Le droit à l’image est un droit fondamental dans ce pays. En clair, ça signifie qu’on ne peut pas diffuser votre image sans votre consentement. Bon, évidemment comme toutes les lois, il ne faut pas prendre le texte au pied de la lettre. Si vous allez faire les soldes et que vous retrouvez votre tête parmi d’autres têtes photographiées pendant la ruée des soldes, vous ne pouvez pas revendiquer un quelconque droit à l’image. En revanche, si vous êtes photographié de manière isolée dans une posture qui peut porter, selon vous, préjudice à votre image, vous pouvez demander à un tribunal de juger du bien-fondé de ce préjudice. Et si vous êtes quelqu’un de connu, les choses se compliquent encore un peu plus. C’est la mésaventure qui vient d’arriver à une banque (le Crédit Mutuel de Bretagne) et l’histoire commence à faire grand bruit dans le Landerneau de la photographie.
Au départ, donc, une banque. Qui se dit que pour les voeux, elle utiliserait volontiers des têtes connues, pour son calendrier, son agenda, ses cartes de voeux. Le service communication contacte le magazine Bretons qui possède un certains nombre de clichés d’artistes bretons dont Miossec, Tiersen, Renan Luce, Stivell, ainsi que des personnalités du monde de la voile comme Yann Éliès ou Olivier de Kersauzon. Le magazine propose à la banque de reproduire des pages entières, incluant les photos et en avant Guingamp ! Ce qui n’est pas vraiment du goût de Christophe Miossec qui n’apprécie pas du tout l’utilisation faite de son image, par une banque dont précise-t-il, avec l’humour qu’on lui connaît, « dont il n’est même pas client ! » Ça c’est fait, les banquiers sont habillés pour l’hiver. L’histoire n’est certes pas anecdotique. Par exemple, dans le cas du navigateur Yann Éliès, il faut savoir qu’une société d’assurances, sponsor du navigateur, est un concurrent du CMB. Ambiance…
Miossec s’empresse de préciser : « L’argent que j’obtiendrai je le reverserai à une association caritative. » On comprend d’autant mieux le coup de sang de Miossec qu’il a été mis devant le fait accompli, en recevant un exemplaire du calendrier par la poste. Ce qui ne laissera pas d’étonner, c’est le manque de précautions dont une banque peut faire preuve alors qu’habituellement ces gens-là nous ont plutôt habitués à déployer l’arsenal juridique au moindre soupçon. Mais nul n’est censé ignorer la Loi, pas même une banque et selon les textes c’est bien celui qui utilise l’image qui est responsable. Charge aux avocats, désormais de trouver des transactions financières.
Il y a beaucoup d’angélisme dans cette affaire, car oui, à mes yeux de photographe il s’agit bien d’une affaire. Prendre une photo n’est pas anecdotique, la diffuser l’est encore moins. Choisir ce qui est montré et ce qui ne l’est pas, faire la part entre l’image publique et l’image privée, c’est de la responsabilité du photographe. Relayer et utiliser des clichés de photographes sans leur consentement c’est de la responsabilité des médias. Je comprends d’autant mieux la réaction de Miossec, qu’elle a été la mienne il y a quelques années lorsqu’un quotidien national a publié un de mes clichés qui avait été chargé sur internet. Depuis ce jour, mes clichés portent un filigrane. Et mon avocat veille au grain.
Fizmoo dit
Bonjour et bonne année.
comment s’est soldé ton différent pour ton problème avec un quotidien national ?
Il m’est arrivé une mésaventure identique avec le quotidien de ma région. Une de mes photos a été utilisée pour illustrer un article sur un orchestre symphonique amateur et le seul nom qui apparait est celui du rédacteur de l’article. Quand j’en ai parlé à mon club photo, on m’a répondu « laisse tomber tu ne récupèreras rien » (n.b. ceux qui m’ont répondu cela sont des anciens de ce quotidien). Le problème pour moi n’est pas de grappiller 3 sous, mais juste qu’on me prévienne et qu’on mette mon nom sous la photo.
Fizmoo
harvey dit
@Fizmoo à l’époque je n’ai pas voulu faire de remouds en me disant que si je l’ouvrais trop grand je me ferais sans doute squizzé dans ce canard. J’ai donc mis ma fierté dans ma poche et mon mouchoir par dessus et clairement : j’ai eu TORT. Ça serait aujourd’hui ça ne se passerait pas comme ça. Non seulement le journal avait reproduit ma photo mais en plus ils avaient coupé la mention de copyright ces enfoirés ! Aujourd’hui c’est envoi de facture immédiat au tarif syndical. Comme le dit très justement l’avocat de Olivier de Kersauzon « c’est celui qui utilise l’image qui est responsable ».
Serge dit
Salut , pour ma part j’espère que le magazine Bretons paiera cette erreur, ce ne sera que monnaie rendue pour leur irrespect envers les photographes…la roue tourne…
Petite histoire: le mag se monte je leur téléphone, ah Mr ….vient juste de s’absenter mais n’hésitez pas à rappeler fin de matinée. Fin de matinée je rappelle » Mr …. vient juste de partir à l’imprimerie, rappelez début d’après midi il sera là, évidemment début d’après-midi » Mr …. n’est pas encore arrivé » et moi d’ajouter : » Ce serait peut-être bien que je vous laisse mes coordonnées au lieu de vous appeler… » Réponse: » Non Non , vous ne nous dérangez pas du tout, en plus vous tombez bien car nous cherchons à rencontrer des photographes, rappelez demain matin et là vous l’aurez… »
Le lendemain matin j’appelle et là sur un ton à la Laurent Baffie » Dis donc t’as pas fini de nous appeler tout les cinq minutes, ben mon pauv’ vieux si tu croit que c’est comme ça que tu va bosser avec les gens t’es vraiment mal barré ! » .
Donc, Messieurs, je vous souhaite à votre tour d’être mal barrés !
Maintenant Harvey, tu as peut-être une histoire à raconter aussi non ?!?
PS: Chapeau à Miossec pour sa réaction et sa démarche à la hauteur du personnage !
harvey dit
@serge comme tu le dis, la roue tourne ! Peut-être que sur ce coup-là ce magazine a misé sur le fait que l’utilisation des images passerait inaperçue ? L’important dans cette affaire c’est la reconnaissance du droit à l’image et donc du droit des photographes à voir leur travail reconnu. Et aussi le droit des artistes, des sportifs à revendiquer la propriété de leur image. Et sinon Miossec est définitivement un mec bien, mais ça je le savais déjà !
roger dit
Je suis surpris de lire : j’espère que le magazine Bretons paiera cette erreur, …
Qui du magazine ou de la banque a commis l’erreur ?
Si, je dis bien si, les photographes ont cédé leurs droits au magazine ou s’ils ont le statut de salariés, le magazine n’a pas fait preuve d’irrespect envers les photographes.
L’erreur tient avant tout en la diffusion et surtout l’exploitation du droit à l’image de personnalités qui ont accordé ce droit dans un cadre défini.
Comme le dit Harvey, la responsabilité incombe dès lors à celui qui l’utilise, donc à la banque.
La grande question sur ce point est comment une telle erreur a pu se produire ?
harvey dit
@roger je pense que lorsque Serge évoque l’irrespect il fait là allusion à son histoire personnelle avec le magazine en question. Je ne suis pas juriste mais je vous rejoins sur la responsabilité de la banque. Et effectivement, on peut raisonnablement se demander comment une bévue pareille a pu se produire…
romain dit
Excellent, je viens de découvrir ce site qui est une mine d’infos.
A propos de ceux qui se servent sur le net, une chronique édifiante de Daniel Castets, gérant de l’agence Regards du sport:
http://passionplus.free.fr/page4/page39/page46/page46.html
harvey dit
@romain en écho à ce billet écrit il y a déjà quelques temps, voici un email que j’ai reçu et qui vaut son pesant de cacahuètes : « Je vous ai écrit mercredi dernier pour vous faire part de mon souhait d’utiliser une des images de votre site (…). Sans réponse négative de votre part d’ici lundi 6/12/10 à 13h, je considèrerai que votre accord m’est acquis. Cordialement » Inutile de préciser que ma réponse a été immédiate et euh… relativement cinglante ! Faut pas déconner merde !