Paris. Jeudi 21 septembre 2017. Nikon France a choisi un loft immense situé au septième étage d’un immeuble parisien pour réunir son staff, ses revendeurs, ses photographes, ses partenaires. Ce soir, on fête le centenaire de la marque et pour cela, la marque jaune suit un fil rouge, si j’ose dire. L’espace temps qui a séparé le moment de la naissance de Nippon Kōgaku au Japon, en 1917, jusqu’à ce jour et même au-delà. Pour symboliser le temps qui passe, des mannequins déambulent dans cet espace immense et un peu vide en ce début de soirée, conférant à l’endroit un côté un peu surréaliste. Une jolie blonde, très années soixante dans sa robe bouffante rose bonbon semble tout droit sortie d’un épisode de Mad men. Déjà, les convives se pressent autour des buffets qui connaissent plus d’affluence et d’attention que les discours des officiels. Le staff se succède au micro, entre deux mix du DJ. Ici et là, on peut admirer quelques pièces de musée. J’embarquerais volontiers ce Nikon F3 équipé d’un caillou mythique, le fameux fisheye Nikkor 6mm ouvrant à 2,8. Eh oui ! Pour arriver à obtenir f/2,8 sur une focale de 6mm – sachant que N est égal à la focale divisée par le diamètre – on réalise bien la taille monstrueuse de la lentille. Cent ans. Une histoire dont je n’aurai pour ma part vécu qu’une infime partie…
Nikon, chapitre 1 (1917-2017)
• Nikon D3s, ma rencontre avec un ours, au clair de lune
Je ne suis venu à Nikon que sur le tard, à la faveur d’une rencontre un peu fortuite. Finalement, c’est la photographie, cette histoire de rencontre, n’est-ce pas ? Une brève complicité entre la prévoyance et le hasard, comme la définissait John Stuart Mill. Pour moi, c’était à l’aube des années 2010, je cherchais de la lumière que j’avais fini par trouver dans un cliché de Vincent Munier. J’avais été fasciné par un reflet capté par le Nikon D3s du photographe animalier sur la truffe d’un ours, au clair de lune. Comment était-ce possible ? Comment pouvait-on concilier une basse lumière avec la capacité de faire le point dans ces conditions, tout en poussant la molette des iso vers le très haut ? La première fois que j’ai tenu Nikon D3s entre mes mains, j’ai immédiatement su que ce reflex était fait pour moi. D3s n’était pas que le nouveau reflex de l’année, il était bien plus que cela. Ce flagship était l’aboutissement d’un long cheminement initié dix ans auparavant, avec D1, la toute première génération de reflex numériques estampillée Nikon.Un capteur DX de 2,7mp, un mode rafale de 4,5fps et un design reprenant les codes du célèbre F5. Quand on observe un D5, aujourd’hui, on réalise bien la filiation. Des choses ont changé, bien sûr, mais l’esprit de famille est toujours là. Nikon D3s était l’incarnation d’un certain sens de la perfection, à mes yeux. D’ailleurs, j’ai longuement hésité à céder aux sirènes qui m’invitaient à passer à D4s…
• Un hybride Nikon au format DX ?
Depuis ma première rencontre avec Nikon et D3s, j’ai à peu près tout testé en matière de reflex de la marque jaune, autant en optiques et même en hybrides. Tiens d’ailleurs, en parlant d’hybride, il est évident qu’au moment où j’écris ces lignes des ingénieurs de la firme travaillent au premier appareil hybride portant la marque Nikon. Inutile de dire que je n’ai aucune information sur le sujet mais je suis convaincu que Nikon ne va pas rester longtemps les bras ballants sur le sujet et qu’on va voir débouler un hybride Nikon au format DX. Est-ce que ce projet m’émoustille ? Honnêtement, non. Est-ce que l’hybride ouvre des perspectives nouvelles ? Objectivement, oui. Ne serait-ce que par la suppression de la visée reflex, donc du miroir et de ses contraintes. Est-ce que j’aurai un jour un hybride Nikon ? La question ne se pose même pas. En attendant, aujourd’hui, pour faire des photos, de la vidéo, travailler longtemps, loin, dans toutes les conditions climatiques, avec une offre optique digne de ce nom, le meilleur choix demeure le reflex. Et un reflex Nikon.
• D850, l’incarnation de la polyvalence
La vedette de la soirée #Nikon100ans était naturellement D850. Sur la terrasse, face à la tour Eiffel, plusieurs exemplaires étaient en démo. Je n’y ai pas touché, d’ailleurs quel intérêt ? C’est un reflex Nikon, avec un viseur de qualité, ça va, j’ai déjà donné. Pour tester du matériel Nikon, j’ai des exigences de durée qui ne sont pas compatibles avec un coup d’un soir, vite fait sur une terrasse. J’ai donc observé avec autant de détachement que d’amusement les visiteurs passant un œil furtif à travers le viseur, un verre à la main. Pour le moment, il me semble qu’aucun logiciel* ne traite les NEF crachés par D850. N’empêche. Ce reflex fait un carton, rien d’étonnant à cela. Nikon D850 est à la croisée des chemins et il sait tout faire. De la photo en haute définition, un capteur qui adapte sa taille grâce aux sous-définitions ET aux différents modes de crop, capable de shooter en mode rafale à haute vitesse tout en poussant convenablement le molette des iso. Et je ne parle même pas de la vidéo. En fait D850 est l’incarnation même de la polyvalence. Et c’est tout ? Non. C’est un reflex pro affiché à 3799€, soit un peu plus de 3000€ HT. Le prix, aujourd’hui, compte tenu de la crise que traverse le métier de photographe, est un paramètre prépondérant. Alors un reflex pro, capable de tout faire, d’affronter tous les cas de figure, de s’adapter aux caprices du cahier des charges (mariage, sport, animalier, reportage, live shots, mode, studio, etc…), ça intéresse du monde. Pour preuve, en ce moment, Nikon D850 est en rupture de stock.
(*EDIT : Adobe Lightroom n’interprète pas pour le moment les NEF de Nikon D850. En revanche Capture One Pro 10 interprète bien les fichiers NEF de D850)
• Le must des reflex numériques est un Nikon
Cent ans. À l’échelle du temps, c’est pas grand chose, c’est même insignifiant. Une période durant laquelle la firme japonaise n’a pas été épargnée par les coups durs (on se souvient du séisme de 2011). Qu’est-ce qui fait avancer Nikon, quel est son moteur ? Peut-être la relation affective qu’elle a tissée entre les membres de l’entreprise et leurs clients photographes, comme le soulignait Benoit de Dieuleveut, le boss de Nikon France dans son discours d’ouverture ? Pour moi, ça ne fait pas l’ombre d’un doute. Nikon, c’est d’abord des gens, pointus, compétents, professionnels. Une capacité à écouter, à soutenir, à supporter. Et puis, disons-le. Nikon c’est une gamme de produits premium en matière d’optiques et particulièrement de reflex. Je crois pouvoir dire, objectivement, que le must des appareils photos numériques reflex porte aujourd’hui la marque Nikon. Ce n’est pas faire offense à d’autres marques, mais force est de constater que sur des sujets pointus comme la vélocité, la précision de l’autofocus, la montée en iso, la polyvalence, la convergence photo vidéo, Nikon est (loin) devant.
• En attendant le mirrorless
Quand j’ai quitté la soirée, c’est la réflexion que je me faisais. Qu’est-ce qui nous attend dans le siècle à venir ? Est-ce qu’un jour la visée reflex disparaîtra ? Cette question ne se pose même pas. Un jour, c’est sûr, on aura un mirrorless estampillé Nikon. Est-ce qu’il sera fullframe ? Sans doute pas au début, mais un hybride au format DX, dans un premier temps, ça pourrait être sympa. Nikon a déjà approché le sujet avec sa gamme Nikon 1 et son capteur rikiki de un pouce. Rikiki mais capable de prodiges, notamment avec la capacité d’adapter des cailloux à monture F et un coeff de 2,7 (on ne s’en lasse pas). Un mirrorless DX qui accepterait la monture F, soit en natif, soit via un adaptateur, capable de balancer du shoot à un débit stratos-féérique tout en conservant les qualités qui ont fait l’image de marque de Nikon, ça laisse rêveur hein ?
La porte de l’ascenseur s’est ouverte, me sortant subitement de ma rêverie. Mon regard a croisé celui du du gars qui montait au septième étage et mes collimateurs se sont rallumés. J’ai regardé le gars et je lui ai dit « Je t’ai shooté cet été sur la scène Kerouac, aux Vieilles Charrues. C’était un putain de concert ! » Marco Prince (FFF) a éclaté de rire et m’a dit tout le plaisir que le groupe avait eu sur ce festival. Drôle d’endroit pour une rencontre. J’ai repensé à l’été qui s’achève, aux concerts, au soutien du NPS (Nikon Pro Services) pour les photographes équipés en Nikon. La boucle était bouclée. Un nouveau siècle d’aventures photographiques m’attendait déjà au coin de la rue.
• illustration : Marco Prince (FFF) shooté aux Vieilles Charrues avec Nikon D500 et Nikkor 70-200mm f/2.8 VRII (crédit photo Hervé LE GALL cinquiemenuit.com)
• Un joyeux anniversaire à Nikon France, une mention spéciale à Nikon Pro Services. Comme toujours, je précise que cet article n’est pas sponsorisé mais si Nikon veut m’offrir son prochain mirrorless, c’est pas de refus…
ycbcy dit
Capture One Pro 10 a été le premier à faire la mise à jour pour pouvoir traiter les fichier raw du D850.
Hervé LE GALL dit
@ ycbcy merci pour cette info que j’ignorais, étant encore sur la v9 de l’excellent Capture One Pro !
ycbcy dit
Y’a pas de quoi.
Et en effet ce ne sont pas des « petits » fichiers d’un capteur de 45M de pixels qui lui font peur 😛
De quoi me convaincre en tous cas de délaisser de plus en plus Lightroom.
Pierre dit
» la relation affective qu’elle a tissée entre les membres de l’entreprise et leurs clients photographes »
« Une capacité à écouter, à soutenir, à supporter.. »
Mouais là j’ai comme un doute… Avec les photographes pro peut-être, avec nous autres pauvres z-amateurs pas vraiment je trouve.
Et pourtant j’aime Nikon, j’ai même commencé la photo avec un FM2. Et puis il y en a eu quelques autres D300, D700, D800, D750 pour finir.. Et maintenant plus rien.. Marre de me balader avec un lourd et gros boîtier visible a 1 km…
Et non je veux pas d’un D5xxx ou d’un D3xxxavec son viseur en trou de serrure et son zoom 18-55!! Parce que Nikon et les focales fixes en DX, il y a pas beaucoup le choix hein..
Alors maintenant j’ai un Fuji X-pro2 et 3 focales fixes (viseur électronique ou optique au choix!!) et c’est parfait pour moi. Pas trop lourd, pas trop gros, silencieux, peut-être pas adapté à la photo de sport mais pour le reste c’est sacrement bon!!
Je critique un peu Nikon ici, mais au fond je suis surtout triste: ce X-pro2 c’est Nikon qui aurait du le sortir ..
Hervé LE GALL dit
Lourd un D750 ? En ce moment je bosse avec un D500 j’ai l’impression d’être en vacances. Bon, sinon on va pas remettre le couvert sur Fuji. Si des photographes ont trouvé chaussure à leur pied avec la gamme XPro je suis content pour eux. Si un reflex c’est trop lourd, il existe depuis un bail d’excellentes alternatives au reflex, comme chez Leica par exemple (…).
Plus sérieusement, pour le prix d’un EOS 1Dx Mark II on a un XPro2 et 2 ou 3 optiques, je comprends que des photographes aient fait ce choix là. Après il faut prendre pas mal d’autres paramètres en considération, chacun voit midi à sa porte.
Je pense que le segment mirrorless va se développer, que Nikon et Canon sont en train de bosser sur des projets, ça fait des années qu’on en entend parler. Il semble que les choses soient en train de se préciser chez Nikon, on verra bien.
En attendant, je n’échangerai pas la visée reflex de mon D4s et encore moins le parc d’optiques Nikkor, pour ne citer que ces deux paramètres essentiels.
Pierre dit
Lourd?? Oui je le trouve lourd, et gros et bruyant.. ça m’intéresse plus de me trimbaler avec.. M’enfin les goûts et les couleurs…
On n’est pas tous pareils quoi 🙂
Et surtout je ne critique pas ceux qui utilisent des DSLRs Nikon ou autres, je ne fais qu’exprimer mon choix personnel ici!!
Sinon oui Leica, j’aurais franchi le pas il y a longtemps si j’avais pu.
Et j’ai toujours plaisir à lire ton blog de temps en temps! Merci pour ça!
Jean-Luc Michel dit
Bonjour,
Cela fait un moment que je vous lis. J’ai d’ailleurs craqué pour un D3S il y a quelques années suite à vos articles. Merci !!
Les produits Nikon restent excellents, chaque nouveau modèle apporte de vraies améliorations, etc., etc. Je suis OK là dessus.
Mais je le suis moins vis-à-vis du SAV : Mon D3S a reçu des embruns lors d’un reportage sur une arrivée du Vendée Globe. Envoi chez Nikon (pro ou non, je n’ai pas vérifié). Je ne vis pas de la photo même si j’édite des livres interactifs.
Retour incroyable : boîtier oxydé de l’intérieur et mort. Proposition d’achat d’un D5 à plus de 7200 € (vous avez bien lu).
Courrier à la direction générale :aucune réponse…
Alors, dire qu’ils sont géniaux, non merci, ça ne passe pas.
Je pense qu’ils deviennent une marque de luxe et laissent tomber les pros (ou semi pros dans mon genre). Ceci leur copureta cher un jour, c’est très dommage pour une belle société.
PS. J’ai acheté un D4 d’occasion pour remplacer mon D3S.