Mardi 17 mars 2020. Je lève le nez au ciel, il fait un temps superbe sur Brest, quoiqu’un peu frais, mais qu’importe, le soleil est là. Ça serait un temps à aller marcher du côté de la pointe de Corsen, vers Lampaul Plouarzel, Nikon Z6 et Nikkor 14-30 sous le bras pour faire des photos, encore. Seulement voilà. Depuis aujourd’hui midi, sur décision du gouvernement, on nous engage à respecter un seul mot d’ordre. Restez chez vous. On va donc suivre ce conseil, pour faire reculer ce sale virus Covid-19 qui nous empoisonne la vie. On va rester à la maison et en profiter pour faire ce qu’on ne fait pas habituellement.
Comme prendre soin de son matos, pour les photographes que vous êtes. C’est le moment de nettoyer vos boîtiers, vos optiques, de passer un coup de soufflette sur les capteurs de vos appareils numériques. Pour les amateurs de sels d’argent, il y a bien une ou deux pelloches qui trainent et que vous n’avez pas développées, un film que vous n’avez pas numérisé. Et pour les autres, il y a la lecture. Un coup d’œil sur ma bibliothèque et je me dis que les livres intéressants, ici, c’est pas ça qui manque…
Joel Meyerowitz, au cœur de la légende.
J’ai sur mon bureau un petit bouquin paru il y a peu aux éditions Eyrolles, dans la collection Masters of Photography, consacré à Joel Meyerowitz. Quand j’ai reçu ce livre, je m’étais dit que j’allais le mettre de côté et que je le lirai aux beaux jours. Mais finalement, il semble que la période soit tout à fait appropriée. Il y a quelques jours, depuis que le confinement s’approchait à grands pas, j’ai commencé la lecture de ce petit bouquin (format 14cm x 20cm) dédié à Meyerowitz, immense photographe et personnage haut en couleur, si j’ose dire.
• Joel Meyerowitz, un 11 septembre.
Le nom de Joel Meyerowitz est intimement lié aux attentats de septembre 2001 contre le World Trade Center de New York. Ce photographe de rue, né à New York dans le quartier du Bronx, fut à l’époque le premier photographe à être accrédité sur le site de Ground zero pour y faire des photos. Naturellement, le travail photographique de Meyerowitz ne se résume pas à la seule évocation de ce drame, mais la puissance de ses clichés sur cet évènement a eu une portée planétaire. Pour ma part, j’ai pour le travail réalisé sur Ground zero par Meyerowitz une admiration sans borne.
Ici on n’est pas dans le registre habituel du street photographer. Sur Ground zero, Meyerowitz était un reporter qui a écrit une page de l’histoire contemporaine. Dans ce livre, d’une habileté et d’une intelligence rares, Joel Meyerowitz distille ses conseils. Dans le chapitre nommé « Trouvez l’histoire », le photographe nous dit : « Laissez vos images raconter quelque chose ». C’est, je le crois, la parfaite illustration du pur talent d’un Joel Meyerowitz, d’un Robert Frank, d’un Cartier-Bresson, d’une Martine Franck, d’une Diane Arbus, d’un Peter Hujar, d’un Elliott Erwitt, d’un Richard Avedon et j’en passe… Leurs clichés racontent une histoire.
• Meyerowitz à cœur ouvert
Le livre de Joel Meyerowitz n’est pas un livre de recettes pour réussir une photo à coup sûr, bien sûr que non. Joel Meyerowitz nous raconte ses petites histoires, nous donne quelques conseils. Chaque mot, chaque phrase est pertinent. Je cite. « N’hésitez pas. En photographie, l’hésitation est une perte et chaque cliché perdu est une blessure. Je le sais. J’en ai perdu quelques-uns et j’ai appris de ces expériences. N’hésitez pas à tout tenter. »
Et le photographe illustre son propos de ses clichés mais aussi de clichés d’autres photographes (HCB, Diane Arbus, …). Ce livre indispensable est plus qu’une master class, c’est un guide, un entretien privé, merveilleusement écrit (et bien traduit, merci Franck Mée). Meyerowitz ne livre pas de recettes, c’est beaucoup mieux que ça. Il livre sa vision, ses sources d’inspiration. En ces temps difficiles, la parole de Meyerowitz met du baume au cœur, donne de l’énergie. De se dire que nous allons vers les beaux jours. Que nous allons vaincre ce virus, tous ensemble. Qu’on aura alors l’envie d’y aller, de prendre possession de la rue, d’être présent, prêt à réagir, de créer des liens. Et finalement, de ne faire qu’un avec son appareil photo.
• voir le site officiel de Meyerowitz
• Acheter le livre Meyerowitz, une vision de la photographie