Au moment où j’écris ces lignes, le premier tirage de The indie way of life, le très beau bouquin consacré à la route du rock aux éditions de Juillet, est presque épuisé. Vous qui me lisez, si je peux vous donner un bon conseil, c’est de courir au plus vite dans une bonne librairie pour acheter ce livre. C’est une somme de travail assez considérable que l’on doit à Philippe Richard, journaliste à Ouest-France et passionné de musiques, sans doute. Car il n’est pas possible d’évoquer la route du rock sans y mettre une bonne dose de passion, d’exaltation, un petit grain de folie voire d’inconscience, mais jamais d’inconsistance, car s’il est bien une constante à la route du rock, c’est la quête éternelle de l’affiche parfaite. La route du rock, ça ne ressemble à rien. Je veux dire par là que ce festival est un index unique. Il se déroule chaque été, aux alentours du 15 août, à Saint Malo, cité corsaire et pirate dont le festival détourne d’ailleurs son identité jusque dans son logo. Comment parler de la route du rock, que j’ai fréquentée en temps que photographe pendant quatre éditions (de 2005 à 2008), sans tomber dans la nostalgie ? Pas facile. D’autant qu’en feuilletant les pages du beau bouquin publié par les éditions de Juillet, petite maison d’édition bretonne tenue (aussi) par des passionnés, on voyage dans le temps, on croise des têtes connues avec qui on a fait un bout de chemin et partagé quelques nuits agitées du côté du Fort Saint Père.
La route du rock. Pop is not dead.
Pop is not dead. Comme mes souvenirs d’ailleurs. Il y avait ce type qui portait un sweat avec cette mention dans le dos, qui écoutait (religieusement) Johan Johansson à la Chapelle Saint Sauveur à la route du rock hiver, en 2007. Certes, même si la pop is not dead, le festival malouin, lui, a bien failli casser sa pipe de pirate à plus d’une reprise… Mais il faut croire que les bonnes fées du rock et de la pop réunies s’étaient sûrement penchées sur son berceau, à sa naissance, au tout début des années 90. Ce festival était déjà un adolescent déluré quand je l’ai connu en 2005. Moi, je n’étais pas vraiment branché rock indé, je faisais tout au plus mon job de photographe, j’étais un peu en décalage. Autant je comprenais l’enthousiasme débridé autour de The Cure, autant j’étais étonné par les mouvements de foule sur ce petit groupe new-yorkais répondant au nom de Sonic Youth. En cela, je dois beaucoup à la route, qui a contribué à parfaire mon éducation musicale et à me faire découvrir de très nombreux groupes, de Electrelane à Cat Power, de Max Richter à Micah P. Hinson. La route du rock, c’est une partition musicale définitivement classieuse et indissociable des gens que j’y ai croisés. Des souvenirs merveilleux, comme les concerts de Nina Nastasia ou Dillinger girl à la plage. Des conférences de presse un peu déjantées, comme celle des gamins de The Spinto Band (Oh Mandy) à qui j’avais demandé si leurs parents savaient où ils étaient, celle de Sonic Youth où le sourire de Kim Gordon à mon égard m’avait singulièrement troublé, celle de The Polyphonic spree, une chorale habillée super énième mode. Mon appareil digestif a gardé un souvenir ému de l’édition 2006, l’année où Coca-Cola avait lancé un breuvage infâme au goût de café, du nom de BlāK, distribué à volonté et gracieusement au point presse. J’aurais dû carburer à la caféïne l’année où je me suis endormi sur un canapé, ça m’aurait évité de rater le concert de Tindersticks. J’avais finalement shooté Stuart Staples en catastrophe au milieu du public. C’était un peu ce qui caractérisait ce festival et le rendait si attachant, on pouvait toujours se démerder pour faire de l’image, quitte à se faire passer pour un photographe de l’AFP (avec la complicité du responsable presse, salut J.) et faire partie des accrédités autorisés à photographier Robert Smith sur un seul titre (en 2005).
Mais assez parlé de moi et de mes souvenirs d’ancien combattant, car s’il y a bien une constante, à la route du rock, c’est qu’elle ne s’endort jamais sur ses lauriers. Chaque année est un recommencement, une remise en question, un renouveau. C’est le côté phénix de la route du rock et c’est aussi ce qui en fait l’intérêt. On ne sait pas toujours ce qu’on va y voir mais on ressort toujours émerveillé. Dans une quinzaine de jours, le 31 mars, la route du rock va annoncer sa programmation et il y a fort à parier que le petit miracle va se reproduire, encore une fois. En attendant, avec un soupçon de nostalgie mâtiné de tendresse, on peut toujours feuilleter les pages du joli livre dédié à ce festival si attachant. Un jour peut-être, je retournerai fouler la terre du fort Saint Père et capturer quelques images, histoire d’écrire, à mon tour, la suite de cette belle histoire.
• voir le site officiel du festival (salut Alban, salut François)