Cent jours. C’est peu et en même temps, c’est largement suffisant pour se faire une idée assez précise d’un matériel. À dire vrai, le titre est un peu mensonger. En réalité, voilà plus de six mois que j’ai en mains un Nikon Z, dans le cadre de mes tests terrain sur les boîtiers hybrides. Est-ce que je savais, à ce moment-là, que ma vie de photographe allait basculer ? Qu’elle allait prendre un virage pour le moins inattendu ? Que j’allais décider de plaquer le reflex qui m’avait accompagné toute ma vie pour aller vivre autre chose, avec cette étrange technologie – la visée réelle – dépourvue de miroir ?
Non. Franchement, résolument, non. Nikon Z s’est imposé à moi, comme une évidence. J’a trouvé mille raisons pour tirer ma révérence du monde de la visée reflex, trop ceci, pas assez cela. La première fois que j’ai regardé à travers le viseur électronique de Nikon Z, j’ai compris que plus rien ne serait désormais comme avant.
Visée réelle. Une autre approche de la photographie
J’ai conservé le Z6 que Nikon m’avait prêté. Pour me rassurer, confirmer ce sentiment d’être face à un boîtier d’exception, comme j’en ai rencontré peu dans ma vie. Deux boîtiers, à dire vrai, auront singulièrement marqué mon parcours. Canon F1, mon premier reflex. Puis Nikon D3s, trente ans plus tard. Deux boîtiers avec lesquels je me suis senti bien, à l’aise, en phase. La première fois que j’ai travaillé avec Nikon Z6, dix ans après D3s, c’est exactement ce que j’ai perçu.
À l’image de Nikon D3s, il y a dix ans, j’avais l’impression que ce boîtier avait été conçu pour moi. Il n’y avait qu’une seule façon de confirmer ce pressentiment. Inviter Z6 à m’accompagner sur mon terrain de jeu de prédilection, l’expérience photographique XXL sur la plaine de Kerampuilh, au festival des Vieilles Charrues. Cet été, j’avais programmé de couvrir, petite main, une vingtaine de concert. Résultat ? J’en ai tapé trente quatre. Une vraie boulimie d’images comme je n’en n’avais pas vécu depuis longtemps.
• Nikon Z. Le plaisir de la visée réelle.
Je suis arrivé à un âge respectable où le poids des ans se cumule au poids du matos. Alors oui, je l’admets volontiers, la perspective d’embarquer un boîtier plus léger n’était pas pour me déplaire, mais… Car en photographie, il y a toujours un mais. Ne vous y fiez pas, un boîtier ne fait pas tout, loin s’en faut. D’abord, Nikon Z6 pèse peu ou prou le même poids qu’un D500, il est juste moins encombrant et plus léger qu’un monobloc comme D4s ou D5. En revanche, les optiques, elles, c’est toujours du verre et du métal et là, pas de mystère.
C’est par l’optique que passe la lumière et plus on veut qu’elle passe bien, plus on veut ouvrir grand et que la qualité d’image soit au rendez-vous, plus il faut soigner la qualité du verre. Prenez un Noctilux M 75mm f/1,25 ASPH, chez Leica, par exemple. Neuf lentilles en six groupes, des verres rigoureusement sélectionnés, une conception et une construction garantissant un niveau de performance optimum. Le tout accusant plus d’un kilogramme (1055g très exactement). Le Noct 58mm f/0,95 tout juste sorti des usines Nikon est du même tonneau : 17 lentilles en 10 groupes pour un poids de… 2 kilogrammes.
• Nikkor 24-70 f/2,8 S. Ma chère optique.
En vérité je vous le dis, l’argument du poids plume du mirrorless plein format à visée réelle est largement battu en brèche, dès qu’il s’agit d’évoquer des optiques premium. Si je prends le cas de mon équipement de référence, à savoir Nikon Z6 pour le boîtier (680g), Nikkor 24-70mm f/2,8 S pour l’optique (875g), je dépasse allègrement 1,5Kg. Le poids de l’optique se justifiant, évidemment, par une construction qui ne laisse rien au hasard : 17 lentilles en quinze groupes, dont 2 lentilles en verre ED, 4 lentilles asphériques, traitement nanocristal et lentilles frontales et arrière traitées au fluor. Résultat des courses ? Dans le viseur, ça ne déçoit pas et la qualité d’image est somptueuse. Reste que cette optique coûte plus cher que le boîtier, c’est un choix. Sans compter que le range parfait (24-70mm) couvre 70 à 80% de mes besoins en reportage.
Pour le reste, je peux toujours compter sur mon adaptateur FTZ qui me permet de monter mes optiques Nikkor à monture F, comme l’excellent 70-200mm f/2,8 VRII. Du point de vue qualité d’image, rien à dire, en revanche pour ce qui est de l’ergonomie, je préfère travailler avec une optique S. D’ailleurs, il ne fait guère de doute que dès que Nikon dévoile son 70-200mm f/2,8 en monture S, je franchirai le pas. Sur le range grand angle, j’ai choisi l’excellent Nikkor 14-30mm f/4, une optique compacte et légère, parfaite pour partir en promenade et faire des clichés de paysage.
• Nikon Z6. Ses qualités.
D’abord et avant toute chose, il faut parler de l’autofocus, qui est à mes yeux absolument parfait. Mais soyons précis. Nikon Z6 n’embarque pas un autofocus mais des modes autofocus. Il convient donc de savoir adapter son AF à la situation. En revanche, dès que vous avez acquis la maîtrise de son AF, Nikon Z6 n’a absolument plus aucune limite. Vous pouvez aller chercher un point de focus minuscule de la taille d’une aiguille dans une botte de foin ! Même dans des conditions de lumière délicates, car la montée en iso est également au rendez-vous. J’ai poussé la molette à 6400iso sans état d’âme (et je n’ai guère besoin d’aller au delà).
Autre point positif, l’ergonomie. « C’est du Nikon ! » me disait récemment un ami en prenant mon Z6 en mains. C’est exactement ça, avec cette foule de petits détails qui m’enchantent. La visée réelle, le bouton i permettant un accès immédiat à mes principaux paramètres, le mode silencieux, les boutons paramétrables sur mon 24-70mm f/2,8 S, la ligne d’horizontalité dans le viseur, … Autant de points qui rendent mon travail fluide et agréable. Sans compter la connexion en bluetooth ou en wifi via l’application Snapbridge, bien utile sur mon iPhone.
Quant au slot unique de la carte XQD, c’est vraiment un détail. Il suffit de regarder la taille d’une carte XQD et celle d’un Nikon Z pour comprendre que Nikon ne pouvait pas loger un double slot XQD. Quant à ajouter un second slot SD, ça n’aurait guère été cohérent. Je travaille avec des cartes XQD de marque Sony et Lexar depuis des années, je n’ai jamais eu l’ombre d’un problème. L’arrivée prochaine du nouveau format CF Express et ses débits stratosphériques, compatible avec Nikon Z6 est une garantie de pérennité supplémentaire.
• Il a bien quelques défauts, ce Nikon Z6, non ?
La perfection n’étant décidément pas de ce monde, oui, certains défauts m’agacent singulièrement. D’abord, l’absence de grip. Pas tellement pour augmenter l’autonomie du boîtier, parce que de ce côté là, franchement tout va bien. Avec deux batteries supplémentaires, je suis tranquille pour un moment. Non, un grip, ça sert aussi à pouvoir bosser en mode portrait. Que Nikon n’ait pas prévu un grip pour Nikon Z est un truc qui me dépasse. Idem pour le GPS, il est vraiment dommage de ne pas pouvoir géolocaliser ses clichés.
L’autre point noir, c’est l’effet qui peut s’avérer désastreux en cas d’utilisation de l’obturateur électronique (c’est le cas en mode silencieux) avec certains éclairages (tubes fluorescents, LED). J’ai eu l’occasion de m’en rendre compte sur le terrain, en photo de concert. Ce n’est pas systématique et ça peut être corrigé en adaptant son temps de pose.
Quoi d’autre ? Un défaut qui n’en n’est pas un, évidemment. C’est le tirage mécanique ultra réduit qui rend le capteur très accessible. Pour reprendre l’expression d’un ami photographe, « Ton Nikon Z il a le cul à l’air ». Il faut donc être vigilant lorsqu’on change une optique, de bien veiller à protéger le capteur, particulièrement exposé pendant la manœuvre.
Bien veiller aussi, pour reprendre le conseil avisé d’un membre du NPS, de checker la propreté des bouchons arrière de chaque optique. Et pour le nettoyage, bannissez les spatules et autres solutions alcoolisées. Contentez-vous d’un léger petit coup de soufflette, de temps à autre, sur le capteur et les bouchons.
• Monture et roadmap
Nikon a produit avec la série Z un boîtier d’exception, à bien des points de vue. À commencer par cette monstrueuse monture S qui permet d’adapter sur Nikon Z à peu près toutes les optiques du marché. Monter du Canon FD sur un boîtier Nikon ne tient désormais plus du fantasme et le résultat n’a rien d’anecdotique. Et je passe sur certains détails dont on parle peu, comme les capacités de communication entre le boîtier et les optiques.
Puisqu’on parle d’optiques serie S, il convient de regarder avec attention la roadmap annoncée par Nikon, jusqu’en 2021. Nikkor 70-200 et 14-24 f/2,8 S vont rejoindre rapidement le catalogue, alors que Noct 58mm f/0,95 est déjà disponible. Un 50mm f/1,2 est dans la liste, comme un 60 et un 105mm macro. On note aussi un 18-140, un 24-200 et même un 200-600mm en monture S. Bref, d’ici deux ans, le catalogue devrait compter plus d’une vingtaine d’optiques Nikkor serie S. Sans compter la récente annonce d’un Nikon Z50 au format DX… La gamme Z prend donc de l’épaisseur ce qui en soit est plutôt une bonne nouvelle…
• La concurrence
Fujifilm, avec sa gamme X-Pro. Petit, élégant, racé, des optiques de (grande) qualité, capables de produire une image d’excellente tenue (en particulier en jpeg natif), le tout à un prix attractif. C’est de l’APS-C, avec une offre optique solide en particulier sur des focales fixes. L’argument prix a été attirant jusqu’à ce jour, il l’est nettement moins depuis les annonces de Canon RP et de Nikon Z50.
Canon, avec EOS R et sa déclinaison d’entrée de gamme RP, deux mirrorless plein format. Canon, fidèle à sa réputation d’opticien, a annoncé dans la foulée une gamme d’optiques RF en série L (dont un sublime 28-70mm f/2L USM… à un prix stratosphérique). Autant d’arguments susceptibles d’inciter la clientèle reflex équipée en Canon à se laisser tenter par l’hybride.
Sony, qui a longtemps fait la course en tête, se retrouve – paradoxalement – en position de challenger face à Canon et Nikon. La gamme A7 continue son développement, quand Sony A9 peine à trouver ses marques et sa cible, avec un niveau de ventes plus que modeste. La principale faille de Sony Alpha réside dans le choix de sa monture E, initialement développée pour un capteur APS-C. Un choix qui à moyen terme, risque fort de pénaliser la marque dans ses développements futurs. En clair, Sony A7 est un bon choix aujourd’hui mais qu’en sera-t-il demain ?
• En conclusion, Z est un choix pérenne
Le combo Z6 et Nikkor 24-70mm f/2,8 S fait désormais partie de mon quotidien et couvre la quasi intégralité de mes besoins en reportage. Ma besace en cuir, estampillée Nikon, pèse un peu plus de 2 kilos. J’ai rangé mon gros sac Lowepro aux archives et je n’utilise quasiment plus mon reflex (j’ai gardé un D500). Finalement, je crois que la plus belle vertu de ce boîtier et de son optique, c’est de m’avoir fait retrouver le plaisir de photographier.
Je pense que la visée réelle y est pour beaucoup et qu’elle va, à terme, modifier en profondeur la façon d’appréhender l’acte photographique. C’est ce que Vincent Lambert résume parfaitement dans l’avant-propos de son excellent ouvrage consacré à Nikon Z6, lorsqu’il évoque « une prise de vue beaucoup plus intuitive et projective des intentions esthétiques ».
Reste la qualité des images, d’un piqué et d’une précision remarquables, sans même évoquer la dynamique des fichiers édités dans Capture One Pro 12. Mais la vraie réussite de Nikon Z, c’est que ce boîtier d’aujourd’hui est pensé pour demain. C’est de ce point de vue qu’il se démarque singulièrement, à mon avis, de tous ses concurrents. C’est aussi pour toutes ses raisons que je l’ai choisi. Le couple taille de monture/tirage mécanique et ses capacités d’adaptation, les performances en matière de communication boîtier/optique, de stockage (XQD puis CF Express), sa gamme d’optiques série S, la qualité de sa visée réelle, sont autant de garantie de pérennité. Bref. La gamme Z a de l’avenir. On n’a pas fini d’en parler…
• Cet article n’est pas sponsorisé par Nikon. Mais si la marque jaune veut m’offrir un Noct 58mm f/0,95 pour mon anniversaire, franchement je ne dirai pas non.
• crédit photo : Hervé « harvey » LE GALL cinquiemenuit.com
chiffon dit
Là où ça se sent que ce boîtier est bon, c’est que j’ai jamais autant kiffé tes photos que depuis que tu les prends au Z6. Elles sont beaucoup plus nettes, plus osées, les couleurs plus vivantes. Donc, pour un photographe qui lit ce retour : le Z6, ça vaut le coup.
Pilon dit
Bonjour,
Merci pour ce retour d expérience avec Nikon Z6.
J ai envie de franchir le pas ,de céderr le D 750 pour Z6.
J ai es objectifs 24.70 et 70.2oo en f2.8,est ce que passer en f.4 serait pénalisant compte tenu de la stabilisation du boîtier…
Je fais tous les types de photos,rue paysage,bientôt un peu de studio..
Merci d avance pour vos conseils.
Cette interrogation est liée au poids du matériel tout en gardant la qualité et possibilités photographiques.
Au plaisir de vous lire.
Michel Pilon
Gerard Machot dit
Voilà quelqu’un qui dit ce qu’il pense! C’est bien! En Photographie, comme pour le reste d’ailleurs, on est souvent confronté a une sorte de language » convenu » , de conservatisme ou d’idées ou a priori qui ont la vie dure..Parler » vrai » de ses ressentis, émotions face a un matériel nouveau, n’est pas interdit surtout quand l’auteur est experimente.Certes c’est le photographe qui fait la photo, et quelque soit le support ou matériel utilisé, il créera une image propre a sa vision, ressenti, émotion etc….Néanmoins, je partage l’impression de l’auteur de cet article, sur cette visée électronique, moults fois( et encore controversée) qui permet quand on a l’expérience du matériel » d’avant », ce qui est mon cas, et au tout début de l’argentique notamment.A une certaine époque pas si lointaine, les « viseurs, »- quand il y en avait -frisaient l’épouvantable! On était en noir et blanc, pas de flash(électronique) etc..et plus tard lors du basculement ou le numérique s’est imposé où il a quand même fallu attendre que les ,, »capteurs » évoluent de manière a pouvoir obtenir de grands tirages, On ne peut bouder son plaisir d’avoir entre les mains un » hybride »..Utilisant depuis de longues date du materiel photographique » pour les utilisations spécifiques de ma démarche photographique personnelle, j’ai eu l’occasion d’utiliser un grand nombre d’appareils toutes marques, tous supports, tous formats.Bien sur, cela ne fait pas de moi un » expert » simplement un utilisateur qui a un avis sur le matériel qu’il a utilisé, et en marge de toute logique consumériste ou médiatique..N’ayant pas acquis de Z6 ni Z7, j’ai retrouvé les impressions décrites dans l’article par l’auteur ou il dit que plus rien ne sera comme avant.En effet, avec le , »petit » Z 50,(que j’ai » ose » substituer a mon D 500) » bas de gamme » pour ceux qui sont addicts a un » classement » par rapport a tout ce que j’avais utilise jusqu’alors, j’ai ressenti au contact de cet appareil une satisfaction rarement éprouvée auparavant.L’ergonomie d’abord, quand on vieillis, on n’est plus trop enclin à trimballer un fourre tout voire une valise bourrée de matériel, boitiers, objectifs.,accessoires, et on » s’adapte » – surtout quand on est professionnel,- a voyager « léger » , je ne m’etendrai pas sur le sujet- chacun faisant comme il lui convient-en disant que j’ai plusieurs appareils en fonction des sujétions photo auxquelles je suis confrontees-Mais a mon avis, la compacité de ces » hybrides » est un vrai plus..Un coup d’oeil dans le viseur suffit pour moi d’emporter ma conviction. » Voir en Noir et Blanc » sa photo, par exemple, ou photographier dans une quasi obscurité sont pour moi des atouts indéniables! Car » avant » pas de lumière, pas de Photo! Chacun en fonction de de ses choix, idées.affects ou goûts personnels peut avoir des idées différents, c’est logique, mais il m’a semblé que cela pouvait être utile que je donne mon modeste point de vue en tant » qu’utilisateur.