J’aime pas les lectures de portfolio. Surtout en groupe. L’idée de m’asseoir avec un groupe de gens et disserter du pourquoi et du comment d’un ensemble de clichés d’un photographe dont, la plupart du temps, je n’ai que faire, de vous à moi, c’est pas ma tasse de thé. En plus, ça implique de donner son avis sur un travail, sur le travail d’un autre photographe et ça c’est quelque chose que je ne fais jamais. D’ailleurs, c’est le meilleur moyen de se faire détester par la moitié de la population que de donner son avis, surtout quand il n’est pas enthousiaste. Ah ! L’enthousiasme. Voilà en revanche un point de vue que j’aime, qui fait partie de moi. De temps à autre, au cours de mes pérégrinations sur internet, il m’arrive d’être saisi, parfois foudroyé par une image. Je sais rarement pourquoi. Ça arrive comme ça, la rencontre entre une image et mon regard et généralement ça se ponctue par un frisson, une émotion intense. Quand la photographie vous fait ça, quand l’alchimie se produit, cette merveilleuse alchimie entre le photographe et son sujet d’une part et le lecteur de l’image d’autre part, tout devient pure magie. Mais c’est si rare ! Pourtant, parfois, ça arrive. Je suis là, devant l’image, percuté, séduit, ému. Dans ma tête, je perçois l’image, je la lis, je l’assimile. Tout cela est fulgurant et l’émotion, toujours elle, monte, instantanée. C’est ça que j’ai envie de partager avec vous aujourd’hui. Voici ma lecture d’un cliché, un moment personnel, presque intime. Pour cette première lecture, j’ai choisi une photo de mariage de Cédric Duhez.
Baisers volés. Une photo de mariage intemporelle.
Baisers volés*. C’est le titre que je lui ai donné, parce que c’est la première chose que cette photo m’a inspirée. Cette photographie a un grand mérite, au-delà du fait que c’est un cliché bourré de qualités, elle est bien plus qu’une simple photo de mariage, elle est vecteur d’émotion. De pure émotion. D’ailleurs c’est un peu la caractéristique du travail de Cédric Duhez, transmettre, au delà du postulat de la photo de mariage, une émotion qui perdure dans le temps. Le résultat ? Les clichés de Duhez sont absolument intemporels. Paradoxalement, alors qu’il travaille beaucoup en noir et blanc, le cliché que j’ai choisi est en couleurs, mais le traitement des couleurs est réalisé tout en douceur, avec beaucoup de tact et d’élégance.
Dès le premier regard, je suis subjugué, parce que dans ce cliché, tout me plait. Le cadrage d’abord. Quand je regarde une photo, mon œil est guidé sur un point de conjonction, c’est l’endroit précis où le photographe veut m’amener. Ici, ce point, c’est le couple qui s’embrasse, situé à droite de l’image. On pourrait presque se dire que c’est un cliché volé. Pas d’horizontalité, un cadrage osé, presque à la hussarde, un one shot vite fait, pris sur le vif. Un instant capturé, un moment de pure intimité, d’amour. À y regarder de plus près, les valeurs véhiculées par ce cliché sont finalement très féministes. Oui, c’est ça, c’est une photo féministe. L’homme reçoit, tête légèrement penchée, les bras le long du corps, tenu à distance règlementaire. Elle a décidé du moment, c’est elle qui lui donne ce baiser, elle semble faire durer cet instant, sa main gauche sur la tête de son époux. Oui, son mari, car elle vient de se marier, elle porte un anneau d’alliance à la main gauche. Le regard du spectateur (un peu voyeur, il faut en convenir) commence sur épaule dénudée, un visage, un baiser, une alliance. Tout est dit. Le photographe a fait son travail, il y a ajouté son talent.
J’aime cette photo de mariage, beaucoup. Parce que c’est beaucoup plus qu’une bonne photo de mariage, qu’un très bon cliché que les mariés garderont comme le beau souvenir de ce qui sera, je l’espère, le premier jour du reste de leur vie. C’est un excellent cliché qui pourrait faire partie d’un reportage ou qui pourrait figurer en bonne place dans une expo. C’est une photographie apaisée, un moment de douceur, de tendresse et d’amour vrai. Et puis, quand on la décortique un peu, avec le regard du photographe, on se dit que le gars derrière l’objectif n’est pas manchot. On se dit qu’il a voulu nous faire lire son histoire à sa façon, avec son parti-pris de cadrage, son traitement de la couleur dont on dirait du noir et blanc. Mais très vite, on oublie la technique parce qu’on s’en fout, finalement. Seul le résultat compte, en photographie. L’émotion. Cet instant où l’image me foudroie, où la photographie règne.
(*Baisers volés est le titre d’un film de François Truffaut)
• Baisers volés. Crédit photo : Cédric Duhez
Gerald Geronimi dit
Que dire de plus… Les mots ne suffisent pas… Apprécier une photo c’est aussi savoir se taire et laisser place à l’imagination ! Bravo M. Duhez 😉
Marc dit
Jolie image, et ton titre lui va à merveille 😉 On imagine que dans la course qu’est la fête du mariage, elle n’a eu qu’un instant pour lui faire un bisou (à moins que ce soit lui, d’ailleurs, tiens).
Techniquement, je trouve le traitement un peu dur (on perd l’intérêt de cette tapisserie parfaite qui fait écho au bleu du costume), mais pourquoi pas, c’est un choix 😉
La cadrage penché est à la mode 😉 mais ça fonctionne bien!
Et petit détail qui me plait: la succession des lignes des rideaux, des motifs de la tapisserie et le quadrillage de la fenêtre y sont pour beaucoup dans la réussite de cette image, bravo!
Ah et il y aurait un peu trop de noir à gauche… mais c’est ce genre de petite imperfection qui fait le charme de la photo… un peu comme une corde de grat’ légèrement désaccordée pendant un concert… le petit truc qui fait que la musique est vivante!
Christophe Blaszkowski dit
Bel hommage et très jolie photographie, intemporelle, Cédric a la photographie dans les tripes et çà se ressent 🙂
pat dit
En lisant tout ça (j’aime toujours le style au passage), je repense à mon ami belge.
http://www.davidaelbrecht.com/#0
va savoir pourquoi cela me chavire à chaque fois… mais que c’est bon cette émotion !
Agent-007 dit
effectivement un bien joli cliché parlant, naturel, lumineux et intemporel en effet !
bravo tout simplement
Tonino
Cédric Duhez dit
Merci à vous