout point de vue.
Nikon a conçu un zoom sur un range relativement court, de 14mm à 24mm, tout en conservant une parfaite luminosité avec une ouverture à f2,8. D’ailleurs, c’est le premier paramètre qui accroche l’œil dès le montage sur mon D3s. Outre le fait que dans le viseur l’image est parfaitement lumineuse, quelque soit la focale, la première impression c’est la largeur de champ et, évidemment, une profondeur de champ réduite à sa plus simple expression. Le range de 14 à 24 est tellement court que dans les premiers instants d’utilisation j’ai cru que la bague de zoom (qui m’a semblée un poil dure par ailleurs) était bloquée. Du côté du look, ce caillou c’est Monstro, dans tous les sens du terme. Pas franchement discret, l’engin, avec son énorme lentille frontale bombée et son pare soleil intégré. Ici pas question d’envisager de visser quoique ce soit, un filtre ou autre évidemment. Est-ce que le schmilblick tient dans la main ? Un peu mon cousin. Un kilo à lui seul, auquel il faut ajouter le kilo cinq du D3s, quand ces deux-là jouent de concert, il est conseillé d’avoir deux bras et une charpente. No offense, mais c’est pas du caillou de fillette que ce 14-24, quant à l’idée de le monter sur un boîtier DX n’y pensez même pas, ça reviendrait à perdre ce qui fait la véritable valeur intrinsèque de cet engin d’exception, sa fabuleuse focale de 14mm. Restait à vérifier comment ce fisheye qui ne dit pas son nom se comporte sur le terrain. Je voulais voir. J’ai vu et j’ai vu grand.
• La route du Champagne en panoramique
J’ai d’abord utilisé Nikkor 14-24 pour mon projet de clichés de l’illumination de la cathédrale de Reims. Sur le parvis, face à l’édifice, vue en contreplongée, de nuit. Nikon D3s et 14-24 montés sur un trépied Manfrotto. J’avais une petite appréhension au chapitre trépied, mais finalement l’ensemble conseillé par Digit Photo et par mon ami Vincent Montibus, Manfrotto 055XPROB et sa rotule plateau 496RC2, se sont avérés incroyablement efficaces, très solides sur jambes. Une fois en place, l’ensemble est stable, la rotule peut accueillir sans vaciller une charge de six kilos et le pied monte à près d’1,80 mètre, ce qui permet de shooter en position très confortable. Un déclencheur filaire Nikon MC30 vissé au D3s pour shooter sans toucher au déclencheur et en avant Guingamp ! J’aurai sûrement l’occasion de revenir sur cette expérience photographique hors normes dans un autre billet, mais pour faire bref, disons que les images ramenées de ce shooting sont à la hauteur de mes espérances. L’habillage de la cathédrale par les illuminations, la focale utilisée (14mm), l’angle de prise de vue en contreplongée, le boîtier Nikon D3s et ses capacités nyctalopes ont fait de ce shooting un moment que je ne suis pas prêt d’oublier. Le lendemain, j’ai eu la chance d’être guidé par Bernard Ledru, un gars du cru pur jus (de raisin) qui connait le coin comme personne, et nous avons parcouru ensemble le chemin sinueux de la route du Champagne. Sur les hauteurs, au moulin de Verzenay (propriété de la Maison G.H. Mumm et de Pernod réunis) il y avait matière pour laisser s’exprimer toute la magnificence de ce caillou, sous le ciel bleu azur de cette région splendide, avec des vignes à perte de vue et la cathédrale de Reims, dans le lointain. One shot. Mazette ! C’est sublime à f7,1 et ça reste splendide à f2,8. Pour taper du panoramique hors norme, c’est LE caillou de référence. C’est d’ailleurs là une force mais aussi une faiblesse de ce genre d’objectifs. Il faut vraiment en avoir l’utilité.
• Les rares sujets qui fâchent
Puisque nous en sommes au chapitre des sujets qui fâchent, faisons le point. D’abord, la lourdeur, on n’y reviendra pas. Ensuite, l’encombrement. Attention ! Ce caillou est énorme et ne rentre pas dans tous les sacs. Je passe sur l’aspect esthétique, finalement assez accessoire, mais lorsque le caillou est monté sur le reflex, vous ne passez pas inaperçu, avec cette lentille frontale complètement démesurée… Je passe aussi sur le bouchon d’objectif qui ne tient pas et n’a pas arrêté de tomber et de se barrer dans le fond de mon sac, saleté ! Le range est très court, de 14 à 24 il n’y a vraiment qu’un pas. Bon tout cela est très subjectif. En revanche, au chapitre distorsion, à 14mm, évidemment on n’y échappe pas, même si les ingénieurs de chez Nikon ont fait (très) fort, en proposant un très grand angle qui corrige au maximum la distorsion et les aberrations chromatiques. Sur les photos panoramiques de paysage, il faut l’admettre, les résultats du Nikkor 14-24mm à 14mm sont ébouriffants, avec un piqué et une netteté remarquables. En revanche sur d’autres clichés pris en intérieur et selon l’angle de vue, la distorsion peut s’avérer importante, surtout lorsqu’on s’approche des grandes ouvertures, avec des images un peu molles sur les bords.
• Nikkor 14-24 est un must. What else ?
Nikkor 14-24mm f2,8 est un must, une diva, un caillou d’exception pour des projets d’exception et des prises de vues bien spécifiques sur un boîtier fullframe. Posséder un caillou comme celui-là est incontestablement un gros plus, un indéniable avantage et en même temps son utilisation peut s’avérer très casse-gueule, car cet objectif a une signature, une personnalité très personnelle. En photo de concert par exemple, il est idéal pour faire un plan de foule de la fosse où par nature on a peu de recul, voire un plan de scène. À 14mm, l’effet peut être spectaculaire, certes. En revanche, je ne me vois pas l’utiliser à focale 14 pour faire de la photo de scène, ou alors vraiment de manière très ponctuelle. La limitation de ce genre d’objectif est bien là. Soit l’image se prête à la focale et le caillou permet de transcender l’image. On utilise alors très ponctuellement la focale extra large pour accentuer le côté spectaculaire, voire dramatique. Mais attention à l’utilisation systématique de l’effet très grand angle, on risque de tomber rapidement dans la caricature, voire dans le grotesque en utilisant les vieilles ficelles des perspectives démesurées. En résumé, soit vos projets photographiques nécessitent régulièrement un très grand angle et dans ce cas, inutile de chercher ailleurs, Nikkor 14-24mm f2,8 est fait pour vous, soit vos besoins sont ponctuels et dans ce cas le prix de ce caillou est résolument rédhibitoire. D’autant que, il faut le rappeler, Nikon propose des alternatives intéressantes et nettement moins onéreuses, dans la catégorie zoom grand angle trans-standard. Je pense en particulier au Nikkor 16-35mm f4 AF-S VR G ED dont le range est nettement plus large et sur lequel, accessoirement, on peut monter des filtres. Et si pour vous la notion de grand angle peut commencer à 24mm, je ne peux que redire ici tout le bien que je pense de Nikkor 24-120mm f4 AF-S VR G ED qui est mon caillou de prédilection sur mon D3s, un objectif au range définitivement idéal et avec lequel j’ai ramené de ma ballade rémoise des images remarquablement contrastées et piquées, comme je les affectionne. Mais, bien sûr, rien de comparable avec ce qu’on peut réaliser entre 14 et 24mm, en montant ce somptueux caillou de référence de la gamme Nikkor.
• voir la fiche technique Nikkor 14-24mm f2,8 sur le site Digit Photo
• merci à ceux qui ont rendu ce test terrain possible :
au staff de Nikon France pour son soutien indéfectible et son sens de l’humour.
à l’équipe de Digit Photo, définitivement LA boutique de référence.
à Bernard et Patricia Ledru et à l’Hostellerie Henry IV pour leur accueil.
Last, but not least, merci à la ville de Reims et à Adeline Hazan. I’ll be back. Girls rock.
NSOphoto dit
Cet article confirme tout le bien que je pense de cet objectif sans jamais l’avoir testé.. Enfin on va dire que j’ai du Jaune en intrveineuse donc bon je suis conditionné.
Marrante ta remarque sur l’utilisation en concert.. Ça me fait un peu penser à l’utilisation ultra abusive de certains du Fisheye pour la scène.. Quelques unes ça va.. Trop attention les dégâts.
J’ai vu des exemples de photos de mariage avec cet obj vraiment hallucinantes et bien utilisé (niveau déformation) tu peux vraiment faire des choses monstrueuses… Je ne parle même pas des photos de paysage…
Dans un jour pas si lointain, je pense qu’il sera mien..
harvey dit
@NSOphoto c’est un caillou dont il faut avoir l’utilité. En paysage, en architecture, à 14 c’est du bonheur !
NSOphoto dit
Bah ouais justement.. J’aime bien les paysages!!! Banco
harvey dit
@NSOphoto il y a un lien vers le site Digit Photo à la fin de l’article. Je vous l’emballe ou c’est pour consommer tout de suite ?
Gilles Theophile dit
Eh bien oui, utilisateur du 14-24 depuis mon switch Canon > Nikon il y a un an, j’en suis ravi et son encombrement est anecdotique lorsqu’on utilise depuis toujours des 300/2,8 et autres gros télés 😉
Cdlt
Gilles
harvey dit
@Gilles Theophile c’est vrai qu’en comparaison d’un 300 f2,8 le 14-24 est un poids plume ! Tu l’utilises sur quel boîtier Nikon ?
Jay dit
Testé voici qq mois. Rien à dire sur la qualité de l’optique mais le risque d’abimer l’optique est grand. La lentille est bombée et on ne peut pas la protéger. Entre les coups de coudes, la poussière et le reste…le risque de rayures est présent. Moins polyvalent qu’un 24-70 ou 24-120. Plus d’effets à la clés mais à utiliser à bon escient. Pas si simple sur le terrain. On a tjs tendance a zoomer vers 14 que de se reculer d’un pas. Pour du reportage mais à utiliser à bon escient sinon on risque d’ê^tre barbouiller rapidement.
Lucky dit
Il me fait de l’oeil depuis longtemps, mais le fait de ne pas pouvoir filtrer me rebute… Je pense que le 16-35 est tout de même plus polyvalent, moins superlatif, mais plus complet.
NSOphoto dit
@Harvey.. Non pas d’emballage je vais consommer tout de suite, par contre vous me mettez ça sur la note d’Hervé Le Gall.. a priori il a un compte ouvert chez vous. Ne vous inquiétez pas c’est vu entre nous, en vous remerciant.. 😉
harvey dit
@Lucky de l’oeil de poisson évidemment ah ah ! Bon sinon j’ai le même feeling que toi pour le 16-35 f4 et confidence pour confidence il est le prochain sur ma liste de test avec Nikon. Une bonne occasion de comparer les deux…
@NSOphoto c’est bon de rire, parfois ! Et avec ça, qu’est ce que ce sera ?
Erwan Raphalen dit
salut Harvey : Jeme permets de donner ici mon humble avis, cet ojectif et mien depuis maintenant 2 mois, et je ne peux aller dans ton sens de « caillou » superlatif.
J ai testé differente chose avec lui depuis ce peu de temps de prise en main, en paysage,c est tut simplement fabuleux et encore plus si on souhaite faire des panorama tres importants.
Là où je ne suis pas tout à fait d accord, c est sur l’utilisation scène..évidemment, ne pas en abuser, mais sur certaine ambiance come susheela raman au bout du monde ou Skip The Use à la fête du bruit, je dois avouer que je n aurais pas fait toutes les photos au 70-200 et que c etait super impresionnant..
harvey dit
@Erwan Raphalen ne pas en abuser, voilà, tout est dit. Dans la mesure où ce caillou a une signature qui est très particulière, son utilisation intensive et répétitive peut lasser l’oeil. C’est un optique d’exception pour des points de vue exceptionnels.
Merwen dit
+1 sur ta remarque avec les filtres. C’est un superbe objo (tout comme le 14 de canon) mais avec un vrai plus en terme de piqué sur les bords. Mais gros bémol sur la fixation de filtre pola et GND/ND. les amateurs de paysages préféreront les 16-35 avec filetage classique afin de profiter de leur filtres préférés. Pour ceux qui sont moins perfectionniste ou qui préfère utiliser la post prod (HDR) c’est un effet, une belle optique. Hâte de voir la version Canon brevetée récemment 😉
Nicolas GIRAUD dit
Cet article me confirme tout le bien attendu de cette optique, il ne reste plus qu’à casser la tirelire, à défaut de posséder l’excellent full frame D3s, je pense que je me le contenterais sur le D300, en attendant le loto!! je vais de ce pas étudier le prochain article sur le 24-120, merci, nicolas du 26
harvey dit
@Nicolas GIRAUD bémol sur le 24-120 c’est une optique à l’aise sur un boîtier fullframe mais moins convaincante sur le reste de la gamme.
mhd dit
Merci pour ce test complet ! Et quid du Nikkor AF-S DX 10-24 mm f/3.5-4.5 ? L’as-tu déjà eu entre les mains ? Le tarif est un peu plus abordable pour moi…
PhilippeB dit
Ca fait 3 ans que j’ai le 14-24, c’est vraiment un objectif exceptionnel, quelques fois je l’adore et quelques fois, je le haie car lourd et encombrant. je l’avais acheté essentiellement pour faire de la photo de rue dans Bangkok. Le 16-35 aurait été peut être mieux adapté.
Autrement, il faut dire aussi qu’a 24 mm, il n’y a aucune distorsion, il est parfait, on peut meme faire du portrait avec voir http://www.monasie.com/2011/06/photo-du-jours-mes-favoris-le-vendeur.html
dans le genre photo de rue, ca peut etre aussi sympa http://www.monasie.com/2011/06/dans-les-ruelles-de-chinatown-ca.html ou http://www.monasie.com/2011/06/chinatown-tuktuk-driver.html
et pour les paysages, ca reste evidement le top http://www.monasie.com/2011/06/don-hot-loi-province-de-samut-songkran.html
Ps : Pour la bague un peu dure, je n’ai pas ce problème …