Vieilles Charrues 2021 restera dans ma mémoire le millésime de tous les dangers. Cette édition aurait dû être, pour moi, la dix-huitième. Mais pour cause de Covid, elle restera marquée comme la dix-septième dans mon registre Charrues. Dix jours de concerts, c’était un pari audacieux (doux euphémisme) en ces temps de galère, de virus, de vaccins et de pass sanitaire. Drôle d’ambiance. Il fallait avoir du cran, ou un singulier sens de l’humour – voire les deux – pour se dire, on va le faire, contre vents et marées il y aura une édition 2021 des Vieilles Charrues. Quand j’ai entendu Jérôme (Tréhorel, Directeur Général du festival) annoncer cette édition sur Europe 1, pendant l’émission d’Émilie Mazoyer, quand je l’ai entendu lâcher malicieusement le mot plus, plus de quatre jours ? Plus… J’ai su que la team Charrues avait sorti la grosse édition. Dix jours ? Putain, dix jours ! Avais-je murmuré, pensant déjà au pari insensé que ça représentait…
Dix jours. Jauge réduite à 5000 personnes, une seule scène, gestion des pass sanitaires, sécurité, réorganisation globale du site de Kerampuilh. Cette édition de tous les dangers, c’était plus qu’un truc de fou. C’était une mission impossible. Avec le recul, aujourd’hui que le festival des Vieilles Charrues 2021 est derrière nous, je repense à ce que disait Mark Twain et qui colle parfaitement à ce qu’on a vécu. « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. »
• L’été invincible
Zapper cette édition, pour moi c’était du domaine de l’impensable. Il fallait que j’y sois, pour mille et une raisons. D’abord par fidélité, bien sûr. Mais surtout, pour voir les gens, dont beaucoup de mes ami•e•s. Parce que, comme le disait un jour le Francis (Cabrel, chanteur d’Astaffort) qui avait tout compris, « aux Vieilles Charrues, l’important c’est pas les artistes, c’est les Vieilles Charrues ! » Au terme de dix-sept éditions, je vais aux Charrues pour voir des gens que j’aime et ils sont généralement backstage. Du directeur au président (Jean-Luc Martin) en passant par le service presse (hello Claire), du NPS Nikon (salut Ludo) aux photographes (Mathieu, Pierre, Denoual, Olivier•s, Serge, Éric, Fred, …), de la programmation à la régie (hey Jacquito), des visages, des figures et tellement de sourires, finalement. Voilà, c’est ça mes Charrues. C’est un rituel, comme un point de repère dans l’année, ce que Albert Camus désignait par un été invincible.
• 500 jours sans voir un concert
Un peu plus de cinq cent jours sans un seul concert. Tricard depuis le 13 février 2020, autant vous dire que j’avais une grosse envie d’en découdre. De ressortir Nikon Z6 et mes cailloux, retrouver le pit des Charrues, les artistes sur scène et le public, ambiance inimitable. J’avais tablé avec gourmandise sur quatre jours, j’ai été invité à réduire la toile de moitié, pour finalement me concentrer sur une seule journée. Vieilles Charrues 2021, ça se résumerait donc à trois concerts. Pas beaucoup certes, mais mieux que rien. Ça serait au moins l’occasion de revoir les gens, mes potes et Kerampuilh. J’avais coché la date du 15 juillet, sans vraiment connaître les artistes du jour et comme toujours aux Charrues, je n’ai pas été déçu. Côté matos aussi j’ai réduit la toile. Cette année, le NPS (Nikon Pro Services) ne serait pas là, comme chaque année, pour épauler les photographes. Nikon Z6 et mes deux optiques de prédilection (Nikkor 24-70mm f/2,8S et 70-200mm f/2,8 VRII FTZ) me permettraient de couvrir largement l’intégralité de mes besoins photos.
• Vieilles Charrues 2021. Tout réinventer.
Jeudi 15 juillet 2021. On arrive sur site. En chemin, on croise Jean-Luc Martin, Président des Vieilles Charrues. Inénarrable Jean-Luc Martin, un sourire et une énergie à décorner les bœufs. Le ciel est bleu azur sur Carhaix. Ils l’ont fait et les gens sont venus. Aujourd’hui on va voir Malik Djoudi, Ben Mazué et Pomme, l’occasion de découvrir trois artistes en développement de la scène française. Je découvre la scène, implantée face au manoir de Kerampuilh, les gradins, le backstage. Pour l’occasion, l’emplacement de la scène Glenmor est transformé… en parking. J’assiste au contrôle des pass sanitaires, c’est très fluide et surtout les gens ont le sourire, savourant visiblement le plaisir d’être là. J’observe tout cela en imaginant le boulot de dingue que cette réorganisation a dû demander au staff des Charrues… Direction les bars et la restauration.
Les festivaliers profitent du soleil et du ciel bleu, attablés entre ami•e•s. Les jours qui ont précédé n’ont pas été aussi cléments, transformant une partie de la plaine devant la scène en marécage boueux, ce qui a contraint les organisateurs à remettre le site en état en comblant avec des montants pharaoniques de sable et de copeaux. Oui, décidément cette année, rien ne leur aura été épargné… N’empêche, aujourd’hui il fait un temps sublime et le sourire peut se lire sur tous les visages. On n’est pas bien là ? Une Coreff, un Breizh Cola, une crêpe… Les kids regrettent, de leur propre aveu, l’absence de camping, restrictions sanitaires obligent. Mais la bonne humeur est là, elle est palpable, elle se lit sur les visages. Fin d’après-midi, un détour au car régie pour claquer un check à mon pote Jacquito (sans intermittents pas de bamboche !) et voler à Émilie Mazoyer une brassée de sourires (elle n’en manque pas), je suis prêt. Direction la scène qui ne porte pas de nom mais dont j’espère qu’elle existera encore lors de prochaines éditions, pourquoi pas ?
• Un festival 100% associatif
Avant que Malik Djoudi n’ouvre le bal, Jean-Luc Martin, Président du festival, endosse la tenue de maître de cérémonie, rappelant au passage que ce festival est 100% associatif et qu’il n’existerait pas sans ses bénévoles et ses partenaires. Jean-Luc évoque aussi les travaux titanesques qui ont été réalisés pour parer aux aléas climatiques. Finalement, il prononce le nom de Malik Djoudi. Que la fête commence !
Malik Djoudi est en duo avec un bassiste clavier, lui-même étant aux claviers, à la guitare et au chant. J’ai lu dans sa bio qu’il avait pris des cours de chant avec Klaus Basquiz, membre du groupe Magma et ça n’a rien d’étonnant, à la façon que sa voix a de monter très haut dans les tours. Une voix perchée qui n’est pas sans rappeler celle de -M- mais sur un registre electro. C’est fluide, ça passe crème pour bien démarrer la soirée. Le temps d’aller saluer mes ami•e•s de la plateforme H, de retourner faire quelques clichés dans le public qu’il est déjà temps du concert de Ben Mazué.
Drôle de parcours que celui de Ben Mazué. Aller au bout des études en fac de médecine pour se dire que non, finalement, son kiff c’est de chanter, de tout plaquer pour se lancer à vingt-cinq balais dans une carrière d’auteur compositeur interprète ? Galérer de bars en bars, pendant dix ans pour décrocher un prix SACEM en 2006, puis le FAIR quatre ans plus tard. Bref, je voulais voir, j’ai vu. Sur le registre, dans cette façon d’être habité il y a un peu de Gainsbourg, voire de Ferré.
Ben Mazué parle comme il chante, nous raconte sa vie façon slam, qu’il ait collaboré avec Grand Corps Malade n’étonnera donc personne. Ben Mazué est sympathique et ça fonctionne, le public embraye. Quand il se fend d’un duo avec Pomme, par écran interposé et que la miss – qui passe juste après lui – montre furtivement son minois, le public exulte. Dans le viseur, c’est la fête car le garçon est des plus photogénique. Nikon Z6 et la 70-200 VRII ronronnent tranquillement et les images s’accumulent sur la carte CFX 128 giga…
• Pomme sans pépin. Girls rock.
La nuit tombe sur les Vieilles Charrues, il est temps de laisser la place à Mademoiselle Pommet, aka Pomme. Cette gamine (elle a vingt-cinq ans) écrit et compose ses chansons, mais pas seulement. C’est une interprète, au sens littéral du terme et pour le photographe, cette jeune artiste est une aubaine. Elle n’est pas sur scène depuis cinq minutes que je sais déjà qu’il va me falloir scruter le moment pour capturer l’envol du papillon.
Non contente d’avoir une voix délicieusement groovy, cette petite meuf, qui porte si joliment son nom, s’inscrit illico dans la lignée des grandes. Pas seulement de la chanson française, non. Pomme a de l’envergure, elle écrit, compose, elle est multi-instrumentiste et on sent qu’elle en a sous la semelle. Quel choix judicieux que nous ont fait Jeanne Rucet et Jean-Jacques Toux en programmant cette artiste attachante et à coup sûr pleine d’avenir. Un signe qui ne trompe pas, une fois sorti de la fosse, après une prise de vue dont je savais que c’était déjà dans la boîte, je suis resté dans le public un bon moment. Sentir la connivence avec le public. C’était gagné.
• Charrues 21. Souvenirs d’un été sans fin
Voilà, c’est déjà fini. Cette année, mon premier jour était aussi le dernier. J’ai repris la route vers Brest sans nostalgie, avec la satisfaction d’avoir été là. De ramener des images, pour témoigner. Pour pouvoir dire que j’y étais. C’était très étrange, cette édition Vieilles Charrues 2021. Une plaine de Kerampuilh vide, une scène délocalisée, trois concerts seulement quand, habituellement j’en couvre trois à quatre fois plus sur une édition normale. Qu’importe. J’y étais.
J’ai vu les gens que je voulais voir, qui m’ont manqué parce que je ne les avais pas revu depuis l’été 2019. Deux ans sans les retrouver, c’était cruel, plus difficile finalement que de ne pas faire de photos de concerts. Une fois au bureau, j’ai sauvegardé mes clichés sur mon NAS, mon pCloud, mes disques de travail et de sauvegarde, sans les regarder. Je les ai édités avec Capture One Pro 21 un mois et demi plus tard, pour revivre l’émotion de ce jour unique. Il y a beaucoup d’images, comme la récompense d’un été sans fin.
• merci au staff du festival des Vieilles Charrues. À Jérôme Tréhorel, Jean-Luc Martin, au service presse (Claire, Lucie, Katou), aux programmateurs (Jeanne et Jean-Jacques), à la régie (Jacquito), à Émilie Mazoyer (team caramels au beurre salé). Merci aux artistes (Malik, Ben, Pomme) et au public qui les a portés. La bise à R’née (rendez-vous en 2022). Last, but not least, merci à Thomas du Nikon Plaza et à Ludo du NPS (Nikon Pro Service) pour leur indéfectible soutien. A splendid time is guaranteed for all.
• crédit photo : Hervé « harvey » LE GALL, plus de photos sur cinquiemenuit.com