Nikon D610. Reflex d’entrée de gamme doté d’un capteur plein format 24*36, depuis le temps qu’on attendait ça. Et là vous me dites ? Il y a eu Nikon D600 dont le lancement à la Photokina il y a un an a été quelque peu perturbé par une histoire de poussières sur le capteur. Aujourd’hui Nikon remet le couvert, en révisant singulièrement sa copie, en optimisant deux ou trois points de détail qui ne se voient pas et en améliorant quelques fonctionnalités, comme une cadence un poil plus élevée en mode rafale. Pas de quoi révolutionner la Sardaigne vous dira-t-on. Comme souvent les améliorations réelles ne sont pas visibles, comme la réécriture de pans entiers du firmware ou l’amélioration de fonctions logicielles comme le D-Lighting, ce qui ne manquera pas de faire sourire les photographes utilisant Lightroom qui ne s’embarasse pas de tels paramètres à l’interprétation des fichiers NEF. Bref. J’ai demandé à tester ce reflex en me disant que cette fois, peut-être qu’on y était. J’ai donc embarqué dans mon sac un Nikon D610 sur mon terrain, en complément de mon D3s et avec mes optiques habituelles : outre l’irremplaçable Nikkor 24-120 f/4 et l’indispensable Nikkor 70-200 f/2.8 VRII, j’en ai profité pour faire ajouter au colis le Nikkor 16-35 f/4, une belle optique qui gagne à être connue et qui fera l’objet d’un banc d’essai à elle toute seule. Avec le recul, je n’imaginais pas être conquis au point de favoriser la prise de vue avec D610, léger, performant et silencieux. Très silencieux. Et léger, très léger.
(1600iso, 1/80, f/4.5, 200mm, mode M, no crop)
• Ergonomie, prise en mains.
C’est du Nikon. Donc, en clair, si vous avez déjà du Nikon et que vous achetez un D610, le temps d’adaptation est réduit au strict minimum, à savoir une à deux minutes. Pour ma part, habitué aux gros morceaux (D4, D3s), j’ai juste été perturbé au début par l’absence de commandes directes, comme le réglage des ISO par exemple ou le fait de passer par la molette de gauche pour régler le mode de travail (PSAM) mais une fois l’info acquise, ça roule. Et puis on peut toujours passer par le module info pour avoir accès en un coup d’œil à l’ensemble des paramètres. Si c’est votre premier boîtier Nikon, vous apprécierez l’ergonomie et les commandes deviendront très rapidement intuitives. Par rapport à la gamme D4/D3s le détail surprenant c’est le poids, évidemment. Autant dire que j’ai vraiment apprécié le poids plume de Nikon D610, j’avais l’impression d’être en vacances. À côté du poids de mammouth des grands frères, Nikon D610 est très agréable. Et comme aucune règle n’est jamais définitive, la prise de vue en mode portrait est nettement moins aisée et l’autonomie de la batterie est moindre. Ces deux problèmes peuvent se régler par l’ajout d’un grip optionnel MB-D14. En option aussi le module GPS et le transmetteur sans fil. Sur ce coup-là, Nikon est un peu à la ramasse par rapport à l’épicerie d’en face sur le même segment produit, même si ce genre de détails reste très anecdotique… Revenons à l’essentiel, la prise de vue. Viseur 100%, AF 39 points dont 9 collimateurs en croix très réactifs. Et là je vous entends bien. On aurait bien aimé que Nikon propose les 51 collimateurs de D7100 mais ce genre de specs ne se décide pas sur un coup de tête. Il n’est pas inutile de rappeler que ce D610 est un upgrade corrigé de D600. Alors modifier le nombre de collimateurs, ça ne se fait pas d’un coup de baguette magique. Et puisqu’on en est au chapitre des specs, quelques-unes sont héritées du grand frère (D4) comme l’affichage de la grille dans le viseur, mais pas de rétro-éclairage de la façade arrière, dommage. Sans parler du mode Q réellement silencieux. D’ailleurs c’est en partie à cause du mode Q que j’ai utilisé D610 en boîtier principal pendant certains concerts à Atlantique jazz festival. Et aussi parce que j’ai rapidement réalisé que, finalement, ce reflex est capable de sortir des images de très grande qualité, pleines de détails et de piqué, avec un capteur d’une résolution de près de 25 mégapixels produisant une image de 6016 x 4016 pixels (…), ce qui ravira les adeptes du crop, dont je ne suis pas. Impossible, évidemment, de comparer D610 avec les outils disponibles sur D3s ou D4 (nombre de collimateurs, mesure sur le collimateur sélectionné, autonomie, tropicalisation, endurance, …), n’empêche. Ce petit reflex offre au photographe exigeant un outil des plus performants et surtout l’accès au monde du plein format. Grâce à D610, vous allez pouvoir vous offrir une bonne part de rêve. Exit le format DX où un 100mm se comporte comme une focale de 150. Bienvenue dans le monde réel.
• Sur le terrain avec Nikon D610
J’ai reçu D610 au beau milieu de Atlantique jazz festival. Le jazz est un terrain de jeu photographique très particulier où le respect des artistes autant que du pubic est primordial. Autant dire que pendant un set, il vaut mieux éviter de se faire remarquer en faisant entendre le joli son de son déclencheur. Plusieurs solutions. On peut choisir de ne pas déclencher dans les moments de silence ou de braver l’interdit, au risque de se prendre une volée de bois vert, des musiciens et du public. C’est la double peine. On peut aussi attendre que le son monte, pendant un solo et qu’il couvre la remontée du miroir en mode quiet. Ou alors on peut s’acheter un Leica. La première fonctionnalité que j’ai testée sur Nikon D610 c’est le mode Q dans le silence absolu. Et une voix m’a dit « Ouais, ça va pouvoir le faire ! » En revanche, on oublie le mode Q en rafale. L’intérêt du mode Q est de pouvoir relever le miroir qui reste en position supérieure tant que le déclencheur est enfoncé. En rafale Q j’ai eu l’impression de vidanger un tuyau. En revanche, en one shot, Nikon D610 réussit le prodige d’être au summum de la discrétion, c’est top. Du côté de l’AF 39 points j’avais quelques doutes, rapidement estompés. La sélection du collimateur est aisée, l’AF est très réactif comme il l’est généralement sur les reflex de la marque jaune. Petit détail à divulguer, je n’ai utilisé que des cailloux Nikkor et honnêtement, je pense que sur ce type de boîtier ce serait une erreur que d’utiliser autre chose que du Nikkor.
(bien que cette image ait été recadrée à la hussarde, le capteur de 25mp permet de conserver une taille d’image largement exploitable : 4775 x 3188 pixels)
Je n’ai pas changé mes habitudes de prise de vue, appliquant mes réglages habituels (mode de MAP, zone AF, mesure expo) histoire de pouvoir comparer avec D4. Pour les sensibilités, je me suis fait plaisir en poussant la molette de 1600 à 6400iso. Dans certains cas, pouvoir monter haut n’est pas du luxe, même si, pour ma part, j’ai une fâcheuse tendance à percevoir du bruit dès que je passe la barre au delà de 3200iso. Dans des conditions de lumières difficiles (mon sport favori), voire franchement dégueulasses, D610 m’a épaté en étant capable d’accrocher un point de contraste, de réaliser la MAP et d’autoriser le déclenchement. C’est dans ces conditions chaotiques que j’apprécie d’utiliser des optiques Nikkor. Mon 70-200 f/2.8 VRII s’est senti parfaitement à l’aise accroché à Nikon D610, idem pour mon Nikkor 24-120 f/4 que j’adore. Les images sont nettes, parfaitement piquées, les couleurs sont conformes, je ressens juste un peu moins de profondeur, de relief et de dynamique qu’avec Nikon D3s/D4. Rappelons simplement que pour le prix d’un D4 on a trois Nikon D610, ce qui m’amène à répondre à la question qui est sur toutes les lèvres…
• Nikon D610. Pour qui ?
Ce reflex va séduire un large éventail de photographes. L’amateur passionné va trouver avec ce reflex l’occasion de passer au plein format, tout en disposant d’un reflex réactif, polyvalent, évolutif, léger et performant. Un vrai reflex numérique 24 x 36 avec le meilleur de Nikon à l’intérieur, en particulier un autofocus bien réactif. Le photographe pro, lui, pourrait adopter D610 en boîtier backup, capable d’accrocher les objectifs de la gamme FX et se comporter comme un grand avec son double logement de cartes SD et son autonomie convenable. Pour ce qui est du prix public conseillé, 1899€, il est en recul par rapport au prix du précédent modèle D600. Si on le compare au prix public conseillé de Canon EOS 6D qui avait été introduit, il y a un an, au prix de 2099€, Nikon D610 est stratégiquement bien placé. Avec le temps, on sait d’expérience que le prix public conseillé est souvent revu nettement à la baisse. On trouve aujourd’hui EOS 6D à 1599€ boîtier nu, par exemple. Alors, le reflex fullframe sous la barre des 1500€ dont on rêve est en train de devenir une réalité. Bon alors ? Est-ce que je conseillerais Nikon D610 ? Absolument. Les yeux grands ouverts.
• photo : Benjamin Sanz quintet, Atlantique jazz festival 2013. Nikon D610, Nikkor 24-120 f/4 (1600iso, 1/80 f/5, 120mm, mode M, no crop). Cliquez ici pour voir le cliché sur Cinquième nuit.
• merci à Nikon France.
Stéphane dit
Comme toujours, c’est avec un immense plaisir que je lis les articles de shots. Un grand merci pour celui-ci, comme pour tous les autres.
Je suis équipé Canon, mais pas encore de FF. Et pourtant je shoote essentiellement de la danse (qui, avec toutes ses contraintes cumulées, mériterait un boîtier de la trempe du 1Dx ou consorts… mais bon)
Je me demandais comment se comportait l’AF du D610 en ambiance ombre ? Tes photos, mine de rien, semblent assez éclairées, en tous cas sur certaines zones. Parce que quand avec un 7D, je suis à 1600 ISO, f2.8 et 1/60ème, ça laisse imaginer les conditions d’éclairage… (et encore, c’est parfois sous-ex !)
La sensibilité de l’AF étant donnée pour -1 EV (contre -2 EV pour un D4 je crois), on pourrait s’attendre à ce que ça patine un peu.
Pour le bruit, j’avoue être séduit par celui des derniers FF Canon, réellement silencieux pour déclencher dans des moments de silence, mais je veux bien te croire que le mode Q du D610 est efficace.
Enfin, et là ton avis m’intéresse particulièrement, j’entends souvent dire qu’un trans-standart à f/4 ne remplacera jamais une focale f/2.8, que ça n’accrochera pas autant car moins lumineux, que la stab ne remplace pas une gde ouverture, et que certes la montée en ISO compense la moindre ouverture mais au détriment d’une perte d’1 Stop.
Et pourtant, je n’arrête pas de lire que tu encenses ton 24-120 f/4. Et du coup je me dis : « chouette ! Je pourrais donc faire avec un 24-105 f/4 et économiser un peu sur l’optique, à défaut de pouvoir me payer un 24-70 f/2.8 ! »
Bref, quelques interrogations toujours…
harvey dit
Commentaire d’un très bon ami photographe qui a récemment quitté Nikon (équipé en D4 entre autres) pour Canon (il a désormais un EOS 1DX entre autres) : « Il faut admettre qu’au chapitre autofocus, Canon reste derrière Nikon. » Avant d’ajouter : « En revanche, la colorimétrie de Canon est vraiment excellente ». Je partage cet avis, même si je suis un peu revenu des notions de « velouté de couleurs Canon ». Pour moi, la capacité de mon Nikon D3s à faire le focus dans à peu près tous les cas de figure me font privilégier ce reflex.
Nikon D610 se comporte bien tant en conditions de lumières difficiles qu’en bonne tenue de la montée en iso. C’est un gros capteur, 25mp, c’est un reflex fullframe d’entrée de gamme. Les points de comparaison avec un D3s et a fortiori un D4 sont difficiles à trouver. Sur D610 le mode Q est vraiment très silencieux, rien que pour ça, j’adorerais en avoir un en backup histoire de pouvoir continuer à faire des clichés quand D3s s’avère trop bruyant.
Concernant Nikkor 24-120 f/4, ce n’est pas pour rien que c’est devenu mon optique de référence. Je pense que sur ce range, Nikon a réussi un coup de maître et que la marque jaune distance (et de loin) ce que Canon a pu réaliser avec son 24-105 f4 qui me semble bien pauvre en comparaison. Le range Nikon est idéal, là où Canon s’est arrêté à 105, malheureusement. D’autre part, Nikon applique sur cette optique un traitement nanocristal qui fait des miracles. Seul bémol du 24-120, le système de déploiement de l’optique qui est un véritable nid à poussières. Concernant la suprématie du f/2.8 on connaît ça par cœur hein ? Rattraper un diaph avec un boîtier reflex capable de monter à 6400iso en produisant une image clean d’une part, équipé d’un système anti-vibration d’autre part, ça me semble assez facile. Ce qui explique que les optiques à f4 de Nikon connaissent un très grand succès. Nikkor 24-120 f/4 a fait un énorme carton commercial, Nikkor 16-35 f/4 a eu un démarrage plus lent mais cartonne bien aussi. Quand on voit les différences de prix entre une optique f/2.8 et une optique f/4 (jusqu’à 40% moins cher pour une optique comme le 16-35 f/4 par rapport au 14-24 f2,8) ça fait réfléchir.
Mais encore une fois, au risque de me répéter, on ne peut pas comparer Nikkor 24-120 f/4 et Canon EF 24-105 f/4. Je le sais pour avoir utilisé les deux. Et autre détail à signaler, d’importance. Nikkor 24-120 f/4 est à réserver à la gamme de reflex Nikon plein format.
Une dernière chose à propos de Canon EF 24-70 f/2.8L II. Je n’ai jamais testé cette optique. Elle coûte cher, très cher mais d’après ce qu’un ami expert de la marque Canon m’en a dit, elle vaut son prix, largement. Elle se comporte de manière exceptionnelle sur l’ensemble du range, produisant une image d’un piqué remarquable, même à pleine ouverture. Donc autant il faut savoir résister à la « dictature du 2.8 » autant il faut savoir reconnaître la valeur d’une optique. Si je devais te conseiller, entre un 24-105 f/4 et ce 24-70 serie II, sans l’ombre d’une hésitation je te dirais de patienter, de faire des économies et d’opter pour ce 24-70 d’exception. Tu ne saurais être déçu.
Stéphane dit
Merci Hervé de prendre le temps de répondre ! Je m’en vais de ce pas lire l’article sur le 16-35 f/4, puisque ce n’est pas encore fait.
louis dit
Le full frame à moins de 1500 euros, c’est possible en l’achetant en dehors de nos frontières comme souvent … J’ai réglé mon 6D le mois dernier moins de 1200 euros lors d’un passage à Bangkok. Acheté dans la boutique Canon… Et j’aurai pu faire une meilleure affaire si je n’avais pas oublié de me faire rembourser la TVA (7 %) à l’aéroport :((
Le 5D3 est à un peu moins de 2000 euros pour info (-7% de TVA) ou VAT comme on dit là bas…