Il y a cinquante ans, aux États-Unis, on brûlait des disques de rock ‘n roll au cours de joyeux autodafés, comme en d’autres temps l’oncle Adolf faisait passer au feu les œuvres complètes de Brecht ou de Freud, au simple prétexte que cette musique de nègres était issue du blues et des lamentations de descendants d’esclaves, qu’elle n’était donc pas politiquement correcte, en tout cas pas en phase avec le système white only qui revendiquait haut et fort la ségrégation raciale. Mieux encore, cette musique étant tout droit sortie des flammes de l’enfer, elle y plongerait sûrement toute une partie de la belle jeunesse américaine, entendez les blancs, parce que les noirs, eux, étaient déjà tout noirs et prêts, dès leur naissance pour la damnation éternelle. Et même si un blanc-bec, un cul terreux du nom d’Elvis Aaron Presley s’y mettait, on le soupçonnait illico d’être déjà perverti et on prenait soin, lorsqu’il passait à la télévision, de bien filmer au dessus de la ceinture. On pensait ces thèmes crétins définitivement enterrés, passés aux oubliettes de l’histoire. C’était sans compter sur certains de nos politiques hexagonaux qui reprennent vaille que vaille le flambeau, si j’ose dire.
La cible, le bien-nommé Hellfest, joyeux festival métal de Loire-Atlantique, qui subit aujourd’hui les foudres de nos deux pourfendeurs de la bonne morale et du Saint Goupillon réunis, à ma droite Philippe De Villiers et à sa droite Dame Christine Boutin. De grâce ! Faisons fi de De Villiers qui accuse le Conseil régional de « financer un festival sataniste« . Le bougre nous a tellement habitué, au fil du temps, à des déclarations à l’emporte-pièces que son propos nous semble aujourd’hui quelque peu fadasse. On se réjouit pour le festival Hellfest d’avoir une majorité de gauche au Conseil régional d’une part, et que la part financée par cette collectivité territoriale soit relativement minime (1%) d’autre part. En revanche, le cas de Madame Boutin est nettement plus drôlatique. La Dame blanche n’y va pas de main morte, mettant en avant que les affiches figurant un vampire aux crocs sanguinolents est « de nature à choquer les enfants« . Diantre ! Madame Boutin, peu en phase avec son époque, n’a sans doute jamais entendu parler de Twilight et encore moins des aventures de Trueblood. Las ! Dame Christine est restée coincée à une autre époque, un autre temps, coincée qu’elle est dans une faille spatio-temporelle et pas que. Un temps où l’on brûlait les disques de rock. Un temps où l’on imaginait que cette musique véhiculait des propos sataniques par le biais de phrases subliminales habilement enregistrées à l’envers. Un temps où l’on imaginait que Paul Mac Cartney était mort et où Lennon affirmait « I buried Paul » sur « Strawberry fields for ever ». Un temps où il ne se passait pas un jour sans qu’on découvre des allusions pseudo sataniques sur des titres de Led Zeppelin, de Metallica et même des très sages Eagles…
Finalement, je ne sais pas si je dois rire ou pleurer des propos de Christine Boutin, qui représente à elle-seule les valeurs d’une droite conservatrice à la limite de la caricature, totalement déphasée, en décalage complet avec son temps. Cette droite qui n’existe que par quelques coups d’éclat, tapant à l’envi sur les dangers des dérives morales, sur la négation du droit à l’avortement, sur la dépravation de la jeunesse. Le temps a passé, Madame et vous semblez feindre de ne pas vous en apercevoir. Dans les bus, noirs et blancs se mélangent désormais, des rives du Mississippi à la banlieue de Johannesbourg. Les neufs de Little rock sont désormais à la retraite et Barack Obama est Président des États Unis. Les mômes continuent d’aimer à se faire peur et les vampires n’ont jamais été aussi tendance. On ne montre plus du doigt les pédés et quand ça arrive, la Loi veille au grain. Quant au rock, je crois dur comme fer à la prophétie de ce bon vieux Neil. Rock ‘n roll will never die. Pour finir en beauté et rester sur le sujet, permettez-moi, Madame Boutin de vous offrir cette perle, cette pépite, ce collector, aux confins de ce qui s’est fait de mieux en matière de rock et de blues. Le cultissime titre des Rolling Stones, « Sympathy for the devil ». Sur la même scène, à Hyde Park, des noirs qui se mélangent avec des blancs, le tout sur fond de paroles et d’attitudes ambigües, mêlée à une sexualité androgyne. C’était en 1969. Vous aviez vingt cinq ans. Mais je doute que vous en souveniez…
meodal dit
Yes ! entièrement d’accord avec le point de vue d’Harvey !
Et comme diraient mes potes de Motley Crue :
Speciale dédicasse à Mère Christine :
« He’s the wolf screaming lonely in the night.He’s the blood stain on the stage.
He’s the tear in your eye Being tempted by his lies
He’s the knife in your back. He’s rage
He’s the razor to the knife.Oh, lonely is our lives
My head’s spinnin’ round and round
But in the seasons of wither
We’ll stand and deliver. Be strong and laugh and
Shout shout shout
Shout at the devil »
harvey dit
@meodal rien de plus à ajouter. Longue vie au Hellfest !