J’en conviens volontiers, le titre est un peu racoleur (mais on ne se refait pas). J’ai toujours vu le parcours de photographe comme un truc de solitaire, donc il n’y a pas trop d’intérêt à regarder ce que font les voisins. Bon, bien sûr, on vous dira qu’un photographe, à l’instar d’un peintre, d’un sculpteur, d’un cinéaste, … est toujours plus ou moins influencé par le travail d’un autre. C’est un peu vrai. Il y a quelques années, lorsque j’ai rencontré Claude Gassian, je lui ai dit que c’est en regardant ses photos que j’ai eu envie de faire des photos de scène. Il était content, je crois. Gassian est une exception notable, avec Richard Dumas et Antoine Le Grand. Et puis HCB, tellement connu qu’on peut se contenter de le désigner par ses initiales ou par son concept de l’instant décisif. Et puis un jour, sur Facebook, j’ai reçu une demande d’ami d’un photographe que je ne connaissais pas. Gérald Géronimi. Avec son nom de chef apache, à une lettre près, ce type ne pouvait pas me laisser indifférent. C’est tellement vrai qu’il y a eu un avant Géronimi et un après Géronimi. Avant, je me souciais aussi peu des photographes (à l’exception notable de la poignée citée précédemment) que de l’évolution du cours du Dow Jones. Et puis, je ne sais pas pourquoi, j’ai eu la curiosité de pousser la porte, de miser quelques pièces comme au poker, pour voir. Et là, j’ai découvert un type totalement hors-normes, qui exprime via la photographie sa sensibilité à fleur de peau. Il est connu (et reconnu), entre autres, pour ses photos de mariage. Photo de mariage ? Autant dire un genre définitivement casse-gueule, s’il n’est pas pratiqué avec la dose d’humanisme, de tendresse, de générosité, de bonté d’âme ou d’impertinence et surtout, surtout, de sensibilité. Et ça tombe bien parce que voilà résumé en quelques mots le portrait de Géronimi. Un drôle de gars, au fond. Un gars du sud profond, de là-bas du côté des calanques avé l’accent qui chante et qui rigole, frais comme un pastis, un expatrié au nord, qui ne jure que par la Picardie et les lumières magiques de la baie de Somme, Géronimi est une énigme vivante à lui tout seul. Et puis il y a ses photos. Ses photos qui me parlent, qui me racontent des histoires. Gérald est un chamallow bien tendre, un romantique avoué, un cœur d’artichaut, une plaque sensible à fleur de peau. Alors évidemment, dans ces conditions, on comprend vite que ce gars n’a pas son pareil pour photographier des amoureux qui vont se dire oui.
Il y a dans les photos de mariés de Gérald Géronimi ce petit truc indicible et une bonne dose d’humour. Gérald ne met jamais en scène, il improvise, l’air de rien et toujours avec brio. Mais comment fait-il ? C’est simple. Il fait avec ce qu’il a, avec l’émotion du moment. Deux alliances entremêlées sur une branche d’arbre fragile. Gros plan, somptueux bokeh d’arrière plan. Voilà, itae missa est, si j’ose dire. L’oeil de Gérald, accompagné de son inséparable EOS et de son 135mm f2 ont encore frappé. On regarde la photo et on reste planté là, un très léger sourire au coin des lèvres, en hochant de la tête et en marmonnant « ah… ouais ! ». Géronimi, marchand de bonheur, il y a de ça. On s’est rencontré par hasard, l’an passé au salon de la Photo. Je l’ai immédiatement reconnu avec sa casquette Kangol (une marque de fabrique, un signe de reconnaissance) et quand on s’est salué, j’ai vu son œil sourire. Il m’a raconté son épopée en Afrique, son studio mobile, ses portraits d’enfants. Son œil s’est un peu embué quand il parlait de ce gosse qui avait fait vingt bornes sur les chemins de brousse pour aller amener sa photo à son grand-père. Un mec comme ça, qui décide du jour au lendemain de prendre son sac et de se faire son road movie en Afrique, ce mec-là méritait bien qu’on s’y attarde un peu et lorsque j’ai imaginé cette série de portraits, son nom s’est imposé, naturellement, en tête de liste. D’ailleurs, je n’ai pas été étonné lorsque j’ai appris que l’Unicef venait de sélectionner deux de ses clichés d’enfants pour la prochaine Photokina. Respect.
Ne vous étonnez pas si je vous dis que Gérald Géronimi bosse beaucoup et que là-bas, dans ce nord qu’il affectionne tant, il est très demandé. Chaque mariage est un défi à son imagination, comme un challenge chaque fois renouvelé. Il tisse et entretient avec les mariés, avec leurs familles un vrai lien et c’est peut-être là que réside l’un de ses secrets. Quand Gérald arrive sur un mariage, il n’est pas ressenti comme un élément étranger. Il est de la famille, il a cette capacité de se fondre, de partager, d’offrir un sourire, une lueur. Et finalement, de créer des images bouleversantes qui lui sont propres et qui portent sa signature. Avant de rencontrer Gérald Géronimi, j’avais beaucoup d’a priori sur la photo de mariage, un peu trop considérée comme un genre mineur. En fait, lorsqu’on a le privilège de partager un shooting avec un type du calibre de Gérald, on réalise à quel point il faut être vivace et foutrement inventif, pour apporter un témoignage authentique sur ce jour unique. C’est alors que la photographie et le photographe s’invitent à la fête et jouent pleinement leur rôle. Ils deviennent le témoin du bonheur, comme un soupçon d’éternité.
• cliché : la mariée était en rouge, par Gérald Géronimi.
• 7 questions à Gérald Géronimi, ses réponses au questionnaire Shots !
• découvrir le book en ligne de Gérald Géronimi et son blog.
David dit
Y a pas à dire, il y a de quoi le haïr 😉
harvey dit
@David bon, si encore il ne se contentait que d’être un regard redoutablement efficace, ça irait encore, mais en plus humainement ce mec est une crème !
Buffalaurent dit
Il a un regard plein de tendresse et d’humanité, le Gérald! Et ses photos du mont st-michel sont terribles aussi.
J’étais étonné, récemment, quand je te voyais parler de photographes autres qu’HCB ou Claude Gassian 😉 Mais maintenant, je comprend tout!
Fais nous découvrir d’autres photographes! (et montre nous des nouvelles photos de concert aussi, maintenant que tu t’amuses de nouveau avec un appareil 😉 )
Patrice dit
Je visite depuis quelque temps ton blog et car j’ai vraiment accroché ta façon d’écrire, je trouve que tu y mets autant de coeur que dans tes photos.
Je passes tes tests impartial ;), tes « coups de gueule », bref : tout ça pour dire que ta façon de parler de Gérald Géromini, m’as mis la larme à l’oeil (oui oui tu sais aussi écrire avec une trés grande sensibilité)
amitiés
harvey dit
@Patrice ça fait du bien de lire ça, à vrai dire. Grâce à Shots, à l’écriture sous forme d’exutoire, j’ai compris beaucoup de choses, j’ai rencontré des gens rares. Des photographes comme Gérald, qui pratique son art avec une humilité simple, une approche humaniste qui me bouleversent. On ne ressort pas le même après avoir parlé avec un gars comme Gérald Géronimi. Et puis j’ai eu le privilège de croiser des gens, des calibres dont le métier est de concevoir nos outils, à nous, les photographes. Là encore, le choc. Que sur leur polo soit brodé le logo Canon ou celui de Nikon n’a plus aucune espèce d’importance. Parfois (les mauvaises langues diront souvent), je suis un peu brut de décoffrage, intransigeant surtout quand je parle d’outils, de reflex, d’optiques… Mais je ne perds pas de vue que ma seule vocation de photographe, c’est de montrer des images, montrer le monde et finalement notre petit privilège c’est de montrer ce que les autres ne voient pas, putain ! Ça, ça me fascine. Géronimi qui montre sa mariée en rouge. Grémillot qui plonge à quarante mètres pour aller chercher le portrait d’une murène. Bertrand qui shoote le nez du Concorde juste après le crash. Kendall qui tape Madonna en live. Gassian et son cliché de Cali et Miossec à Ouessant. Le Grand qui photographie Harrison Ford au Crillon. Et Burrows au Vietnam et Cartier-Bresson à Paris… Et j’en oublie.
Clémence dit
Dans l’interview il dit qu’il faut « penser argentique et vivre numérique », je crois que c’est l’une des phrases les plus censées que j’ai lues sur le sujet depuis très longtemps.