Focales fixes ou zooms trans-standards. L’heure du choix.
Je ne suis pas très adepte des focales fixes, je travaille la plupart du temps avec des focales variables, qu’on désigne aussi sous le nom de zooms. Un truc un peu paradoxal, c’est que lorsque je bossais en argentique, je n’utilisais quasiment jamais de focales variables. À l’époque il faut dire que je fréquentais moins les salles obscures, mes optiques (Canon) de prédilection étaient toutes des focales fixes : 24mm f/2, le 35mm f/2 et principalement le 55mm f/1.2 puis le 85mm f/1.2L. Mon passage au numérique s’est fait à une période où j’ai beaucoup travaillé sur la photo de live, c’est à ce moment là que j’ai réalisé tout le bénéfice que je pouvais tirer de focales variables. À l’époque, équipé en Canon, les deux cailloux qui ne me quittaient jamais étaient mon 16-35mm f/2.8 et mon 70-200mm f/2.8L IS qui me permettaient de couvrir quasiment toutes les focales dont j’avais besoin. J’ai fait une tentative avec un Sigma 24-70mm qui s’est soldée par un échec… Lorsque j’ai switché vers Nikon en 2010, je me suis naturellement tourné vers la gamme de zooms, adoptant d’emblée Nikkor 24-120mm f/4 (une merveille dont j’avais parlé ici-même) et Nikkor 70-200mm f/2.8 VRII qu’on ne présente plus, tant il est sans aucun doute l’un des meilleurs objectifs trans-standards que j’ai jamais eu. J’attends de tester le nouveau Nikkor 24-70mm f/2.8 VR courant novembre, pour savoir s’il est aussi bon qu’il en a l’air. J’ai aussi un Nikkor 50mm f/1.4 que je n’utilise quasiment jamais. Je lui trouve tous les défauts de la terre, à ce pauvre 50. Son AF est une misère et il vignette comme c’est pas permis, surtout à grande ouverture. J’ai failli le revendre cent fois mais j’ai renoncé suivant l’adage qu’un bon 50 dans son sac, ça ne prend pas de place et ça ne mange pas de pain… Alors ? Qu’est-ce qui m’a pris d’embarquer mon 50 en tandem avec Nikon D750 ? J’avais envie de corser l’histoire peut-être, de rompre avec les habitudes. Ça ne fait pas de mal de temps en temps. C’est comme ça que je me suis retrouvé chez moi, dans ma salle, au Cabaret Vauban, équipé ultra léger, pour voir.
• Nikon D750 l’excellent complément.
Évidemment, passer de ma config habituelle, Nikon D4s et 70-200 à Nikon D750 avec un 50mm, j’ai eu l’impression d’avoir les mains vides. La différence de poids est tout à fait notable et vraiment appréciable, même si pour moi, comme pour de nombreux photographes pros, le poids d’un reflex fait partie du job, depuis toujours. En revanche, sur le terrain, quand on est habitué au confort et à la puissance de D4s c’est un peu compliqué de passer à D750, mais pas tant que ça finalement. Un certain nombre de paramétrages sont absents et me font cruellement défaut, comme le rétroéclairage de la façade arrière, si indispensable pour moi dans l’obscurité, ou l’accès direct à des paramètres de base (le réglage des iso par exemple). Par contre, Nikon a eu la bonne idée d’adopter la même ergonomie globale (comme la sélection de l’AF), ce qui fait qu’un utilisateur de reflex Nikon n’est pas perdu dans l’accès aux commandes. À dire vrai, en deux ou trois minutes, je me suis retrouvé à travailler avec D750 comme si c’était mon boîtier standard. C’est un point très positif qui permet aux pros équipés en Nikon d’envisager D750 comme un second boîtier en backup, d’autant qu’il permet quelques fantaisies absentes de D4s : un capteur 24mp, qui offre une grande latitude en crop, notamment en mode recadrage DX à la prise de vue, un flash intégré, qui selon l’adage ne sert à rien sauf quand il sert à quelque chose et qui en plus permet de piloter des flashs asservis (et de se passer de l’achat d’un SU800 à 250 balles), un écran amovible qui ne sert à rien non plus jusqu’au moment où on se dit, tiens et si je shootais en liveview à bras tendus au dessus du public… Bref. Nikon D750, le petit fullframe assure bien sur tous les tableaux, peut-être un poil moins fluide que mon D4s en AF suivi 3D (avec une bonne dose de mauvaise foi de ma part). Restait à voir comment il allait se comporter en tandem avec un caillou classé dans les focales fixes, Nikkor 50mm f/1.4.
• Focale fixe, pas facile en live.
Souvent, en concert, on est un peu coincé, on a peu de mobilité, surtout dans les petites salles, surtout quand c’est blindé. L’absence de mobilité est la même problématique dans des fosses photographes de festivals comme aux Vieilles Charrues. On trouve un spot, on s’y tient et le fait de pouvoir faire varier sa focale sans se déplacer est un argument qui plaide en faveur du zoom. Ce qui ne signifie pas qu’on ne puisse pas travailler avec des focales fixes, naturellement. Un bon Nikkor 300mm ou un 135mm f/2 ne déçoivent généralement pas. Mais pour faire varier le cadrage dans le viseur avec des focales fixes, il faut bouger. En revanche, quand on à la liberté de bouger, comme je l’avais au Vauban vendredi dernier, l’exercice photographique prend toute sa saveur, sans compter la possibilité d’utiliser des focales fixes capables de produire des images de très grande qualité, à grande ouverture. La gamme f/1.4 estampillée Nikkor est un modèle du genre, avec quelques perles comme le 24mm, le 35mm, le 58mm et le 85mm qui font référence. Le 50mm f/1.4, lui, est un peu plus modeste, tant en terme de prix que de performance, n’empêche. J’ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec le tandem. Même si l’AF est assez peu réactif, la vélocité de Nikon D750 compense largement ce travers. L’image est propre, bien contrastée. Le piqué ne vaut évidemment pas celui de mon Nikkor 70-200 (une référence définitive à mes yeux en la matière) mais l’image produite demeure d’un excellent niveau.
• Focales fixes ou focales variables ?
Vous êtes libre de vos mouvements, vous avez la possibilité de vous déplacer pour adapter le cadrage qui vous convient, vous pratiquez majoritairement un style de photo, comme du paysage, de la photo de rue, du portrait ? Aucun doute possible, optez pour une ou plusieurs focales fixes. Elle vous coûtera proportionnellement moins cher, sera plus légère, vous permettra probablement de travailler à plus grande ouverture et sera donc plus rapide et plus lumineuse, avec au final une qualité d’image optimum. Petit bémol cependant, il n’est pas rare que l’autofocus soit moins optimisé sur ce type d’optique. Nikkor 50mm f/1.4 ou Canon EF 85mm f/1.2L sont de parfaits exemples de bonnes, voire d’excellentes optiques, mais dont l’AF embarqué n’est pas un foudre de guerre. En revanche, il y a fort à parier que vous ne vous contenterez pas d’une seule optique. À terme, vous risquez de retrouver deux ou trois focales fixes dans votre sac : un 24mm pour le paysage, un 50mm standard, un 58 ou un 85mm pour du portrait. Alors exit l’argument du sac léger avec des focales fixes !
L’autre option, c’est le zoom trans-standard. Les deux exemples parfaits sont le 24-70mm et le 70-200mm. Avec une optique comme le 24-70, vous couvrez toutes les focales de 24mm à 70mm tout en bénéficiant d’une ouverture constante à f/2.8. Le seul bémol qu’on pourrait opposer à cette solution c’est la qualité d’image et le prix. Du point de vue qualitatif, rien à dire. Chez Canon, par exemple, le 24-70mm f/2.8 est une merveille, parfait à toutes les focales, même à pleine ouverture. On est en droit d’espérer la même chose de Nikon avec son nouveau 24-70mm f/2.8 VR qui sort ce mois. En revanche, côté prix, la note est salée. Annoncé à 2700€ TTC par Canon en 2012, à 2500€ TTC par Nikon en septembre 2015, le 24-70mm f/2.8 n’est pas franchement à la portée de toutes les bourses. Et pour le modèle au dessus, même motif, même punition. Nikkor 70-200mm f/2.8 VRII est une optique dantesque, parfaite à tout point de vue, comme son homologue chez Canon, ultra-polyvalente mais qui franchit aussi allègrement la barre des deux mille euro ! Selon l’environnement, un zoom seul peut suffire, sa capacité et sa polyvalence couvrant de nombreux besoins.
Finalement, la règle selon laquelle en photographie il n’y a aucune règle se vérifie encore une fois. C’est à chacun d’adapter son matériel en fonction de ses besoins. Il n’existe pas un équipement parfait. Pour ma part, ma préférence va au tandem Nikon D4s et Nikkor 70-200mm f/2.8 VRII avec lequel je travaille la plupart de mes images. L’outil performant par excellence, totalement polyvalent, capable de tout faire, sur tous les terrains, du live comme du portrait, du packshot comme des clichés corporate, … Je reste donc plutôt zoom addict, je pense que la config idéale, chez Nikon, c’est le trio infernal 14-24mm, 24-70mm, 70-200mm à f/2.8. La seule inconnue pour le moment, c’est de savoir ce que vaut le nouveau 24-70 Nikkor. Mon petit doigt me dit qu’on ne va pas tarder à être fixé. Stay tuned !
• illustration : Rotor Jambreks au Cabaret Vauban (Nikon D750, Nikkor 50mm f/1.4, traitement Capture One Pro 8, crédit photo : Hervé LE GALL)