« La pellicule photo ? L’argentique ? C’est fini. Dans dix ans, plus personne ne produira de pellicule photo. » La scène se passe il y a pas loin de dix ans, au salon de la photo. En face de moi, des experts, des cadors dans le secteur de la photographie. Ils ont sûrement raison, puisqu’ils le disent. Moi, je leur tiens tête. Je leur dis que l’argentique n’est pas mort. Que je crois au contraire à un revival de l’argentique. Que les nouvelles générations vont vouloir essayer, découvrir les techniques premières, les fondamentaux et que pour ça, ils vont résolument se tourner vers l’argentique. Non, on me répond que ça ne sera qu’un épiphénomène, rien de solide, rien de durable. Que le mouvement est irréversible, définitif.
Je fais partie de ces photographes qui ont travaillé en argentique, je connais le pouvoir d’attraction des cristaux d’argent. Je me dis que ça ne peut pas disparaître, que ça ne doit pas disparaître. Mieux encore, que pour apprendre la photographie, pour appréhender les concepts de base de cet art, il n’y a rien de mieux qu’un appareil entièrement mécanique, dépourvu de tout automatisme. Un environnement où il faut comprendre ce qu’on fait, sans grand espoir de pouvoir rattraper le coup en cas d’erreur. Est-ce bien raisonnable de croire encore qu’on peut faire des photos avec de la pellicule, de nos jours ? La question ne se pose pas.
Pellicule photo. Pourquoi il faut y croire.
• De la pelloche dans le bas du frigo
J’ai toujours de la pellicule photo dans le bas de mon frigo. Toujours. Je crois d’ailleurs que le jour où on ne trouvera plus de pellicules dans mon frigo, c’est que j’aurai arrêté la photographie, définitivement, ou que j’aurai cassé ma pipe, voire les deux. Toujours avoir des pellicules sur soi, au cas où. Pour le photographe, ça sonne comme une évidence. Quand j’entends les mots pellicule photo, l’image de Larry Burrows me revient, assis sur le lit de sa chambre d’hôtel, au Cambodge dans les années soixante. Le photographe de Life est entouré d’une myriade de boîtes et de pellicules, qui sont en attente de retour vers Londres ou New York, pour dévoiler les images du photographe anglais au monde entier.
Toujours avoir des pellicules prêtes à servir, c’est un postulat qui est encore valable aujourd’hui. Pour moi c’était Kodak TriX 400 (ou Fuji Superia 1600 en couleur) mais pour d’autres, comme mon ami Raphaël Martinez – l’autre photographe du Vauban – c’était Ilford Delta 3200 Pro sinon rien. Un boîtier mécanique, une pellicule, un peu de lumière, une cellule pour trouver le couple ouverture vitesse et en avant ! Pas besoin d’électricité, de batterie, la seule énergie à allumer c’est votre regard. La photographie dans ce qu’elle a de plus pur, de plus vrai.
• De l’argentique au vinyle
Alors ? C’en est fini de l’argentique, au même titre que le disque vinyle ? Quel amusant parallèle, quand même ! Rendez-vous compte. Qui aurait pu croire qu’un jour les ventes de disques vinyles parviendraient à concurrencer et même à dépasser le téléchargement ? On n’en n’arrivera jamais là sur le secteur de la photographie, certes, mais certains signes sont néanmoins encourageants ! Par exemple, la photographie instantanée n’a jamais eu autant d’adeptes. Certes on doit reconnaître que le retour en grâce s’est fait par la volonté de quelques happy fews attirés par la magie de la photo qui se développe toute seule.
Magie. Le mot est lâché. Dans un monde binaire où la photo s’est complètement dématérialisée – qui fait encore aujourd’hui imprimer ses photos ? – voire immédiatement une photo apparaître de manière instantanée, sous nos yeux, ça tient de la sorcellerie ! C’est sur ce segment magique que des doux dingues de Lomography se sont engouffrés. On les prenait pour des fadas, ils y ont cru, on voit aujourd’hui le résultat. Une société qui se porte bien, des produits inventifs créés par des gens enthousiastes.
• Kodak is back !
Et puis il y a eu l’info qui a fait l’effet d’une bombe, au récent Consumer Electronics Show. Kodak qui annonce la renaissance de sa pellicule couleur Ektachrome, rien de moins. Une pellicule mythique, un monstre sacré. Tous les photographes qui ont un jour cramé de la pellicule Ektachrome ont tous été ébahis du résultat. Vous qui me lisez, si vous avez envie de vivre une expérience photographique hors normes, précipitez-vous chez votre revendeur photo dès que cette pellicule sera disponible, sans doute à la fin de cette année. Voir une firme comme Kodak relancer la production d’un film argentique, on se dit que ce n’est pas un caprice. C’est une réponse à la tendance du marché et la tendance nous dit que l’argentique a le vent en poupe.
Il y a quelques jours, j’apprenais la naissance d’un nouveau film noir et et blanc créé par la société Bergger, la Panchro 400. Une pellicule photo d’une résolution élevée, d’un grain fin pour produire une image de très haute qualité. Voilà une promesse qui ne va pas manquer d’attirer de nombreux photographes, toujours en quête d’expériences nouvelles. Car finalement, c’est bien ça qui caractérise la photographie. C’est un art, certes, c’est aussi une expérience, une équation à plusieurs inconnues. Vite ! Trouvez-vous un compagnon mécanique. Il y a sûrement quelque part dans un placard un appareil photo qui dort et qui n’attend qu’une chose. Revoir la lumière, partir à l’aventure, vivre l’expérience, avec vous. Encore.
• lire aussi l’article sur Kodak Ektachrome
• voir la Bergger Pancro400 en pré-commande sur la boutique Labo Argentique
• voir le site Dans ta cuve un site de référence en photographie argentique
Fiofio dit
Le numérique c’est la belle tomate OGM bien ronde, bien rouge et bien calibrée de Monsanto.
L’argentique c’est la tomate sauvage du Jardin, sans engrais ni pesticide, rouge/vert et difforme.
La quelle préférez-vous manger ?
Jean-LuK dit
J’ai un EOS3 et un Pentax 6×7 à vendre ! 😉
J’ai même un agrandisseur et des cuves… j’ai longtemps cru que cela me serait utile.
Mais c’est fini, je n’y crois lus, même si cela peut faire plaisir à certains clients. C’est moins bon, inutilement coûteux, et ça pollue un max !
J’aimais beaucoup trier mes dias, des Velvia essentiellement, 36 vues en un coup d’œil et de loupe, c’est vraiment la seule chose que je regrette.
Marcel dit
@fiofio je penses que tu n’as jamais vraiment bossé en argentique pour qualifier ce matos de tomate sauvage et difforme ! Un Leica M6 ou un bon gros Blad MF c’est parfaitement calibré et ça ne laisse rien au hasard, entre les mains d’un utilisateur qui sait de quoi il parle !
Perso, je n’ai pas de préférence. Aujourd’hui je travaille plus en numérique qu’en argentique mais j’ai toujours mes reflex argentiques et mes optiques aussi. Je fais partie des gens qui attendent le retour de la Kodak Ektra…
harvey dit
@Jean-LuK ah ! EOS 3, un reflex mythique, j’en ai eu un que j’ai revendu quand je suis passé au numérique, en 2004. De l’aveu même d’experts Canon, on n’a jamais fait un reflex équivalent en numérique. L’AF piloté par l’iris, c’était assez monstrueux mais ça n’a jamais pu être appliqué en mode numérique, ça viendra peut-être un jour, qui sait ?
Tes boîtiers ont encore une valeur marchande, en revanche l’agrandisseur, les cuves, c’est des trucs à garder, c’est intemporel…
LAURENT dit
vive l’argentique, on attend le développement du film, le photographe a le temps de se posé, l’image peut naitre enfin. et au tirage il peut avoir un petit incident, un hasard qui fait que la photographie soit meilleur.
Le numérique de suite et l’ordinateur controle.; PAS de respiration.
content du retour de kodak.
Je fais des deux pratique. Mais je préfére de beaucoup l’argentique. je possède un moyen format.
Ghiazza denis dit
Un bon vieux film 135/120/4×5 + un scanner Epson et revoilà le plaisir de l’argentik et la magie qui va avec au goût du jour avec des rendus incomparables. Le film c’est le retour de la photographie artisanale face à l’industrialisation et la normalisation du numérique, là est toute sa force, c’est son identité. Quand j’apprends que bergger, kodak reviennent sur le marché avec leur produit phare je ne peux que me réjouir, même si le volume de production ne sera plus le même, ils ouvrent une porte, celle de la créativité face à la norme actuelle. À quand le retour de l’agfapan 20 …..
Loïc dit
Je travaille toujours en argentique, une manière de « slow-photographie » comme il peut y avoir le « slow-food » en réaction au fast-food…
D’autres arguments pour l’argentique comme média artistique ici :
http://bozat.fr/argentique/index.html
Boileau dit
Je fais du numérique, bien sûr comme tout le monde, mais ce que j’aime par dessus tout, c’est faire de l.argentique et en ce moment avec un Hasselblad, oui je prends du temps pour faire un cliché, mon épouse qui fait des photos également ( numérique) doit se dire: « il lui en faut du temps » mais quel bonheur de regarder dans un viseur de poitrine ou autre, de cadrer, de penser ce que sera le cliché, de toucher ces appareils et de vibrer avec eux, et puis, il y a le temps d’attente du développement du film et la découverte à la sortie de la cuve, c’est magique.
Et l.orsque je vois que des nouvelles fabrications de films arrivent, je me réjoui.
J’ai lu que l’argentique polluait, mais que dire de tous ces appareils numériques avec leurs composants et les cartouches d’encres des imprimantes.
Je pense que les deux systèmes ont leurs avantages et inconvénients .