Mirrorless Nikon Z, dual slot, le faux débat du double lecteur

Le nouvel APN mirrorless Nikon Z vient de sortir et comme toute nouveauté technologique, il apporte son lot de fonctionnalités inédites, mais aussi sa brassée de critiques. Je passe rapidement sur les critiques trollesques des amateurs de la planète Alpha qui nous ont joué la partition de Nikon à la ramasse de Sony, sur tous les tons. Soyons sérieux deux secondes. On ne peut à la fois être et avoir été, avoir critiqué la marque jaune pendant des années sur le fait qu’elle n’était pas présente sur le segment de l’hybride et le jour où la marque nippone se décide enfin à y aller, lui reprocher de développer ce segment de marché. Il était évident que Nikon préparait sa grande mutation du mirrorless, et ce depuis plusieurs années.

Car c’est de cela dont il s’agit. L’annonce par Nikon corp. d’une gamme mirrorless est un évènement considérable, une secousse tellurique digne de la dérive des continents. Avec l’arrivée de Nikon sur le marché du mirrorless, avec celle programmée de Canon qui devrait annoncer son EOS R cette semaine, on assiste en ce moment à l’avènement d’une nouvelle ère. La fin d’un monde jurassique, celui de la visée reflex, la naissance d’une nouvelle technologie. Normal donc, que certaines dents grincent. Il y a une quinzaine d’années, le numérique signifiait la fin de l’argentique, aujourd’hui le mirrorless Nikon Z se débarrasse du dernier vestige de la photographie classique, la visée reflex, au profit d’une visée électronique. L’œil ne regarde plus la réalité mais observe une réalité interprétée, ce qui ne devrait manquer de dérouter plus d’un photographe, même si Nikon insiste sur la terminologie de visée réelle, à voir donc, si j’ose dire. L’autre sujet du jour qui fait débat, c’est la présence d’un slot unique. Exit le double lecteur (le dual slot), Nikon n’embarquera qu’une seule et unique carte mémoire…

Mirrorless Nikon Z, un vrai faux débat

• Qui a peur du simple slot ?

Il n’en fallait pas plus pour que le débat autour de ce détail somme toute mineur (on va y revenir) ne s’envenime et devienne le sujet de toutes les polémiques. Certains utilisateurs se sont étranglés à l’annonce d’un slot unique. « Pas de double slot c’est no way pour ma part. Trop habitué au confort moral d’avoir mes fichiers enregistrés en doublette en reportage. » Ah fichtre ! C’était donc ça. L’utilisation du double slot en mode backup. Oui, car pour ceux qui l’ignorent, lorsque votre APN est équipé d’un double lecteur, vous pouvez le paramétrer de différentes façons. En mode backup, vos photos sont dupliquées sur la seconde carte lors de la prise de vue. En mode débordement, quand la première carte est pleine, les photos sont copiées sur la seconde carte. En mode sélectif, les photos sont stockées sur la carte de votre choix, les vidéos sur l’autre carte. Pour ma part, comme je pense pour une grande majorité de photographes, j’ai toujours travaillé en débordement, premier point. Ensuite, je dois avouer qu’utilisant des cartes XQD 64Go, je n’arrive (quasiment) jamais au point de débordement. Reste la sécurité.

En ce qui me concerne, j’ai une quinzaine d’années de pratique en photo numérique et je dois à la vérité de dire que je n’ai jamais, je dis bien jamais, rencontré la moindre défaillance d’une carte mémoire. Jamais, pas une seule fois. Cela dit, j’ai toujours utilisé des cartes mémoire de qualité, type SanDisk Extreme Pro, Sony ou Lexar en XQD. Alors la présence d’un simple slot sur le mirrorless Nikon Z m’indiffère totalement et je ne pense pas que ça soit un argument solide qui va jouer en la défaveur de Nikon. Et pour paraphraser Sebastião Salgado, à qui on demandait s’il n’avait pas peur de perdre ses clichés il avait répondu : « Si, surtout lorsque je bossais en argentique, on avait pas le Dual Peloche. »

• Pourquoi Nikon a choisi le simple slot ?

En revanche, ce qui m’intéresse beaucoup plus et c’est à mon avis la question qui doit être posée, c’est pourquoi diable les ingénieurs de chez Nikon ont-ils pris le parti de doter leur mirrorless Nikon Z d’un simple slot ? La réponse est toute simple. Parce qu’ils n’ont pas eu le choix, d’une part et que les ingénieurs de chez Nikon voient plus loin que le bout de leur nez, d’autre part. En tant que vieux briscard de la marque jaune, de ceux qui bouffent du Nikon matin, midi et soir comme me le rappelait très aimablement un twittos, je vous livre ici mon analyse.

Première question, essentielle, que vous devez vous poser. Qui va acheter le mirrorless Nikon Z ? Des photographes, bien sûr, dont un certain nombre, non négligeable, est déjà équipé en Nikon et vient du monde de la visée reflex. Ces gens-là utilisent déjà, pour la plupart, le format XQD sur leur reflex D4, D4s, D5 ou sur le D850 ou D500. Nikon les invite à les suivre vers le nouveau monde et pour que la transition soit douce, les assure qu’ils pourront continuer d’utiliser leurs optiques Nikkor à monture F (via l’adaptateur FTZ) et leurs cartes XQD. Oui, ces mêmes cartes XQD qui leur ont coûté une blinde, accessoirement, même si de vous à moi, quand vous avez investi dans un reflex à 5K€ et des optiques à 10K€, le fait d’acheter une ou deux cartes Sony XQD série G 64Go à 140 balles HT ne vous fait pas frémir les narines plus que ça. Bref, Nikon s’adresse à une population majoritairement équipée de cartes XQD, un format que la marque jaune a défendu, revendiqué (à juste titre d’ailleurs). On les voit mal équiper le mirrorless Nikon Z de cartes SD aux débits minables*, oui minables on va y revenir. Premier point, donc. Nikon a fait de le choix du format XQD car c’était le seul choix possible, ce qui nous amène au point suivant.

(*Dans le visuel ci dessous, je montre une carte SD XC II qui atteint 300MB/s mais la majorité des cartes SD évolue la plupart du temps plutôt autour de 95MB/s.) 

• Le choix de Sophie

Quel type de carte pour Nikon Z ? C’est la quadrature du cercle, le dilemme, l’impasse, le choix de Sophie pour Nikon. Si on choisit d’équiper notre mirrorless Nikon Z d’une carte XQD, on est coincés, car on n’aura pas la place physiquement d’en loger une seconde. J’imagine le choix cornélien auquel les ingénieurs de chez Nikon ont été confrontés. D’ailleurs ce débat autour du slot unique a donné lieu à un échange des plus savoureux sur Facebook, entre un photographe et le responsable du service pro de Sony France. Le photographe : « À dire vrai, je suis curieux de savoir pourquoi Sony n’utilise pas leur carte au format XQD le plus rapide, dans leur propre appareil photo ? (…) » Et le responsable de Sony de répondre : « Peut-être parce qu’il est plus difficile de loger un dual slot au format XQD dans un appareil photo hybride compact… » Naturellement, le propos est d’autant plus intéressant lorsqu’on sait que le responsable du service pro de Sony France n’est autre qu’un ancien de chez… Nikon ! En tout cas, cet échange a le mérite de poser les vraies bases du débat. D’un côté Nikon, qui choisit la pérennité et la performance. De l’autre Sony, qui joue la carte du dual slot, quitte à utiliser le format SD, sous les performances du format XQD. Et là, maintenant, on arrête de parler de 2018, si vous le voulez bien. On parle de demain et vous allez voir que vos chakras vont s’ouvrir et que vous allez comprendre ce qui a vraiment motivé Nikon.

• Le syndrome mini jack d’iPhone

Ils sont loin d’être idiot chez Nikon corp. Ces gens réfléchissent, ils ne se contentent pas de penser à aujourd’hui, ils pensent aussi à demain. C’est sans doute pour ça, d’ailleurs, que j’ai choisi de bosser en Nikon, il y a presque dix ans. Aujourd’hui, ça peut vous sembler essentiel d’avoir un double slot et je vous fiche mon billet que d’ici à quelques années, le dual slot sera au moins autant le cadet de vos soucis que l’absence de mini jack sur votre iPhone. Vous vous souvenez ? Quand Apple a annoncé l’abandon du mini jack sur iPhone ? Qu’est-ce qu’on n’a pas entendu, surtout chez Google qui, en annonçant le nouveau smartphone Android, insistait bien, avec beaucoup d’ironie, sur la présence d’un mini jack pour brancher votre casque audio. Sauf que moi, mon casque audio, ça fait belle lurette qu’il est sans fil et bluetooth, alors la prise mini jack, hein ? Bref, ça n’a pas empêché Google d’emboîter le pas d’Apple, un an plus tard, comme d’habitude diront les mauvaises langues. Le dual slot, c’est un peu pareil. D’abord, parce Nikon regarde devant, contrairement à Sony qui regarde derrière, alors que Sony fait partie du pool industriel qui a créé le format XQD. Bref. Nikon équipe son mirrorless Nikon Z d’une carte XQD, une carte unique. C’est un choix raisonné, raisonnable et stratégique, en attendant mieux. En attendant CFExpress, ses capacités monstrueuses (jusqu’à 4To), ses débits stratosphériques (1400MB/sec) dont le format, identique à celui de XQD, est déjà compatible avec le mirrorless Nikon Z. Comme disait Debra Morgan : « Size matters. » Et pas que la taille, le débit aussi. C’est tout ? Non, c’est pas tout.

• Une longueur d’avance pour demain

Imaginez deux secondes le monde de demain. D’ailleurs vous le voyez comment le monde de demain, vous ? Pour ma part, je le vois ultra connecté et communiquant, capable de réaliser la synthèse de tous les médias. Photo ou vidéo numérique, stockage décentralisé, cloud, … Et au centre du dispositif, un accessoire qui ne vous quitte jamais, votre smartphone, connecté au reste du monde en 5G. Une technologie-clé qui arrive, elle est prévue pour 2020 (après-demain, donc), et va permettre d’échanger des données cent fois plus rapidement qu’aujourd’hui en 4G, avec des débits de plusieurs gigabits par seconde. L’ère du tout internet où tout ce qui est capable de produire des données numériques sur la planète va pouvoir communiquer en temps réel. Il ne vous a pas échappé que Nikon Z embarque wifi ? Un jour prochain, vous pourrez transmettre une sauvegarde de vos prises de vue, en temps réel, à un ordinateur distant ou vers un cloud. En attendant ce jour, Nikon vous propose le format XQD, le plus performant de sa génération, en attendant CFExpress qui va littéralement pulvériser les compteurs. En conclusion, c’est juste une question de timing. Car c’est acté, CFExpress est le nouveau standard, tout le monde y viendra, Canon, Sony et les autres, tout simplement parce que les performances de ce format sont sans égal. C’est le choix que Nikon a fait, en voyant un peu plus loin que 2018, en imaginant le monde de demain. À ce titre, je suis convaincu que Nikon a fait le bon choix et prend déjà une longueur d’avance, un peu comme Apple l’a fait avec iPhone. Et puis tiens, puisque je vous parle d’Apple, il me revient en mémoire la question posée par Steve Jobs, lorsqu’il avait rencontré en 1983 John Sculley, le PDG de Pespico, pour le convaincre de rejoindre la firme de Cuppertino. « Souhaitez-vous passer le reste de votre vie à vendre de l’eau sucrée ou bien avoir une chance de changer le monde ? » Une vision d’avenir. On connaît la suite. Mille milliards de dollars.