Je l’ai déjà écrit ici-même alors au risque de me répéter, avoir en mains un Nikon D4 c’est comme être à la tête d’une petite entreprise. Il y a du personnel à gérer et des fonctions à assumer. La photographie numérique a ceci de particulier, si on la compare avec le modèle précédent, la photographie argentique qui a régné sur l’univers jusqu’à la fin de XXème siècle, c’est qu’elle embarque de l’électronique et des fonctions informatiques notoirement évoluées. Lorsque vous avez entre les mains un boîtier du calibre de Nikon D4, vous touchez du bout des doigts l’aboutissement d’années de dur labeur des équipes de Nikon Corp. Plus qu’une machine, ce reflex est un défi technologique. Et ce n’est pas tout. Chaque boîtier a ses spécificités, ses particularités qui rendent son utilisation complexe, qui induisent un nécessaire apprentissage.
• Avant y’avait pas d’autofous. Mais ça, c’était avant.
Autrefois, un photographe passant d’un boîtier à un autre se contentait d’appréhender la façon dont on ouvrait le capot du nouveau modèle, dont on chargeait la pellicule, dont on réglait la sensibilité et puis une fois que ça, c’était fait, pour le reste le photographe se débrouillait. Avec le reflex numérique en général et avec des boîtiers haut de gamme professionnels comme Nikon D4 en particulier, les choses ont bien changé. Il ne s’agit plus simplement d’activer le bouton ON et d’aller joyeusement faire des images. J’en parle en connaissance de cause pour avoir vécu cette mésaventure il y a quelques années et la sanction avait été immédiate. J’avais perdu du temps, de l’argent, des clichés, quelques cheveux blancs et une partie de ma santé mentale. D’ailleurs depuis, je me méfie comme de la peste des changements de boîtiers, ce qui ne m’a pas empêché d’utiliser cinq boîtiers différents en trois ans, les deux derniers en date étant Nikon D3s et Nikon D4, le D4 étant, à première vue une simple évolution de D3s. Simple évolution ? Pas sûr.
• De Nikon D2 à Nikon D4.
Aussi sûrement qu’il y avait eu une cassure, un schisme, une révolution culturelle entre Nikon D2 et et son successeur D3, il y eut également une nette évolution, notamment en terme de qualité d’images entre D3 et D3s, ce dernier embarquant des modules quasi-identiques (boîtier, visée, mesure AF et lumière, obturateur, …), les modifications étant situées essentiellement sur le capteur, le convertisseur A/D, la carte mère. Nette évolution mais pas révolution, donc. Entre D3 et D3s , c’était d’abord une montée en puissance sans vraiment toucher à la conception du reflex et en ajoutant quelques fonctions. En revanche, le passage de D3s à D4 marque une évolution en profondeur…
Avec D4, tout a changé ou presque. Une approche radicalement différente de l’autofocus, un algorithme réécrit, repensé pour utiliser les pleines fonctionnalités du capteur AF multicam 3500FX associé à la nouvelle cellule de mesure de lumière de 91Kpixels, dotée d’un système de reconnaissance de formes des sujets quasiment cinquante fois plus fine que celle du D3s. Tout cela fait beaucoup plus d’informations à traiter et cette masse d’informations rend plus complexe le calcul qui aboutit, finalement, à la prise de décision du point AF et de l’exposition, à la milliseconde près. Est-ce à dire qu’un D4 ne se comporte pas comme un D3s ? Assurément. Est-ce à dire qu’on n’utilise pas un D4 comme on utilisait un D3s ? C’est une évidence.
Alors bien sûr, quand on sait que nombre d’utilisateurs de D4 étaient les heureux possesseurs d’un D3s juste avant, que nombre d’entre eux ont un usage professionnel du matos, j’entends par là je prends mon boîtier, une batterie supplémentaire, mon sac et je pars au taff en me disant que tout ira bien, on imagine le désarroi d’un certain nombre d’entre eux lorsqu’ils ont réalisé que, non, tout compte fait, entre D3s et D4 ça ne coule pas de source, loin s’en faut. C’est même là, en général, que les emmerdes commencent. Pour ma part, avec le recul, je réalise que je fais partie de la grande majorité d’utilisateurs estomaqués par la puissance et la pertinence de ce reflex. J’ai certes rencontré quelques difficultés d’adaptation, surtout au début, confronté parfois à quelques comportements erratiques de mon D4, notamment en terme d’autofocus et une propension à ne pas réussir la mise au point. Mais finalement j’ai rencontré assez peu de problèmes en regard à certains utilisateurs évoluant dans des domaines où les besoins en AF sont importants (photographie animalière ou sportive), pour une raison somme toute simple, liée à ma façon de travailler et à mon environnement, les deux étant liés. En photo de concert, je travaille en mode AF-S, avec une sélection manuelle du collimateur et réglage collimateur sélectif en position S. Autant dire clairement que je n’utilise quasiment jamais le mode AF-C et les zones dynamiques, la photographie étant aussi une question d’habitudes. C’est d’ailleurs là où le bât blesse, pas tant pour moi d’ailleurs mais pour les photographes utilisant les fonctions de suivi autofocus, un argument particulièrement attractif pour les photographes animaliers ou sportifs. J’ai donc profité de mon passage au Salon de la photo pour aborder cette problématique avec les membres du NPS (Nikon Pro Services). On a rapidement évoqué les paramétrages, des réglages affinés permettant d’optimiser de manière notable le fonctionnement de la mise au point du D4. Les voici, en résumé.
• Les killer tips pour Nikon D4
en mode AF-S, choisir le collimateur sélectif S,
en mode AF-C, choisir le mode dynamic 9 zones D9.
Réglages personnalisés
– a1 : priorité en mode AF-C -> mise au point + déclenchement
– a2 : priorité en mode AF-S -> mise au point
– a3 : suivi MAP avec Lock-on -> 4 ou 5 (alors que sur D3s on choisit plutôt 0 ou 1)
– d2 : cadence de prise de vue -> continu haute vitesse -> 10 vps (l’AF peut avoir certains comportements erratiques à 11vps)
Réglages de prise de vue
régler le Picture Control sur Standard avec les paramètres suivants :
– accentuation -> entre 5 et 7
– contraste -> +1 ou +2
– saturation -> +1
Il apparaît clairement que le paramétrage de Nikon D4 n’est pas vraiment en phase avec ceux de son prédécesseur D3s, c’est notamment vrai au chapitre du suivi de la mise au point. Sur un Nikon D4, on va régler le suivi de mise au point avec Lock-on sur 4 ou 5, en clair un temps d’attente plus long d’une mise au point à une autre alors que sur D3s le paramétrage est diamétralement opposé avec un réglage de 0 ou de 1, un temps d’attente réduit au minimum. On le voit bien, Nikon D4 ne gère pas la problématique de l’autofocus de la même façon parce qu’il a une masse d’informations plus importante à traiter avant la prise de décision, tant sur le point AF que sur la mesure de lumière. En clair on ne paramètre pas un D4 de la même façon qu’on paramétrait un D3s, ce qui explique le désarroi de certains utilisateurs.
• Nikon D4, avec un D comme diva.
Le défi pour D4, c’est de bénéficier de fonctionnalités embarquées toujours plus élaborées, non seulement en matière de hardware qu’en nécessaire réécriture algorithmique software. Il est confronté en temps réel à une masse d’informations, à lui de déduire à un instant T quel est le point autofocus correct, quelle est la bonne mesure de lumière. C’est à la fois fascinant et en même temps angoissant, car c’est au système embarqué du reflex (électronique et logiciel) qu’il appartient de prendre cette décision, la bonne décision. Le sentiment que l’instant décisif nous échappe, que nous ne sommes désormais plus le seul maître à bord après Dieu, cette désagréable impression qu’il prend des décisions qui échappent à notre contrôle. Un reflex doué d’une certaine forme d’intelligence qui se comporterait comme une diva, qui serait habité et qui aurait une âme ? C’est encore de la science mais plus tout à fait de la fiction.
Nota bene : les tips sont une base de travail non exhaustive, il appartient à chaque photographe d’affiner ses propres réglages en fonction de ses besoins et de son environnement.
• merci au NPS pour son soutien. Voir le site de Nikon Pro