Gainsbourg disait : « Il n’y a rien de plus emmerdant à photographier qu’un ciel bleu. » Il avait raison Serge. Quelques nuages, des contrastes et l’image devient tout de suite plus bandante (affirmatif). Quand je pense à ce ciel bleu parsemé de nuages, je me dis que ce cliché représente bien ce que j’ai vécu avec Nikon D4. Bien sûr, je pourrais me laisser aller, tomber dans le lyrisme, manquer de superlatifs pour évoquer mon expérience avec un reflex qu’on peut qualifier d’exception. Oui, exceptionnel il l’est ce D4, à plus d’un titre, même si, une fois sur le terrain, il a présenté quelques parts d’ombre. Retour sur un test grandeur nature avec le must des reflex numériques.
J’ai passé mon été, un été entier, avec Nikon D4 et j’ai vécu avec lui de ces moments de plaisirs intenses (et solitaires) que seule la photographie peut procurer. D’abord des concerts à la pelle, avec mes deux festivals de prédilection, les Vieilles Charrues à Carhaix en juillet, puis la Fête du Bruit à Landerneau en août. Et un passage aux fêtes maritimes des Tonnerres de Brest, dans un autre registre. À chaque fois des conditions de lumière très particulières et toujours différentes, selon le cycle de la journée. Je suis allé faire un tour à Ouessant, l’île mystérieuse en face de Brest, d’où on revient épuisé même si on n’a rien fait. Et à chaque fois j’ai trimballé Nikon D4 pour aller capturer des images, les loger dans la boîte magique. J’ai aussi fait des vidéos (on ne rit pas) parce que finalement c’est plutôt facile d’accéder au monde de l’image qui bouge avec du son, que les photographes ont désormais cette fonctionnalité sous la main et qu’ils peuvent ramener, en plus de leur travail d’images, un témoignage filmé avec le même équipement. Alors oui, la vidéo intégrée sur les reflex c’est finalement une bonne idée, d’autant que D4 a cette capacité à capturer un flux en full HD et que, équipé d’une carte Sony XQD 64Go qui tape ce flux à la vitesse de l’éclair (168Mb/sec ah ah ! On ne s’en lasse pas !) on est à l’abri du pépin d’enregistrement. Bref, cet été en pente douce, s’il ne fut pas torride, m’a permis de faire un tour complet de ce boîtier reflex ultime, vitrine haut de gamme de la marque jaune. Bilan, feedback, c’est maintenant. Sans ambage, comme d’habitude.
• Nikon D4. Des améliorations ergonomiques indispensables.
Pour mémoire, petit rappel d’où je viens. C’est important, parce qu’on n’est pas aussi scotché par les prouesses technologiques quand on vient d’un boîtier déjà hautement calibré comme l’est Nikon D3s que si j’avais testé Nikon D4 en venant d’un D700 (lui-même excellent boîtier au demeurant). N’empêche, j’ai mesuré certaines améliorations, savouré quelques fonctionnalités figurant sur D4 qui peuvent sembler anecdotiques et qui pour moi se sont avérées radicalement indispensables. Je pense aux améliorations ergonomiques du boîtier, comme le double sélecteur de collimateur en mode portrait paysage, le rétro-éclairage des boutons de commandes de la façade arrière, le nouvel agencement des boutons de sélection de mode d’expo gérable sans quitter le viseur, sans parler de l’option grille dans le viseur. Une floppée de petits détails qui peuvent vous sembler anecdotiques mais dont je peux témoigner, à titre personnel, qu’ils ont contribué à l’amélioration qualitative de mes images, en terme de cadrage par exemple mais aussi, paramètre essentiel pour moi, en terme de plaisir à travailler. Pour un photographe comme pour un autre corps de métier, être bien dans ses pompes et dans son matos est un facteur définitivement important. Avec Nikon D4, on se sent bien et on en arrive même à oublier son poids de mammouth. Autre détail d’importance, la taille du capteur qui passe de 12Mp sur D3s à 16mp sur D4, la taille de capteur idéale selon moi, suffisamment large pour pouvoir recadrer au besoin en conservant une taille d’image exploitable et pas trop grande pour ne pas tomber dans le travers des images lourdes et ingérables. Finalement, en photo comme ailleurs, ce qu’on juge, c’est le résultat. Et quand je regarde le matériel millésimé cru 2012, je me dis que je n’ai pas mis à côté. Est-ce à dire que j’ai été meilleur en 2012 avec Nikon D4 qu’en 2011 avec Nikon D3s ? Non, sans doute pas. Je suis resté le même, mon regard n’a pas fondamentalement changé parce que j’avais un D4. Ce qui changé, un peu, c’est la façon de travailler, d’appréhender la prise de vue, le sentiment d’avoir en main un outil qui me permettrait d’aller loin, au moins aussi loin que j’en avais l’envie. Un peu comme avec Nikon D3s mais en mieux.
• Nikon D4 ma petite entreprise.
Mais, et ce n’est pas Marie-Thérèse qui me contredira, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Nikon D4 est beaucoup plus qu’un reflex numérique, ce boîtier est une diva à ne pas mettre entre toutes les mains. Voilà un boîtier hautement paramétrable qui s’adresse d’abord à une clientèle de professionnels. Utiliser un D4 c’est comme monter un pur sang à cru ou de piloter une Yamaha V-Max 1700. Si vous maitrisez la bête, vous pouvez aller au bout du monde, vivre des sensations inouïes, accéder à un autre monde. En revanche, si vous êtes novice, si vous ne contrôlez pas l’ensemble des paramètres, la chute va être rude. Comme disait Rabelais « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Ici l’adage est vrai sauf qu’il n’y a pas que l’âme que tu peux te ruiner. Avec un reflex du calibre de D4 la moindre erreur se paye cash. Pour autant j’ai vécu des situations, cet été, particulièrement complexes, pas tant du côté de l’autofocus qui continue de me laisser pantois, avec une capacité à faire le point dans des conditions de lumière vraiment limites (et à sujet il n’a presque jamais failli), mais plus sur l’analyse de l’exposition. J’ai dû jongler avec les modes d’expo, passant alternativement, selon les conditions de lumière naturelle plus moins vives (je pense au soleil de fin d’après-midi) d’un mode de mesure à un autre, sous peine de voir mon image cramer. L’équilibre fut parfois difficile à atteindre et les conditions d’analyse de l’exposition m’ont semblé quelques fois erratiques, avec de temps à autre un AF qui avait tendance à patiner. Ainsi tombait la sanction avec des images sur-ex le plus souvent, et le visage des sujets bien cramé. Seule solution, adapter sans cesse les paramètres du boîtier selon les conditions. Le plus étrange c’est que je n’avais pas constaté ce genre de comportement avec le premier Nikon D4 que j’avais testé. Peut-être est-ce dû à une version de firmware intermédiaire ou, plus simplement à un paramètre qui m’a échappé.
• Nikon D4 c’est l’outil avec un grand O.
Car shooter avec Nikon D4 c’est être à la tête d’une petite entreprise. Un petit tour du côté des paramètres suffit à s’en convaincre, ici l’utilisateur est le patron de droit divin, le seul maître après Dieu. Chacun peut paramétrer le boîtier à sa main et chaque paramètre peut être activé à partir du menu. On peut donc imaginer un Nikon D4 utilisé en agence par plusieurs photographes différents, chacun retrouvant ses propres conditions de travail très simplement, en sélectionnant son identifiant dans le menu. Pour ma part, j’ai eu le sentiment de vivre, comme le disait joliment Daho, un été sans fin. Ce sentiment d’avoir trouvé l’outil, mon outil, celui qui va bien, que j’ai bien en mains, qui sait relayer mon imaginaire, et surtout qui me suit là où je veux aller, car oui, je le confirme, je suis le genre de gars un peu difficile à suivre, parfois. Oui je veux aller chercher de l’image là où les autres ne peuvent pas aller, dans les tréfonds de la non-lumière et oui je veux pouvoir le faire sans avoir à débrayer mon autofocus. D’ailleurs faire des images ne présente selon moi guère d’intérêt, mon envie, mon sacerdoce c’est plutôt chercher l’Image avec un grand I et pour ça, il faut le bon outil avec un grand O. Et je pense que Nikon D4 est cet outil, justement. Celui qui, mis entre les bonnes mains, permet d’aller plus vite, plus haut, plus fort, l’éternel « citius, altius, fortius » si cher au cœur de Pierre de Coubertin. Nikon D4 est aujourd’hui, incontestablement le meilleur reflex numérique du marché mais ça, de vous à moi, c’est relativement anecdotique. En revanche, ce qui n’est le pas, ce qui est radicalement important, à mes yeux, c’est que Nikon D4 est désormais mon reflex.
• photos : Catherine Ringer, fête du Bruit dans Landerneau (août 2012, Nikon D4, Nikkor 70-200 f2,8 VRII). François Hollande, Président de la République, Tonnerres de Brest (juillet 2012, Nikon D4, Nikkor 24-120 f4). Sting, festival des Vieilles Charrues (juillet 2012, Nikon D4, Nikkor 70-200 f2,8 VRII)
• un merci tout particulier à Nikon Pro pour leur soutien efficace