Je suis de ceux qui pensent que le projet de loi Création et internet n’est pas un bon projet, qu’il est inapplicable dans les faits, qu’il n’apportera rien aux artistes. Je ne suis pas un cas isolé mais je remarque que nombre de celles et ceux qui partagent mon point de vue sont des gens qui, chaque jour, sont dans la réalité d’internet. Je pense à Xavier Niel (patron de Free Iliad) qui s’est exprimé à maintes reprises sur Hadopi, en mettant en avant l’inapplicabilité de la Loi mais aussi son coût (il avance des frais techniques de 100€ par coupure d’abonnement ADSL). Et Xavier Niel agite aussi le spectre de la rupture sociale qui va toucher ceux dont l’abonnement serait suspendu, en avançant que Free ne suspendra ni le téléphone, ni la télévision d’un abonné pris en faute par Hadopi. Je pense à Marc Le Fur (député UMP) qui craint que cette Loi ne creuse encore le fossé entre le pays et sa jeunesse. Je pense à Yves Le Mouël (directeur général de la Fédération Française des Télécoms) qui assène un cinglant revers évoquant « une inefficacité probable et des coûts certains« .
En fait, ce qui est en train d’arriver avec la Loi Création et internet est un phénomène typiquement franco-français, qui consiste à ne jamais prendre l’avis de sources autorisées. Je ne conteste même pas la forme du projet de Loi, je mets simplement en avant son inefficacité programmée. Et puis il y a un autre truc qui me gêne, et plutôt deux fois qu’une, c’est lorsque je vois des artistes plutôt estampillés de gauche venir soutenir un projet résolument de droite. Ce matin, au petit déj’, je lisais le soutien actif de Juliette Greco, de Maxime Le Forestier, de Patrice Arditi… Et que penser de Bedos soutenant le projet de Christine Albanel ? Ôtez-moi d’un doute ! On parle bien de Guy Bedos, le pote à Desproges, le mec de toutes les luttes à gauche toute ? Remarquez, je vois assez bien le truc : « Monsieur Guy Bedos, secrétaire d’état aux Personnes âgées vous parle… » On se croirait dans un sketch (de Bedos).
N’en jetez plus ! On se demande comment les artistes vivaient avant que l’industrie du disque n’existe ? C’est simple, ils se déplaçaient, de ville en ville, se produisaient de concerts en récitals et les gens venaient et les gens payaient pour les entendre. Aujourd’hui, au fond, on nous demande de sauver une industrie qui n’a pas su adapter son modèle aux évolutions technologiques et surtout qui, à aucun moment, n’a accepté de remettre ce modèle en cause. Et, devant ses incapacités, cette industrie désigne les coupables du doigt : les internautes. Facile ? Pas sûr. Cette industrie feint d’occulter la réalité de ce monde. Depuis dix ans, les modes de consommation ont radicalement changé, de manière durable et irréversible et il est vrai qu’internet y a grandement contribué. Plutôt que d’opposer un arsenal répressif pour protéger des modèles définitivement obsolètes, il conviendrait plutôt de réfléchir. Et d’inventer un avenir.