Au début de l’histoire, dans le rôle du vilain canard, il y a un rappeur, Orelsan, qui signe un titre d’une violence inouïe dont le titre « sale pute » résume à lui-seul le contenu textuel. J’ai écouté le titre, regardé le clip sur Youtube, honnêtement même s’il y a de quoi offusquer des générations de femmes engagées dans l’égalité des droits et à juste titre, il n’y a peut-être pas matière à en faire un pataquès aussi dantesque. Voilà pour la forme. Le fond maintenant. D’abord ce titre ne figure sur aucun album de l’artiste (car oui, n’en déplaise à quelques culs-serrés, même si Orelsan ne sert pas du tout ma tasse de thé, c’est un artiste, à classer comme tel) d’une part, et il n’est pas joué en live d’autre part. Tout le buzz est venu du clip, tourné avec les moyens du bord et diffusé sur internet. A partir de là, toute une génération de femmes toujours prêtes à en découdre, se sont engouffrées dans la brèche, brandissant le sceptre de l’ignominie d’une main et la boîte d’allumettes de l’autre pour allumer le feu du bûcher où l’on ne manquerait pas d’immoler Orelsan, sans blague. En face, nombre de voix se sont élevées pour tempérer l’ardeur des tricoteuses et parmi les virulents, sur son cheval blanc, drapé dans sa conscience universelle de pourfendeur des causes injustes, grand défenseur des causes perdues et des coeurs debout réunis, Cali. Ah ! Cali ! Le Louise Michèle Torr de la chanson française (pour reprendre une excellente citation de mon pote Charles Mouloud de Rue89) s’est fendu d’une motion de censure, allant jusqu’à appeler au boycott des Francofolies de la Rochelle qu’il qualifie de « lieu muselé », ce qui ne manque pas de piment quand on sait que Cali a été révélé, justement, par les Francofolies de la Rochelle. En mordant les mains qui l’ont nourri et l’ont amené vers la lumière, Cali a la mémoire courte mais pas que. Car en condamnant pêle-mêle les Francos et sa direction (Gérard Pont), Cali pratique un mélange des genres dont il a le secret et qui pourrait bien lui revenir, tôt ou tard, en pleine face. Et ce n’est pas Jean-Louis Foulquier (fondateur des Francofolies) qui me contredira, en affirmant sur RTL que « Ségolène Royal est l’instigatrice de tout ça« . Et Cali de se prendre les pieds dans le tapis, quand on sait que le chanteur perpignanais fût en son temps un ineffable soutien de Ségolène aux présidentielles, que dis-je son héraut de gauche, sa figure de résistance populaire, son chevalier servant immaculé qui lave plus blanc que blanc. Cali réalise (mais un peu tard) qu’on ne peut pas être et avoir été. A sa manière, Ségolène Royal, atout-maître politique dans la région, a imposé (toujours selon Foulquier) son diktat : ou bien le festival les Francos sortait Orelsan de la programmation ou bien il n’y avait plus de subventions. Quand on connaît le poids des deniers publics sur un festival comme les Francos, on a vite saisi. Finalement, toute cette histoire a des relents qui me foutent la gerbe. Aujourd’hui on censure Orelsan pour des mots, mais demain ? Hein ? On interdira une pièce de théâtre, une chanson, un livre, un film parce qu’ils ne sont pas dans la couleur du temps. Ça ne vous rappelle rien ? Pour ma part, j’aimerais, si c’est possible, que la couleur du temps des jours à venir ne soient pas verts de gris. Parce que ça, on a déjà donné et on sait où ça nous a mené…
Accueil » culture » Affaire Orelsan : Blanche-neige, le chevalier blanc et le vilain petit canard, une histoire à dormir debout !
À propos Hervé LE GALL
Hervé "harvey" LE GALL, photographe auteur basé à Brest au début du monde. A trainé ses godasses et ses reflex dans la plupart des coins sombres de la région Bretagne. Photographe-maison du Cabaret Vauban, photographe officiel des Vieilles Charrues (entre autres). Intransigeant, il aime la photo, les lasagnes, le kouign amann et le Breizh Cola. Rédac chef de SHOTS.