J’ai avec les Vieilles Charrues un attachement qui va bien au delà de mon statut de photographe officiel. Tiens d’ailleurs, je me souviens bien de l’année où j’ai rejoint le staff des photographes des Charrues, j’avais à la fois été très touché par cette marque de confiance et en même temps je sentais que je rejoignais des gens, une équipe avec qui je partageais des valeurs, une même volonté de faire bouger un pays (le centre Bretagne), d’affirmer l’identité forte d’une région. Je me suis senti solidaire des bénévoles, touché par leur engagement motivé par une volonté de faire vivre Carhaix et ses environs. Le combat farouche mené par les gens de Carhaix pour conserver leur hôpital est un parfait exemple de ce que la solidarité peut accomplir. Solidarité. Chaque année, une structure (et pas des moindres) se met en place, rejointe par des milliers de bénévoles dont certains viennent parfois de loin. C’est comme un appel, un rendez-vous, un truc indéfinissable. On sait qu’on doit y être, poussé par la nécessité impérieuse d’être présent. Je me souviens d’avoir croisé un ami, membre du staff presse qui ne devait pas venir l’an passé. Il avait souhaité rendre visite à son père au lieu de venir à Kerampuihl. Pendant le dîner, alors qu’il était pensif, ailleurs, sans doute du côté du centre Bretagne, son père avait interrompu son spleen en lui disant : « ça te manque trop, hein ? Bon, demain tu fais ton sac, direction Carhaix ! » Et dès le lendemain, il avait rejoint la salle presse, derrière Glenmor. Et pourtant, couvrir les Vieilles Charrues comme photographe, c’est pas une sinécure, surtout quand le festival dure quatre jours, que les concerts se répartissent en trois scènes principales (Xavier Graal, Glenmor, Kerouac) avec quelques incursions à travers la plaine de Kerampuihl, le Cabaret breton, sans oublier, le premier jour, le tracé du sillon en face du Manoir de Kerampuihl avec la (vieille) Charrue, toujours guidée par les mains expertes des frères Morvan et tirée (tout un symbole !) par le gratin des politiques locaux et régionaux. On pousse un peu des coudes pour faire le cliché-souvenir et tous les ans j’ai l’impression de faire du déjà vu sur ce coup-là, mais bon ! C’est pas grave… On applaudit les discours et alors on sait que cette fois, on y est presque. On boit un coup, on salue ses potes et puis un peu avant dix huit heures on s’approche de l’accès à Glenmor. On papote avec les mecs de la sécu, avec les bénévoles de la team fosse. Un dernier check, bouchons d’oreilles, coup d’oeil sur le boîtier et son caillou. Entrée dans la fosse, plus rien n’existe. Que la scène. Pendant le temps des titres autorisés, j’entre dans ma bulle, je deviens autiste, exclusivement focalisé par ce qui se passe sur scène, dédié à l’image, au cadrage, au choix de mes couples vitesse, diaphragme. Pendant la prise de vue, je suis tellement ailleurs, sur ma planète invisible, que je ne ressens aucun stress. Je suis simplement bien, sans doute en accord et en paix avec moi-même. Un moment rare en somme. J’ai en mémoire une phrase de Manu (un journaliste bénévole) qui évoquait les Vieilles Charrues : « le truc vraiment important, ici, c’est de se faire plaisir. Tous les gens qui participent en temps que bénévole à cette aventure humaine le font d’abord parce que ça leur fait plaisir. Tu vois, le secret de la réussite des Vieilles Charrues, c’est le plaisir ! » Tu as raison Manu. Encore une fois, on sera là cette année. D’ailleurs je viendrai aux Vieilles Charrues tant que mon corps voudra bien m’y porter ! Pour savourer ces instants uniques de plaisir, là-bas, à Carhaix, en Centre Bretagne, pour – excusez du peu – le festival européen de référence. Rendez-vous dans une petite dizaine de jours à CharruesLand, Carhaix. Tous aux Vieilles Charrues !