Complet. Sold out. Klok. Plus un seul ticket à vendre pour cette vingt-sixième édition du festival les Vieilles Charrues qui se jouera, selon l’expression consacrée, à guichets fermés. Naturellement, j’ai une pensée pour la team programmation des Charrues, Mademoiselle Jeanne (Rucet) et M’sieur Toux (Jean-Jacques). Ces deux-là font une sacré paire d’as en réussissant chaque année à nous pondre une programmation équilibrée, diversifiée, qui va attirer tout le monde et faire que je vais pouvoir commencer mon édito d’avant Charrues par ce simple mot. Complet. Pour un programmateur, ce simple mot est la récompense suprême. C’est une fin en soi, c’est le but, le sommet, le satori, le triple bonus, la partie gratuite. Le same player shoot again. C’est l’objectif ultime. Aborder le festival en sachant qu’au guichet on n’aura plus un seul billet à vendre, c’est quand même une certaine idée du bonheur. La programmation qui fait venir les gens c’est une chose. Mais ça ne fait pas tout. Comme le soulignait le Francis (Cabrel), lorsqu’il était venu au festival les Vieilles Charrues, la réussite de ce festival passe aussi par les gens.
Festival Les Vieilles Charrues. Ensemble.
• Carhaix, centre du monde
C’était bien vu, cette analyse du petit gars d’Astafort. Du bon sens paysan, dans le sens le plus noble du terme. Le festival les Vieilles Charrues, c’est un festival fait par des gens pour les gens. Je ne sais pas si vous vous rendez bien compte, mais environ 6000 personnes, toutes bénévoles, donnent leur temps et leur énergie pour ce festival, leur festival. C’est toute une région qui se mobilise, le cœur de la Bretagne qui sollicite des forces. Et ça répond, de Brest à Rennes, de Lorient à Saint Brieuc, la Bretagne fait son festival à Carhaix. Alors ils viennent de partout les bénévoles, pour donner un coup de main, pendant une journée ou plus. Les bénévoles, on les appelle des laboureurs. Ils viennent et se retrouvent chaque année, le temps du festival, pour faire de Carhaix le centre du monde. Une belle histoire qui dure depuis vingt-cinq ans. Et il y a le public.
• Un point de repère dans l’année
Ah ! Le public des Vieilles Charrues. Tous ces gens qui viennent aux Charrues, qui achètent leur pass 4 jours à Noël sans même connaître la programmation. Comme une promesse, un rituel. Un point de repère dans l’année. C’est là où le festival les Vieilles Charrues atteint le point de l’inexplicable, devient un phénomène. Les gens se retrouvent aux Vieilles Charrues parce que ce festival est devenu, au fil du temps, l’endroit où tu retrouves tes potes, ta famille. C’est le passage obligé d’une année, au cœur de l’été. Un grand moment annonciateur de plaisir, ce moment de l’année où on va être bien, enfin. Ce moment, ce break, on se dit qu’on l’a bien mérité. C’est cette perspective heureuse qui fait que le public du festival les Vieilles Charrues envahit chaque année la plaine de Kerampuilh.
• Le chant des déclencheurs
Moi aussi je vais retrouver ma famille, les photographes. Les éclats de rire de Mathieu Ezan et de Pierre Hennequin dans la fosse Kerouac m’ont aidé à passer l’hiver. Quand j’avais un coup de blues, je voyais les photographes dans le pit, j’entendais le chant des déclencheurs au début du concert, trois premiers titres sans flash sous le soleil du centre Bretagne. Je me souvenais de Jean-Luc Martin et de Jérôme Tréhorel, de leurs yeux qui brillaient. De la ruche du point presse, menée tambour battant par Claire Malard. D’une minute de silence sur la plaine, qui m’avait semblé une éternité. D’une Marseillaise a capella entonnée par le public, de milliers de bras levés et de regards embués. Voilà. Si vous entendez la musique, vous êtes prêt à venir aux Charrues, mais pas cette année. Parce que cette année, c’est complet. Complet. Sold out. Klok.
• Les concerts inratables
Mais je m’égare (de Carhaix) et j’en oublie le postulat de cet article, vous dire ce qu’il ne faudra pas rater cette année au festival les Vieilles Charrues, selon moi. Le jeudi, j’irai voir Deluxe, scène Glenmor et je ne raterai pas L’anomalie de M. J’ai pour Mathieu Chédid une grande tendresse et ça sera l’occasion d’avoir une pensée pour mon ami malien Mory Touré, journaliste et photographe à Radio Africa, qui malheureusement ne sera pas avec nous cette année. J’irai voir Totorro sur la scène Gwernig (salut Tangui !), une scène qui réserve très souvent de délicieuses surprises et parce que c’est un concert recommandé par mon ami Mathieu Ezan. Impossible de zapper Manu Chao, scène glenmor. Idem pour PNL, le phénomène frenchie du moment, le groupe qui a failli faire Coachella et Justice, juste pour le visuel.
Le lendemain, vendredi, je serai à Kerouac pour le Celtic Social Club et là, je peux déjà vous prédire une ambiance à décorner les bœufs ! Scène Grall, j’irai voir Sônge, cette artiste m’a littéralement bluffé. Je resterai dans les parages pour assister au concert de Bachar Mar Kalifé, vu au Quartz scène nationale de Brest durant Atlantique Jazz Festival. Unique et intense. Il y aura du monde à Glenmor pour voir Renaud. Il pourrait bien lire le Bottin sur scène que j’irai quand même le voir, à défaut de l’entendre. Renaud, tatataaa ! Un détour par Grall et Super Parquet, dont j’ai entendu beaucoup de bien et il sera temps de rejoindre Glenmor pour une remise de couvert de Phœnix, avec un Pierre Hennequin extatique. On m’a aussi beaucoup parlé de Pixvae, scène Gwernig, un mix de jazz world qui ne sera pas pour me déplaire. J’ai aussi noté Die Antwoord à Glenmor mais je ne suis pas sûr de tenir jusque là.
On sera déjà samedi, à mi-parcours. Je ne peux pas rater Vianney, suivi de Camille, car, à l’instar de Marcel Patoulatchi (brigadier chef et agent de la paix avant tout) je suis photographe avant tout. Je pourrai toujours avaler un Breizh Cola et me réveiller avec les fadas de Naïve New Beaters à Kerouac ou Royal Blood à Glenmor. On arrivera à l’instant M de ce samedi, avec la prestation de l’inénarrable combo canadien Arcade Fire et une pensée pour mon ami Jean « cœur avec les doigts » Coisnon, grand adepte de ce groupe aussi lénifiant que culte. Un peu plus tard, sur la même scène, Monsieur Jean-Michel Jarre viendra délivrer un de ses shows visuels hallucinants dont il a le secret. Et on sera prêt à affronter le dimanche.
• Mets la ouache Scholl !
Dimanche. J’espère arriver assez tôt pour Moger Orchestra à Gwernig. En revanche, je vous garantis que je serai réveillé pour LE concert de cette édition 2017 des Vieilles Charrues, Matmatah. Les brestois vont foutre une ouache de tous les les saints, garanti sur facture. Leur nouvel album est une merveille et les anciens titres vont réveiller la plaine. Je veux être là pour photographier le public sur « L’apologie » ou « Lambé an dro ». Matmatah aux Charrues ? On les avait quittés en 2008, ils reviennent et ça va être énorme ! Seul hic, dans le même espace temps, en face, à Grall, il y aura Radio Elvis, l’autre choc visuel et sonore de cette année 2017. À la Carène de Brest, leur set avait été splendide. Il va falloir jongler pour voir les deux, mais c’est jouable. Idem pour Paolo Conte et dans un registre radicalement différent Poni Hoax et son très charismatique chanteur, auteur-compositeur Nicolas Ker. J’ai vu le groupe au Run ar Puñs et je n’en suis toujours pas revenu.
Bon voilà, on y sera. On jettera les ultimes forces qui nous restent pour le set déglingué de Macklemore et Ryan Lewis et avant d’aller cramer nos lits on s’enverra une dernière gorgée de bière sur le rock poisseux et huileux de Midnight oil. On n’oubliera pas de lever le nez au ciel, de remercier les étoiles et on aura une pensée pour Jean-Philippe Quignon qui est toujours à nos côtés.
On ira boire un coup au bar prod, si on nous laisse entrer. On sera vidés, essorés, éreintés. On aura fait chauffer nos reflex Nikon jusqu’au bout de la nuit, rempli nos cartes XQD ras la couenne que déjà le temps sera venu de se quitter. Ça aura passé vite, trop vite comme toujours. On claquera deux ou trois bises et on aura les yeux qui brillent. On essaiera de se convaincre, sans vraiment y croire, que le temps passera vite. Un an, c’est rien dans une vie. N’empêche, on sait que ce sera long. C’est pour ça qu’on se promet de savourer les instants qui s’annoncent. La fête, la musique, les gens, les potes. La vie en somme. Et comme diraient mes potes brestois de Kanabeach. All different but all together. C’est exactement ça, les Vieilles Charrues. On est tous différents et on est tous ensemble. Ensemble.