Et de sept ! Septième semaine de confinement. Je ne sais pas comment ça se passe chez vous, mais ici je commence à m’emmerder copieusement. Sur leur étagère, mes sacs photo prennent la poussière. Il faut dire qu’en ce moment je n’ai plus guère l’occasion de sortir faire des photos. Comme beaucoup de photographes, j’en profite pour replonger dans mes archives, faire du rangement, du classement. Reprendre l’editing de clichés anciens avec Capture One Pro 20.
Bref. Comme vous sans doute, je prends mon mal en patience. En faisant du rangement, dans un tiroir de mon studio, je suis tombé sur mes boîtes d’ektas et mes classeurs de négatifs. Dans une armoire, j’ai aperçu mon matériel de développement argentique, mes cuves Jobo, mes fioles de mesure, mes bidons vides. Et dans un coin, des pellicules Kodak TriX, dans l’attente d’être développées. Ici un sachet de révélateur Kodak D76 entamé, un autre encore scellé. Là un sachet de fixateur Kodak, lui aussi entamé. D’un coup d’œil, je réalise que j’ai du révélo, du fixateur, je dois avoir du bain d’arrêt qui traîne quelque part. Ni une ni deux, je me dis que je viens de trouver de quoi occuper mes journées dans les semaines qui viennent.
Développement argentique. Voici les clés.
L’envie de retourner au développement argentique, à cette époque bénie des cristaux d’argent, me reprend subitement. Mais cette fois, je vais appréhender la problématique de l’argentique de manière globale, de la prise de vue à l’impression, en passant par le développement et la chimie et la nécessaire numérisation des films, autant dire que ça va prendre du temps. Ça tombe bien, parce qu’en ce moment, du temps c’est pas ça qui manque ! Vous qui me lisez, soit vous avez déjà mis votre nez dans les cuves argentiques, soit c’est un truc totalement nébuleux auquel vous n’avez jamais osé vous attaquer. Mais ça vous fascine peut-être, sans doute, parce que l’argentique, c’est de la magie. Et c’est beaucoup plus simple qu’il n’y paraît. Suivez le guide.
1- Trouver un appareil photo argentique
Première étape, trouver un appareil photo argentique, dans lequel on met de la pellicule. Il en existe une flopée, dans tous les formats, dans toutes les marques, à tous les prix. Je vous conseille de vous orienter plutôt vers le format 24×36 et de tabler sur une marque connue. Les deux marques de référence que sont Canon et Nikon sont parfaites pour débuter, même s’il existe aussi d’excellents matériels dans des marques comme Olympus, Minolta, Pentax, Praktica, … Pour le budget, on trouve des reflex à partir de… 20€. Pour moins de 100€ vous pouvez trouver un excellent boîtier argentique à visée reflex avec une optique de qualité. Optez pour un objectif standard (un 50mm f/1,8 fera parfaitement l’affaire) et vous voilà prêt à vous lancer dans le grand bain.
Où trouver un appareil d’occasion ? Dans des brocantes, des vides-greniers, sur les groupes spécialisés Facebook, chez des revendeurs photo.
2- Trouver une pellicule noir et blanc
Là aussi, en matière de pellicules argentiques noir et blanc, il y a pléthore ! Un conseil, allez au plus simple et au plus connu. Kodak (TriX, Tmax), Ilford (FP4, HP5), Rollei (RPX 100 ou 400). Pour les tarifs, comptez de 6 à 10€ une pellicule de 36 poses. Selon votre type de prise de vue, optez pour une sensibilité de 100 à 400 iso.
Où trouver de la pellicule photo ? Chez des revendeurs spécialisés comme Labo argentique, MX2, Nation Photo.
3- Cramer de la pelloche
En cette période de confinement, partir en ballade pour faire des photos n’est pas la chose la plus aisée. Il est possible de sortir prendre l’air pour une durée limitée, dans un rayon d’un kilomètre autour de votre domicile, sans oublier votre autorisation dérogatoire. Si vous avez un jardin, vous pouvez aussi vous faire la main sur votre environnement proche. L’intérêt de la photo argentique tient dans le fait qu’elle impose un tempo et une respiration diamétralement opposés à la photo numérique. Le maître mot, le secret est de prendre son temps pour cadrer et composer.
On a l’impression que 36 poses c’est rien. C’est vrai. En numérique, 36 poses c’est insignifiant. En argentique, c’est un début d’éternité. Encore une chose. Lorsque la pellicule est terminée, veillez à conserver l’amorce, ça vous sera utile si vous envisagez de développer vous-même votre pellicule. Les appareils qui rembobinent automatiquement la pellicule disposent d’une fonction permettant de conserver l’amorce.
4- Développer votre pellicule noir et blanc
Vous avez deux options. Première possibilité, vous trouvez un laboratoire qui va développer votre pellicule pour vous, éventuellement la numériser, imprimer des planches contact. C’est simple ponctuellement, mais à terme ça peut s’avérer coûteux. Seconde option, vous choisissez de le faire vous-même. Vous aurez besoin d’une cuve (type Jobo), de produits de développement et d’un peu de patience.
La technique de développement argentique, pour une pellicule noir et blanc n’est pas en soi insurmontable, bien au contraire. Mais elle suit des contraintes, comme celle d’évoluer dans l’obscurité totale. La seule difficulté réside donc dans le fait de savoir charger une pellicule dans la cuve et dans le noir. Une fois que c’est dans la boîte, le processus de développement est assez simple : révélateur, bain d’arrêt, fixateur, lavage, séchage.
Il existe de nombreux ouvrages dédiés à la photographie en noir et blanc. Pour ma part, je vous conseille la lecture de « Noir et blanc, de la prise de vue au tirage » de Philippe Bachelier publié chez Eyrolles. C’est à mon avis LE livre de référence, truffé de conseils des plus judicieux et des plus complets. Pour les produits de développement, allez faire un tour du côté de Labo argentique. C’est une boutique tenue par un passionné et de bon conseil.
5- Numériser vos clichés
Une fois les images fixées sur la pellicule, si on veut les voir restituées sur du papier, plusieurs solutions. Soit on envoie le film en laboratoire, comme chez Nation Photo par exemple, pour faire des agrandissements papier. Soit on numérise les films. On obtient alors une image en haute définition exploitable sur un ordinateur. Cette image peut être optimisée, modifiée, recadrée avec un logiciel d’editing comme Capture One Pro ou Adobe Lightroom, puis imprimée.
La numérisation du film permet à l’argentique de rejoindre le numérique, tout en conservant sa pertinence et son originalité. Pour numériser une pellicule noir et blanc, il faut investir dans un scanner. Des offres abordables sont proposées par des marques comme PlusTek ou Reflecta. Notez deux points importants. D’abord la nécessaire utilisation d’un logiciel d’acquisition comme Silverfast ou Vuescan. Ensuite la relative lenteur du processus (doux euphémisme).
D’autres voies sont possibles. L’utilisation d’un accessoire duplicateur de film en tandem avec l’utilisation d’une optique macro est proposée par Nikon. Sur certains boîtiers de la marque jaune (comme l’excellent D850 ou le D780), il existe un menu duplication qui permet l’acquisition et l’inversion automatiques de films couleurs et noir et blanc. Le duplicateur Nikon ES-2 est alors monté sur Nikkor 60mm f/2,8 macro. Notez que cet accessoire fonctionne également avec un boîtier DX, comme Nikon D500 et Nikkor 40mm f/2,8 macro (équivalent 60mm en FX). L’intérêt de cette solution c’est son extrême souplesse et sa performance. Il est possible de scanner du film ou de la diapo de manière quasi instantanée en haute déf. Je prévois de tester ce système sur mon Nikon D500, je vous en dirai plus très prochainement.
Où trouver le duplicateur négatifs et diapositives Nikon ES-2 ? Il est disponible en stock à la Boutique Photo Nikon.
• En conclusion
Le développement argentique n’est pas très coûteux, surtout quand on le réalise soi-même. Dans l’argentique, tout est fascinant. De la première respiration, lorsque vous logez la pellicule dans votre boîtier, jusqu’au moment où vous découvrez le résultat, une fois votre pellicule développée. Tous les gens qui font de l’argentique vous le diront. Ça n’a rien à voir avec le numérique. C’est pas le même tempo, pas la même partition, pas la même respiration.
Est-ce que l’argentique peut faire de vous un·e meilleur·e photographe ? Sans aucun doute. Est-ce encore un passage obligé pour un photographe, de nos jours ? Peut-être pas. Mais une chose est sûre. L’argentique et tout son processus de développement permettent au photographe d’appréhender l’acte photographique dans sa globalité.
Encore une chose. L’argentique, ça rime avec magique. Quand on découvre pour la première fois une image révélée par la chimie des cristaux d’argent, on est subjugué. Amusé. Fasciné. Allez-y. Vous allez adorer ça !
• cet article n’est pas sponsorisé.
Gil dit
Bonjour,
Merci pour ce super article (comme d’habitude 😉).
Si (quand ?) vous faites l’article sur le Nikon ES-2 (difficile à trouver en ce moment d’ailleurs) pourriez-vous essayer avec le Z6 svp ?
C’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup (surtout la partie logiciel).
Bon confinement