Le Technical Image Press Association (TIPA), créé au début des années 90, en France, regroupait initialement vingt-cinq rédacteurs en chefs de la presse photo européens. Progressivement le TIPA s’est ouvert à de nouveaux membres, jusqu’à devenir en 2009 une organisation internationale, comme l’évoque son logo qui représente la planète. Le TIPA est devenu au fil du temps autant un forum d’échange et de partage d’idées qu’un distributeur de récompenses, les fameux TIPA Awards. Chaque année, les TIPA Awards sont notre marronnier de printemps et chacun, dans la profession, scrute d’un œil attentif les lauréats. Généralement les scores sont relativement « équitables » mais cette année le verdict est sans appel, faisant la part belle à Canon qui distance largement ses concurrents, à commencer par Nikon qui fait figure de parent pauvre dans le palmarès. Quatre à un. Dans le jargon footballistique on appelle ça une piquette, pour rester dans des termes relativement élégants.
• Canon. Quatre points.
Canon. Vous vous souvenez de cette marque qu’on disait moribonde, à l’hallali, finie, foutue, échec et mat ? Canon qui avait perdu des parts de marchés sur le marché pro (l’exemple le plus médiatique étant le passage de la prestigieuse AFP dans le giron de Nikon) et qui mettrait des millénaires à remonter la pente ? D’abord Canon décroche un TIPA avec son EOS 100D, au chapitre entrée de gamme. Toute la pertinence d’EOS dans un tout petit boîtier qui passe partout, parfaitement compatible avec la gamme d’optiques EF, ce petit reflex m’a enthousiasmé dès sa sortie. Un point. Puis un TIPA pour EOS 6D, reflex fullframe d’entrée de gamme qui m’a un peu moins convaincu jusqu’à ce que mon ami Jean-François Vibert se répande en critique dithyrambique à son sujet. Et de deux. Plus logiquement, j’allais dire comme une évidence, Canon décroche la timbale pour EOS 1D-C au chapitre meilleur reflex vidéo. On a le sentiment que la marque rouge, depuis 5D Mark II, n’est même plus rattrapable sur le créneau de la vidéo embarquée dans un reflex. Ça c’est fait. Trois points. Et ce n’est pas moi qui vais vous dire que le quatrième point, accordé à Canon EF 24-70 f2,8L II m’a étonné. Cette optique est pour le photographe équipé chez-qui-vous-savez que je suis, ce que Alésia était aux irréductibles gaulois. « Alésia ? Connais pas Alesia ! » Une optique résolument parfaite, sur tout le range, magnifiquement polyvalente. Donc, récapitulons. Meilleur reflex entrée de gamme, meilleur reflex expert, meilleur reflex vidéo, meilleure optique pro. N’en jetez plus. Un, deux, trois, quatre. Canon a repris des couleurs, on dirait. De quoi rougir de plaisir.
• Nikon. Un point.
En face, Nikon décroche un TIPA sur la gamme advanced avec son reflex D7100 qui par ailleurs est un excellent boîtier, digne successeur de Nikon D7000. Un petit point décroché in extremis et qui permet à la marque jaune de ne pas rentrer bredouille à la maison, tant il est vrai que cette année, le jugement de la presse aurait pu être radicalement plus sévère encore. D’ailleurs sur le segment très convoité du meilleur boîtier pro, on attendait de part et d’autre une âpre compétition entre Nikon D4 et Canon EOS 1Dx. Finalement, la guerre n’aura pas lieu. C’est Leica M qui vient mettre tout le monde d’accord et emporte la précieuse et tant convoitée récompense.
Bien sûr, comme chaque année les gagnants bombent le torse et les perdants relativisent. Si vous me demandez mon avis, je dois avouer que ce bilan annuel des TIPA Awards ne m’étonne guère. Le navire Canon, touché mais pas coulé, a repris de la vigueur. La marque rouge n’a rien perdu de son audace, encore moins de son talent à innover et à rebondir sans cesse. On les disait affaiblis, manquant d’imagination ou de pugnacité et ça, c’est bien mal connaître les japonnais et leur niaque légendaire. Ils ont répondu coup sur coup, assénant d’abord EOS 5D Mark III (copie revue et largement corrigée du Mark II), puis un nouveau boîtier pro EOS 1Dx et un boîtier dédié au segment vidéo EOS 1D-C. Et je ne parle même pas des optiques (on avait dit qu’on n’en reparlerait pas…) à une gamme de prix singulièrement revue à la hausse. Pour un moribond, Canon pète la santé. Faut-il pour autant enterrer Nikon avec fleurs et couronne ? Ça serait bien mal connaître la marque jaune. Non, non. La bagarre continue et l’avenir nous réserve de belles surprises. Stay tuned.