Voilà, c’est fini. Le test hybride visée réelle, entamé en début d’année, a été long et plein d’enseignements. Quatre marques, que je n’ai pas choisies par hasard. Les deux premières, Fujifilm et Sony, sont sur le terrain des hybrides depuis plusieurs années. Les deux suivantes, Canon et Nikon, leaders sur le segment du reflex numérique, viennent d’arriver. Les deux marques historiques sont bien conscientes que le monde a changé, qu’il a évolué. Qu’elles ne peuvent pas laisser le champ libre ad vitam æternam à une seule marque (comprendre Sony) sur le segment de l’hybride visée réelle plein format.
Pas plus d’ailleurs qu’elles ne peuvent tolérer de se faire manger des parts de marché par des marques occupant le segment de l’APS-C, comme le fait Fujifilm. L’empire du milieu devait contre-attaquer, c’est ce qu’ils ont fait. Mais proposer une nouvelle gamme ne se fait pas du jour au lendemain. Lorsque vous avez tenu entre vos mains un Canon EOS R ou un Nikon Z au Salon de la Photo, en novembre 2018, soyez bien conscients que ces appareils étaient dans les cartons depuis trois ou quatre ans. Alors, affirmer que Canon et Nikon étaient à la ramasse de Sony, franchement, ça tient juste de la blague. Mais qu’importe. Les deux éternels concurrents sont désormais dans la boucle, avec des propositions qui tiennent la route et il va falloir compter sur eux.
Hybride visée réelle. Lequel choisir ?
Pour ce test hybride visée réelle, mes problématiques étaient multiples. D’abord, mon regard sur l’hybride, étant un photographe équipé depuis toujours en reflex – Canon, puis Nikon – et ne jurant que par la visée reflex. J’ai toujours appréhendé la visée électronique avec une bonne dose de défiance, puisque, contrairement à la visée reflex, la visée électronique est une interprétation de la réalité. En même temps, ce que je viens à l’instant d’exprimer, représente l’un des atouts majeurs de l’hybride et ça tient en deux mots. Visée réelle.
Finalement, tester Fuji, Sony ou Canon ne me posait pas de difficultés. En revanche avec Nikon, j’avais un vrai problème de conscience. Nikon, c’est la marque que j’utilise, que je conseille souvent, que je revendique depuis près de dix ans. De deux choses l’une. Soit le bashing dont la marque jaune a été la cible depuis le lancement de la gamme Z était justifié (AF à la ramasse, gestion des hauts iso calamiteuse, j’en passe et des meilleurs) et je serais contraint de le dire. Soit c’était du flan, de la parlotte de café du commerce et je serais sans aucun doute suspecté de favoritisme pour ma marque de référence. Ah ! Et tant qu’on y est, non, je n’ai pas testé Lumix pas plus que je n’ai testé Leica. Bref, voici donc le résumé de mon test hybride visée réelle, avec mon ressenti, brut de décoffrage.
1- Fujifilm X-T3. Un grand oui.
Il a été mon premier test hybride, celui par lequel le séisme est arrivé. C’est avec Fuji X-T3 que j’ai vécu mes premières véritables émotions dans le domaine de l’hybride à visée réelle. Avec lui, j’ai savouré le plaisir d’un boîtier capable de travailler dans un silence absolu, avec une qualité de viseur et un confort de prise de vue assez exceptionnels. À ma grande surprise, je n’ai pas vraiment rencontré d’opposition majeure en matière d’ergonomie. Fuji X-T3 est un boîtier facile, léger et d’une élégance définitive avec son look vintage ravissant. La gamme optique est vaste et de grande qualité. Quant aux images produites, rien à dire. Les fichiers jpeg sont simplement sidérants de qualité. Finalement, le seul argument qu’on peut opposer à X-T3 c’est son format APS-C. En revanche, du point de vue tarifaire, l’argument est là. Pour un budget de 2500€ vous avez un boîtier X-T3 et des optiques de grande qualité. Est-ce que je conseillerais Fuji X-T3 ? Sans aucun doute. C’est un excellent choix.
J’ai aimé : l’ergonomie, la légèreté, la qualité des optiques Fujinon, la qualité des images produites, le confort de la visée réelle, le design, le prix supra attractif.
J’ai moins aimé : le format APS-C, une durabilité à vérifier dans le temps.
2- Sony A7 Mark III. Maximo leader.
Quand j’ai sorti Sony A7 Mark III du carton, je l’ai regardé et je lui ai dit « Alors ? C’est toi le caïd ? On va voir de quoi tu es capable ! » Et honnêtement, j’ai vu. Il faut reconnaître à Sony qu’ils ont été les premiers à s’engouffrer sur le segment hybride visée réelle disposant d’un capteur plein format. D’ailleurs, il est important de noter que lorsque Sony a porté Alpha sur les fonds baptismaux, le choix de le doter d’un capteur fullframe s’est fait sur le tard. On réalise aujourd’hui que c’était un pari très audacieux, compte tenu du diamètre de sa monture. En tout cas Sony l’a fait, c’était bien vu. Un boîtier léger, très anguleux, doté d’une ergonomie pas très simple mais en revanche totalement paramétrable. Restait à tester l’autofocus et de ce côté, il faut l’admettre, c’est un sans faute. Et encore ! J’ai testé A7 Mark III avec une optique dite basique (Sony 50mm f/1,8). Quant à la qualité des images produites, rien à dire, c’est parfait.
Restent les sujets qui fâchent. Le choix historique du double lecteur SD, mais c’est un détail. L’endurance, mise à mal dans le cadre d’un test un peu trash, qui n’est pas de bonne augure dans le cas d’une utilisation dans des conditions climatiques un peu extrêmes. Non, pour moi la véritable problématique de l’offre Sony tient dans la taille de sa monture, héritée de la gamme NEX, un appareil au format APS-C. Sony a réussi le tour de force de caser son capteur plein format dans une monture pensée, conçue et réalisée pour un capteur APS-C. Il suffit de regarder le capteur d’un Sony A7 partiellement masqué par sa monture pour comprendre qu’à terme, ce diamètre de 46,1mm ne tiendra pas la distance. En clair, Sony A7 aujourd’hui, pourquoi pas ? Mais quid de demain ?
J’ai aimé : la perfection de l’autofocus, la qualité des images, l’ergonomie paramétrable, la gamme optique G Master
J’ai moins aimé : la taille de la monture, le format SD du double lecteur, l’endurance et la durabilité
3- Canon EOS R. Colorimétrie unique.
Canon est entré dans la danse, mais pouvait-il en être autrement ? Non, bien sûr. À un mois d’écart avec son historique challenger, Canon a annoncé sa nouvelle gamme EOS R. La nouvelle monture a la même taille que la monture EF équipant la gamme reflex. C’est d’ailleurs cette taille de monture qui a permis à la marque rouge de proposer pendant des années des optiques ultra lumineuses. On se souvient du mythique EF 85mm f/1,2L entre autres merveilles. D’ailleurs l’annonce de Canon EOS R (rapidement suivi de EOS RP, une version light du précédent) s’est accompagnée d’un déluge d’optiques toutes plus fascinantes (et chères) les unes que les autres. Restait à tester cet EOS R sur le terrain. Une ergonomie très ronde, très douce, très Canon. Une souplesse à la prise de vue, avec la possibilité de piloter un AF (très réactif) en tactile, un double obturateur qui protège le capteur, des adaptateurs pour monter des optiques EF qui raviront les possesseurs de reflex Canon…
Naturellement, le meilleur réside dans la qualité premium des images produites par EOS R. On retrouve indubitablement cette colorimétrie qui n’appartient qu’à Canon, cette « touch » que d’aucuns désignent sous le terme de « velouté de couleurs Canon » et qui n’a rien d’anecdotique. Les photographes équipés de la marque rouge en reflex auront donc toutes les bonnes raisons de choisir EOS R. Et s’ils rechignent à investir un budget trop important, ils pourront toujours faire quelques pas en compagnie d’EOS RP, un hybride plein format sous la barre des 1500€ TTC. Autant dire un sérieux concurrent pour Fujifilm.
J’ai aimé : la qualité des images produites, la colorimétrie, l’ergonomie très EOS, le double obturateur, la collection d’optiques déjà disponibles, la gamme d’adaptateurs, un modèle light (EOS RP) plein format à moins de 1500€
J’ai moins aimé : l’absence de stabilisation boîtier, les fonctions vidéo singulièrement bridées par Canon
4- Nikon Z6. C’est mon choix.
Deux jours avant de recevoir Nikon Z, j’ai contacté Nikon pour leur demander s’il était possible de décaler le test de quelques mois. Le colis était déjà parti. J’ai entamé ce test avec une bonne dose d’angoisse. Et si tout ce que j’avais entendu à propos de ce boîtier était vrai ? Un AF désastreux, une montée en iso déplorable. Pour me rassurer, j’ai appelé des amis qui travaillaient déjà avec Nikon Z. L’un d’eux m’a dit en substance de faire abstraction de tout ce que j’avais entendu. C’est ce que j’ai fait. J’ai testé Nikon Z6 en toute impartialité et je n’ai pas mis longtemps à réaliser que je tenais là un des meilleurs boîtiers jamais testés. Un choc. Je n’avais pas vécu ça depuis Nikon D3s. Et encore, j’ai testé Nikon Z6 avec la première version du firmware. En résumé, Nikon a produit avec Z la quintessence de l’APN à visée réelle.
L’autofocus, tant décrié, s’est avéré simplement parfait. Et avec la mise à jour du firmware, on a gagné encore quelques crans. Je ne vous reparle pas de l’ergonomie, du bouton i, d’un boîtier hautement paramétrable, non. J’ambitionnais juste un test terrain, en me disant qu’un jour, peut-être, j’aurais un Nikon Z. À l’issue de mon test avec Nikon Z6, j’ai réalisé que c’était acté. J’étais prêt, convaincu, emballé c’est pesé ! J’allais changer de monde. Quitter la visée reflex, adopter un hybride visée réelle. Que le plus tôt serait le mieux. Parce que travailler dans un silence absolu, tous feux éteints, en mode furtif, et taper de l’image parfaite, pour le photographe de jazz que je suis, c’est du rêve.
Pourquoi choisir Nikon Z6 ? Réponse évidente à mes yeux, parce que Nikon Z est la symbiose entre le passé, le présent et l’avenir. Le passé, c’est la possibilité pour le photographe équipé en Nikon d’utiliser ses optiques Nikkor, donc de pérenniser ses investissements. Le présent, c’est un boîtier ultra performant, véloce, capable de produire des images parfaites. L’avenir, ah ! L’avenir… C’est tout ce que les choix faits par les ingénieurs de Nikon corp. vont permettre d’envisager. Cette énorme monture et ce tirage mécanique ultra court vont permettre à Nikon de créer des optiques qui n’existent pas aujourd’hui. Le Noct 58mm ouvrant à f/0,95 n’est que le début de l’histoire ! Le choix du stockage XQD qui à terme va migrer vers la carte CompactFlash Express (CFX). Sans oublier la gamme Z qui est, naturellement, appelée à s’étendre vers de nouveaux horizons, parmi lesquels on trouvera sans doute un modèle Z au format APS-C. À l’issue de mon test, je me suis senti soulagé. Oui, sans l’ombre d’un doute, Nikon Z est un excellent choix. La meilleure preuve ? Depuis que je travaille avec Nikon Z6, mes reflex D4s et D500 dorment dans mon placard…
J’ai aimé : la performance de l’AF, l’ergonomie, la qualité des images, les optiques (mention spéciale au 14-30mm f/4), l’adaptation des optiques Nikkor, la taille de la monture, le lecteur XQD upgradable en CFX
J’ai moins aimé : l’absence de grip (et prise de vue en mode portrait).
• En conclusion
Il ne vous aura pas échappé que je n’ai pas évoqué l’autonomie. C’est le talon d’Achille de tous les hybrides, toutes marques confondues. Quelque soit votre choix, vous devrez prévoir des batteries de rechange (voire un grip), selon la durée de vos sessions. Les quatre boîtiers testés présentent tous d’excellentes qualités. Si vous cherchez un petit hybride sympa, léger autant en poids qu’en prix, capable de sortir une image d’une excellente qualité, je vous conseille Fujifilm X-T3. C’est un hybride visée réelle parfait pour partir en vacances, aussi bon pour faire du portrait que du paysage. Son look vintage, sa grande discrétion en font un partenaire d’une grande efficacité. Gardez à l’esprit que c’est un APS-C, même si l’argument n’est pas fondamental.
Du côté des pleins formats, c’est une autre histoire. Entre Sony, Canon et Nikon, pour moi aucun doute possible, le meilleur choix possible c’est Nikon Z6, qui s’est avéré parfait à tout point de vue. Il se murmure que Nikon pourrait annoncer un modèle APS-C (format DX). Nikon serait donc sous peu présent sur les deux segments, plein format et APS-C. J’imagine que la grille tarifaire d’un modèle Nikon Z au format DX va en toute logique être très attractive, probablement autour de 1500€ voire moins, sachant qu’un Z6 se négocie aujourd’hui autour de 2000€ TTC. L’argument tarifaire de Fuji ne va à mon avis plus tenir très longtemps, d’autant qu’en embuscade se tient aussi Canon et son EOS RP plein format.
Et Sony dans tout ça ? Je pense que Sony va devoir prendre en compte la concurrence des deux géants que sont Canon et Nikon. Sony va sans doute encore surfer sur le succès pendant quelques temps, bénéficier de son aura. La marque nippone a une longueur d’avance, certes, mais pour combien de temps ? Au risque de me répéter, le choix de la monture Sony risque d’être un frein en matière de développement, à l’avenir. Sans compter que le parc de photographes professionnels équipés en reflex va migrer doucement vers l’hybride. Il se passera du temps et ce délai va permettre à une marque comme Nikon d’asseoir et de conforter sa gamme Z. Est-ce pour autant une erreur aujourd’hui que d’acheter un Sony A7 ? Non, bien sûr. C’est un excellent APN, très réactif mais selon moi pas très pérenne.
Pour moi, le choix est fait, ça sera Nikon Z6, deux optiques (14-30mm f/4 et 24-70mm f/4), un adaptateur FTZ pour utiliser au besoin mon 70-200mm f/2,8 VRII. Je vais conserver mon reflex D500 pour certaines tâches qui ne nécessitent pas de discrétion, en studio par exemple. En revanche, le mode silencieux de Nikon Z6, la possibilité de travailler uniquement au viseur, sont pour moi des arguments des plus précieux. Quant à la précision (redoutable) de l’AF, tant en mode spot qu’en mode continu, je suis sûr qu’elle va s’avérer essentielle, au prochain festival des Vieilles Charrues, que j’ai bien l’intention de couvrir en étant exclusivement équipé en Nikon Z.
• merci à Fujifilm, Sony, Canon et Nikon pour leur confiance.
• cet article n’est pas sponsorisé.
Nico dit
Bel article 👏
Mickaël Lambert dit
Joli test. Je viens de decouvrir ce site par hasard en cherchant sur internet des arguments pour m’aider dans mon achat d’un apn full frame.
Je suis sur un D7500 que j’adore mais je souhaite passer en plein format (surtout pour les conditions peu lumineuses).
Et j’avoue qu’en ce moment ce n’est pas simple de se décider entre réflex et hybride puis quelle marque, puis qu’elle optique…… Bref. Je me disais au depart je pars sur le successeur du D750 mais je commence à me dire qu’il n’y en aura peut-être pas, puis sa monture n’est pas l’avenir.
Maintenant je vise un hybride. J’ai testé le sony. Pas trop mal mais je veux pouvoir prendre des photos même si le temps est humide et ça n’est clairement pas possible pour lui. Les canons ne me bottent pas du tout (fonctions vidéo à l’ouest, pas de joystick). Le fuji est en APS-C donc non. Il me reste le choix entre Z6 et lumix S1.
Avez vous prévu un test de ce dernier ??
En tout cas merci pour votre avis sur le Z6.
Hervé LE GALL dit
Pour moi, le choix est fait, c’est Nikon Z6. Et plus j’avance dans la connaissance de ce boîtier, plus je découvre des fonctionnalités que j’avais complètement zappées. Bref, mon D4s est en vente, mon D500 je ne l’utilise plus qu’en studio. Pour le reste, tout le reste c’est Z6. Pour un photographe déjà équipé en Nikon, impossible de conseiller autre chose que Nikon Z en mirrorless visée réelle.
Concernant Lumix, non je ne l’ai pas testé et je me méfie terriblement des mouvements de sympathie pour telle ou telle marque, comme des mouvements de bashing dont des marques comme Canon ou Nikon ont été victimes. Le seul conseil que je puisse vous donner, c’est de tester vous-même le matériel avant de l’acheter et quand je dis tester c’est sur une journée au minimum. Soit en se faisant prêter le matos ou en carrément en le louant.
Concernant Nikon Z6 je dis et je redis, ce boîtier est une merveille et en plus c’est un boîtier qui a de l’avenir (monture, tirage mécanique, lecteur XQD évolutif).
Mickaël Lambert dit
Ayé j’ai craqué ! J’ai acheté mon Z6 et c’est de vôtre faute 😁.
Merci pour vos tests. C’est un plaisir à lire.