Je crois que la pire insulte qu’on puisse faire à l’auteur d’une photographie c’est de lui demander avec quel matériel il a réalisé son cliché. Parce que réduire une photo à la simple définition d’un matériel, c’est à la fois réducteur et offensant pour son auteur. Ce matin, je suis retombé par hasard sur un cliché réalisé par Vincent Montibus, qui ne vous est pas inconnu si vous êtes un fidèle lecteur de Shots. Pour les autres, Vicent est un grand fada de l’image, créateur de clichés où il mêle un soupçon d’onirisme et son regard tendre, parfois surréaliste. Comme son autoportrait à la lessiveuse. Là, dans le cas du cliché dont je vous parle, pas de mise en scène. Juste un regard sur le Pont des Arts, une dose de patience et un matériel venu d’un autre temps, puisqu’entre autres choses Vincent est un grand collectionneur d’appareils anciens, sauf qu’à la différence du collectionneur lambda, Vincent, lui, utilise ses appareils. Pour voir.
Vincent a réalisé des tas de jolis clichés avec des tas d’appareils différents (dont une chambre assez monumentale), mais ici point de besoin d’un matériel évolué, que nenni. ici on revient aux fondamentaux de la photographie dans ce que ce mot a de plus strict, de plus radical. Une boîte, un film, un trou dans la boîte. Voilà pour le décor. Les ingrédients ? De la lumière (un peu mais pas trop), un regard, de la patience, un zeste de chance, une pointe de passion. Ici, avec le pinhole, rien n’est sûr, rien n’est exact et encore moins définitif. Soit tu es dans les cordes et la magie opère, soit tu es à côté et tu vas aux fraises. Mais quand ça fonctionne, quand la magie est là, elle grave sur le film sensible le reflet de la réalité et offre une image douce, surannée, qui semble surgie du passé, gommant les notions de modernité. On imagine alors l’émotion qui a dû saisir les premiers photographes lorsqu’ils ont réalisé tout le profit qu’on pourrait tirer à reproduire une certaine vision de la réalité.
À l’heure où on ne parle que de matériels, de montées en iso, d’optiques raffinées et de post production outrancière, je trouve particuièrement agréable de retrouver le sens des réalités par la grâce de l’union entre la lumière, une simple boîte en bois et quelques critaux d’argent. Et pour orchestrer cette joyeuse alchimie, un photographe explorateur et passionné. Et un peu fada.
• photo : Le Pont des Arts, Paris. (crédit : Vincent Montibus)
• voir le site Zero image pinhole camera
Bernard Jolivalt dit
Très belle photo. Très beau texte, et si juste.
highlander dit
Quand j’ai vu cette photo, j’ai cru que j’étais revenu au début du 20eme siècle.
Faut vivre avec son temps…
harvey dit
@highlander c’est une blague ton message hein ? « Faut vivre avec son temps. » Mais justement, la photographie c’est totalement intemporel. C’est même à ça qu’on reconnaît un putain de cliché. Et là, c’en est un. Désolé que ton œil ne le voit pas…
highlander dit
Désolé si je ne vois pas, je n’ai rien contre l’auteur, mais pour moi ce n’est ni beau, ni intéressant comme image, juste le reflet de notre société actuel, vide de sens. Qu’elle ait été faite à la chambre ou avec un iphone barbouillé par instagram ne change rien au résultat.
Quand j’entends crier au génie et qu’on érige ce genre d’image juste parce qu’elle a été faite avec du matos vintage, ça m’hérisse le poil, je trouve ça d’une prétention et d’un snobisme, une image peut être faite avec n’importe quoi, le seul truc qui compte, c’est qu’elle fasse sens…
harvey dit
Eh ben voilà c’est dit. Juste un truc, personne n’a crié au génie. Cela dit Vincent est comme il est et c’est un bon photographe. La photo n’est pas intéressante parce qu’elle a été faite avec un boîtier pinhole, elle l’est parce qu’elle a été faite par un bon photographe. En revanche, le fait que ce soit un boîtier pinhole ajoute assurément une touche vintage, le petit côté surané qui donne un aspect nostalgique. Je regarde une photo, ça me plaît, ça me parle. Ou pas. Le truc avec Montibus, c’est que quelque soit l’outil qui lui sert à taper, c’est bon. Un reflex numérique et son autoportrait àla lessiveuse ? C’est bon. Une chambre et les lumières de la ville la nuit ? C’est bon. Un D3x et un 300mm Nikkor ? C’est bon. Un iPhone 4 ou 5 une voiture et des ballons, c’est bon. Un vieux truc pourrave argentique qu’il a racheté deux balles et dans lequel il a mis un TriX ? Un Leica M6 ? Ce que j’aime chez Vincent, c’est Montibus 🙂 Son regard. Le fait que, comme tu le dis justement, ses photos fassent sens.
highlander dit
Bon ben je suis bien d’accord avec vous… Je m’assoie, subjugué et en mode contemplatif, un peu étourdi devant ce sublime spectacle.
C’est bon j’ai fait juste ? On peut passer à autre chose ?
Je viens de faire un tour sur le flickr de Montibus, pas mal d’ersatz quand même, mais il est vrai plutot pas mal réalisés…
harvey dit
Be my guest. Et si vous repassez dans le coin, vous êtes le bienvenu. Vous pourrez même donner votre vrai nom, nous dire qui vous êtes et même indiquer l’adresse de votre site internet (un lien sur Shots c’est toujours bon à prendre).
Cocagne dit
Je vois que tu as réouvert les commentaires c’est pour moi la bonne nouvelle du jour car si on vient et revient sur ton site pour ta prose parfois énervante toujours précise; on restait sur sa faim des quelques anciens habitués qui donnaient un coté feu de camp à ton rendez vous.
Pour ma part je n’ai pas de lien à vendre et je viens surtout la pour vérifier si les photographes savent encore écrire et me faire plaisir
Me voila satisfait
Un petit lien vers ce billet pour faire l’intéressant sur un forum