Ektachrome 100. Je ne pensais pas pouvoir charger à nouveau cette pellicule dans un reflex argentique. Rien que le nom donne des frissons à des pans entiers de générations de photographes. Ici, on ne parle pas de capteur 48mp. On ne se prend pas la tête de savoir si on bosse en plein format ou pas. On parle de diapositives, d’une pureté d’image inégalée. Alors quand on a su, il a exactement 8 ans jour pour jour aujourd’hui, le 4 février 2011, que Kodak lâchait l’affaire, abandonnait la production d’Ektachrome 200, puis dans les mois qui ont suivi la gamme Ekta, plus d’un photographe a sorti la boîte de kleenex. Avec la disparition de cette pellicule de légende, c’est toute une partie de l’histoire de la photographie qui s’effondrait.
Adieu veau, vache, cochon, couvée, verte prairie et couleurs d’une profondeur inouïe. Il faut avoir regardé un Ekta au compte-fil sur une table lumière pour comprendre. Pour savourer. Ekta 100iso, c’était du gros calibre. D’ailleurs, mon premier cliché à avoir mérité un développement et un encadrement, c’était un Ekta. J’étais gamin, l’achat des pellicules était sponsorisé par ma mère. Bref, Ektachrome, pour moi comme pour beaucoup de photographes, c’est beaucoup de nostalgie. Quand j’ai appris que Kodak envisageait la reprise de la commercialisation de sa pellicule mythique, j’ai d’abord cru à une fake news. En septembre de l’année dernière, Kodak annonçait officiellement la prochaine sortie de l’Ekta. Un mois plus tard, au salon de la photo, j’en parlais avec Nation Photo, qui me proposait de tester la nouvelle Ektachrome 100. J’ai ressorti illico Nikon F6 du placard, avec une impatience intacte.
Ektachrome 100. Summum de la couleur.
• Que la lumière soit
J’ai reçu ma pellicule Kodak Ektachrome 100 par la poste, grosse émotion garantie. La boîte orange et bleue, la mention Kodak Professional, la référence E100 « extremely fine grain ». Ainsi que l’origine. Made in U.S.A. Donc oui, cette pellicule est bien fabriquée aux États-Unis, dans l’usine de Kodak basée à Rochester. Le revival de l’argentique, que j’appelais de mes vœux il y a plus de dix ans (et que j’avais prédit, mine de rien), provoquant les rires et les trolls habituels (ça marchera jamais, etc…) a motivé Kodak. On ne répètera jamais assez que l’argentique est la meilleure école de photographie et que celui qui n’a jamais mis les mains dans le révélateur me lance la première pierre. J’ai réglé la sensibilité de mon Nikon F6 sur 100iso, j’ai monté mon Nikkor 50mm f/1,4 et j’ai attendu que le soleil daigne pointer le bout de son nez, ce qui n’était pas gagné, en cette fin d’année. Car Ektachrome 100 n’exprime la plénitude de ses couleurs qu’en se nourrissant de lumière. Rappelons qu’ici on travaille à 100iso, alors un joli ciel bleu avec quelques nuages (mais pas trop) est singulièrement recommandé. Mon Nikon F6 en mains, je me suis baladé dans les rues de Brest, croisant du mythique Hôtel Vauban à la rue de Siam, descendant sur le port par le Cours Dajot. Et quand on compte, trente-six poses, c’est long. Si long qu’à mon retour, je n’avais toujours pas épuisé mon quota. Cinq ou six déclenchements plus tard, Nikon F6 rembobinait Ekta 100.
• Ekta 100 est de retour.
J’ai renvoyé mon Ekta 100 à Nation Photo, dans l’enveloppe pré-payée jointe à la pellicule. Petit détail, il ne s’agit pas d’un courrier suivi, mais renseignement pris auprès de la Poste, il est possible de coller un sticker de suivi. Il vous en coûtera 40 centimes et vous pourrez suivre le cheminement de votre précieuse pellicule. Et puis l’attente. La délicieuse attente pouvait commencer. C’est ce qui, à mon avis, fait partie du charme de l’argentique. Il y a la respiration, au moment de la prise de vue, l’attente pendant la phase de développement. On est bien loin de l’aspect instantané du numérique. L’attente, c’est aussi ce qui rend la prise de vue argentique infiniment magique.
Une dizaine de jours plus tard, je recevais un paquet de Nation Photo, ma pellicule et un CD contenant mes images numérisées en haute définition au format tif. J’allais savoir, enfin. J’ai déroulé la planche de pellicules et je l’ai regardée à la lumière. Aucun doute. Kodak Ektachrome 100 est de retour, avec ses nuances, ses couleurs, son contraste profond. Et l’émotion qui va avec. Finalement, c’est comme si rien n’avait changé. Comme si Kodak avait fait un break, une pause de quelques années. À la différence de Polaroid, qui a dû réinventer des recettes et des procédés, Kodak n’a eu qu’à redémarrer une ligne de production. Et le résultat est là, sous mes yeux. Kodak Ekta est de retour et si vous faites des photos en argentique, vous devez absolument l’essayer. Si vous avez déjà travaillé cette pellicule, vous allez savourer son come back. Si vous n’avez jamais cramé une Ekta 100, vous allez vivre une expérience photographique inoubliable. Et je vous envie beaucoup.
• Le prix du rêve
Cramer de l’Ekta c’est du rêve et le rêve a un prix. La pellicule Kodak Ektachrome 100 est vendue au prix de 14,90€, prix auquel il convient d’ajouter le prix de développement, assuré par Nation Photo, au prix de 12€. En option, vous pouvez demander une numérisation de votre film. Il vous en coûtera 6€ pour une numérisation standard, 12€ pour une numérisation en HD (au format tif). Si vous n’avez pas de scanner, c’est une option très intéressante. Précision importante, les diapositives sont livrées sous forme film et pas montées sur cache comme c’était le cas autrefois*. Vous trouverez facilement sur internet des supports de diapo, ainsi que des pochettes de rangements. Le prix total, pellicule plus développement, est donc de 26,90€. Est-ce que ça les vaut ? Clairement, oui. Plus qu’une pellicule, Kodak Ektachrome est une expérience que tout photographe doit avoir vécu au moins une fois dans sa vie.
*[EDIT] À propos des caches…
Nation Photo me précise que si le client de souhaite, il peut obtenir 36 caches et la boîte de rangement, au prix de 5€. Ou bien les films montés sur cache au prix de 15€.
Nation Photo développe quasiment tous les formats argentiques existants, jusqu’aux plans films 4×5 et 8×10. Il faut compter en moyenne 48 heures de délai pour le développement d’un film à compter de sa réception au laboratoire. Comptez également 48 heures supplémentaires pour le contrôle qualité, une étape qui vous évite les mauvaises surprises. En clair, tablez sur une semaine à dix jours de délai entre le moment où vous postez votre pellicule et le moment (magique) où elle vous revient. La qualité du travail de Nation Photo est au rendez-vous. Encore une précision, qui intéressera particulièrement les afficionados de pellicule noir et blanc. Il est possible de demander le développement d’une planche contact de votre film noir et blanc. Cette planche, au format 24×30 est réalisée à l’agrandisseur et coûte 6€.
• merci à l’ensemble des équipier·e·s de Nation Photo pour le soutien qu’ils m’ont apporté pendant ce test (merci Maximilien, le premier Breizh Cola est pour toi).
• une pensée pour les allumé·e·s du collectif Dans ta cuve qui défendent la photographie argentique avec passion.
• Précision inutile, mais ça va mieux en le disant. Cet article n’est pas sponsorisé par Nation Photo.
Alex dit
Merci pour cet article.
Étant fidèle client de Nation photo, j’apporte une précision : En achetant un stock de crédits utilisables pour n’importe quel type de travaux et valables pendant 2 ans, on peut faire descendre le prix d’un développement standard à 3 euros au lieu de 12 (valable également pour une numérisation HD). Ça devient vite plus intéressant 🙂
gilles le guen dit
eh ben! interessant.
Hervé LE GALL dit
Merci Alex pour cette info effectivement super intéressante en terme de tarif !
et merci Gilles Le Guen d’être passé sur SHOTS 😉 Je sais que l’Ektachrome ça te parle !
Carine dit
Super article! Pas de nostalgie de mon côté (trop jeune pour avoir connu l’ancienne version) mais quand même une immense satisfaction de l’avoir essayée avec un Canon EOS 10 et un 1V. Quelle qualité! Nation Photo fait effectivement du bon boulot et avec abonnement effectivement, cela devient abordable! Je les salue au passage. Mes photos (amateur) à Dinan, Cancale et au Mont st Michel ici : https://analogyou.wordpress.com/2019/02/08/lektachrome-100-est-de-retour/