Tramway. Porte de Versailles, terminus. Comme chaque année, j’ai souri en entendant annoncer la station Jacques-Henri Lartigue. J’aime bien le tramway, qui me conduit de la Défense à la porte de Versailles pour rejoindre le Salon de la photo 2017. Lorsque j’arrive devant le hall d’entrée, comme chaque année, la même sempiternelle question me revient en tête. Qu’est-ce que je fais là ? Ça fait belle lurette que les annonces matériels ne me font guère plus frissonner, alors pourquoi je viens chaque année ? Parce qu’ici, j’ai plein d’amis, pardi. Le Salon de la Photo 2017, c’est un rendez-vous, l’occasion de retrouver des potes, chaque année. Je n’oublie pas que c’est ici que j’ai croisé les collimateurs d’un certain reflex Nikon pour la première fois. C’est aussi, finalement, la meilleure raison de ne plus revenir. Quand on bosse avec le meilleur reflex du marché – Nikon D4s – il n’y a guère de raison de continuer à chercher ailleurs. Pourtant, j’ai de bonnes raisons d’être là et pas seulement pour claquer quelques bises ou serrer des louches. J’ai le sentiment que cette édition du salon de la photo 2017 est un carrefour, la croisée des chemins. L’annonce d’une fin de règne, peut-être celle d’une nouvelle ère.
Salon de la Photo 2017. Tour d’horizon
• Les irréductibles amateurs de cristaux d’argent
Je parcours les allées du rez-de-chaussée. Signe des temps, les blogs photo qui occupent le terrain sur l’internet sont là, en force. Ici une conférence sur les techniques de bases, où un public écoute sagement les conseils d’un blogueur qui leur explique la profondeur de champ, la mise au point, la focale. Plus loin, un autre évoque les techniques pour rendre plus bleu un ciel bleu dans Lightroom. Je m’enfuis, fissa, je prends mes jambes à mon cou. Je croise les kids de la team Dans ta cuve. Ici, on ne parle pas de post-traitement. Ici on est encore dans un monde idéal, celui de l’argentique, de la pellicule, des chimies. Un petit village peuplé d’irréductibles amateurs de cristaux d’argent, qui résiste encore et toujours à l’envahisseur numérique. Un p’tit gars se ballade avec un Leica M3 autour du cou, fier comme un bar tabac. On parle de Cartier-Bresson, de Larry Burrows, de Lartigue et du retour de l’Ektachrome. Ici, ça sent le révélo et le fixateur à plein nez et ça fait plutôt du bien. Avant de filer vers les stands des éditeurs, je passe voir l’expo Sebastião Salgado. Quelques larmes plus tard (oui, l’expo est sublime), je suis chez Dunod à gauche avec qui j’ai chroniqué l’excellent Pola & Co de Jérôme Geoffroy. Eyrolles Photo, avec qui j’ai chroniqué pratiquement tout le reste, est juste en face. La place prise par Eyrolles dans le monde de la publication des ouvrages photo est désormais considérable. En me dirigeant vers le second étage, je passe devant le stand Polaroid Originals.
• Polaroid Originals
Je tends ma carte de visite à mon interlocutrice qui me regarde et lâche « Ah ! Oui. SHOTS… On vous connaît. » Ambiance. Ça sera l’occasion de mettre quelques pendules à l’heure, en direct live. Je n’ai, évidemment, aucun a priori vis à vis de Polaroid Originals, même si j’ai le sentiment (et je l’ai écrit ici) qu’il s’agit surtout d’un relooking de Impossible Project. Et qu’on nous sert une version beta depuis dix ans. Quand même, je dis et je redis toute l’admiration que j’ai pour cette bande de dingues qui a eu l’audace de relancer la machine Polaroid en 2006 et de faire perdurer le rêve de Monsieur Land. Finalement, ma rencontre avec Polaroid originals est la première bonne nouvelle de cette édition du Salon de la Photo 2017. On s’est promis d’en reparler, il y aura un test des pellicules couleur et noir et blanc prochainement sur SHOTS. Direction les escalators, second étage. Les constructeurs, la saint des saints, les poids lourds.
• Fujifilm GFX50 versus Instax Square.
Je commence ma visite par Canon France. Jolis t-shirts blancs vintages à l’effigie de Kwanon, stand dédié à EOS 6D Mark II et c’est à peu près tout. J’ai beau chercher, je ne vois aucune tête connue et ce n’est pas la demoiselle qui garde l’entrée de l’accueil pro qui va m’aider. Avec une amabilité digne d’une porte de prison brestoise, le maître des clés me fait comprendre qu’aucun de mes interlocuteurs n’est présent. Chez Canon, cette année, c’est Waterloo morne plaine, circulez y’a rien à voir. Direction Fujifilm France et là, en revanche, il y a tout à voir. Fujifilm cette année a mis le grand braquet avec en vedette son moyen format GFX 50S et les démos sont singulièrement attractives. Sur ce segment étroit, le moyen format de Fujifilm présente d’indéniables qualités, à commencer par un prix très attractif. Un argument qui ne passe pas inaperçu auprès des pros, en ces temps de disette.
Fujifilm c’est aussi Instax, petit prince de la photo instantanée, avec ses trois formats, mini, wide et le fameux Instax Square que j’ai testé durant Atlantique Jazz Festival. Il règne sur le stand Instax un climat délicieusement dilettante qui contraste singulièrement avec le côté sérieux et ampoulé de la photographie d’aujourd’hui. Je découvre avec un émerveillement de gamin la petite imprimante autonome Instax Square que je vais bientôt tester. Pouvoir imprimer ses photos au format Instax Square à partir de son smartphone sous iOS (Apple iPhone) ou Android, en wifi et à plusieurs ? On va s’amuser. Sur le stand Instax, je découvre aussi tous les goodies issus de l’imagination débridée de la team Fuji. Les japonais sont-ils des gens comme nous ? Non et c’est tant mieux. Fujifilm, c’est mon sourire de la journée, avec Dans ta cuve et Polaroid Originals.
• Sony Alpha 7R III.
Un détour par Lumix, pour voir le G9 dont on me rebat les oreilles et qui ne me fait guère frissonner. C’est juste un hybride de plus. En revanche, chez Sony, je reste coi devant les performances du nouvel Alpha 7R III. Ce mirrorless plein format, troisième déclinaison de la ligne Alpha 7, dispose d’une liste de specs longue comme le bras, tout en reprenant les détails ergonomiques de l’Alpha 9. Comme j’ai mon Nikon D500 sous le bras, les commerciaux en costard cravate m’évitent soigneusement. J’ai quelques difficultés avec le positionnement de gamme chez Sony, qui propose un hybride pour la vidéo (ligne Alpha 7S), un hybride pour la photo (Alpha 7R), un autre segmenté pro (Alpha 9). Par le passé, Sony a déjà démontré qu’ils étaient capables du meilleur comme du pire, abandonnant une gamme sans atermoiements et laissant de nombreux utilisateurs sur le carreau. De toutes façons, comme je l’ai déjà écrit, le jour où j’aurai un hybride, ça sera un fullframe et il y aura écrit Nikon dessus. Period, comme dirait Coin-coin.
• Nikon sur le toit du monde.
Nikon ? Parlons-en de Nikon. Une fille se déhanche sur le titre du cousin de Marvin Berry, référence appuyée à Marty McFly et à Retour vers le futur. Un reflex Nikon suit la chorégraphie et diffuse les images en streaming et en temps réel. Plus tard, sur le même podium, on parle de Nikon D850, le magnifique. Inutile d’en rajouter et qui n’ait déjà été dit. Cet appareil photo numérique professionnel est la quintessence du reflex, un Everest, un aboutissement. Sans doute aussi une page qui se tourne, peut-être l’annonce d’une fin de règne. Avec D850, les ingénieurs de chez Nikon ont jeté toutes leurs forces dans la bagarre, produisant un reflex somptueux, un must have que tous les photographes ont envie de posséder. Résultat ? Un carton commercial sans précédent et quelques difficultés d’approvisionnement. La rançon du succès, en quelque sorte. Il y a foule, c’est l’affluence des grands jours sur le stand Nikon. Une affluence qui contraste singulièrement avec les rumeurs propagées ici et là sur la santé supposée du groupe. Nikon va bien, n’en déplaise aux pathétiques haters de tout poil. Mais ça, c’est presque un détail. Je ne suis pas venu au salon de la photo 2017 pour une séance d’auto-satisfaction mais plutôt pour parler de demain.
• Un hybride Nikon plein format. On signe où ?
Depuis quelques mois, on en parle. Depuis que le boss de Nikon corp. himself a lâché l’info. Et qu’il a confirmé que oui, Nikon travaille sur un hybride. Il suffisait de tendre l’oreille cette année aux présentations de Nikon D850 pour entendre ce mot, discrètement glissé dans le discours, mais clairement prononcé. Nikon ne s’en cache plus et fait son outing. Oui, un hybride est dans les cartons. Évidemment, chacun veut savoir quand, comment, combien. Connaissant un petit peu la marque jaune, je peux vous dire que lorsqu’on entend le boss de Nikon corp. s’exprimer publiquement sur une sortie produit, c’est qu’on y est, presque. Peut-on donc raisonnablement tabler sur un mirrorless Nikon dans un délai inférieur à douze mois ? C’est possible.
Je n’ai pas la liste des specs (…) mais on peut imaginer que l’hybride Nikon sera naturellement fullframe. Quand je vois ce que la marque jaune a réalisé sur Nikon D850, je frissonne à la simple évocation d’un mirroless estampillé Nikon. J’imagine aussi que créer un appareil de ce type, c’est inventer un autre monde, une nouvelle monture avec un pont vers le monde actuel. Il y avait un adaptateur monture F sur Nikon 1, on imagine mal Nikon laissant les propriétaires d’optiques Nikkor sur le bord de la route. Mais tout cela est accessoire, en fait. Je pressens une révolution, une transformation radicale, l’arrivée de fonctionnalités qui n’existent pas, qu’on ne peut ni envisager, ni imaginer. Je pense que le mirrorless Nikon ne va pas être simplement un nouveau segment dans la gamme, sûrement pas. Nikon va nous inventer un monde, nous offrir des outils inédits, du jamais vu.
En conclusion, est-ce pour autant que le reflex va disparaître ? Sans doute pas, le reflex a encore de très beaux jours devant lui. Mais en faisant fi de la visée reflex, justement, l’étendue des possibilités prend une nouvelle dimension, tout en posant de nombreuses problématiques, parmi lesquelles la visée électronique, entre autres. Pour le reste permettez-moi de rêver, c’est mon métier. Un mirrorless Nikon, léger, silencieux (ah oui ! Silencieux…), ultra véloce, plein format, avec un viseur ultra-performant, un pont avec les optiques de monture F, une nouvelle monture, des specs inédites, … Est-ce que ça me donne envie, la question ne se pose même pas. J’ai quitté le salon de la photo 2017 sur cette pensée positive. J’ai pensé à l’avenir, à l’écriture d’un nouveau chapitre. 2018, c’est demain.
• merci à Dans ta cuve, Dunod, Eyrolles Photo, Polaroid Originals, Fujifilm France et Nikon France pour leur accueil sur le Salon de la Photo 2017.
• merci au Salon de la Photo, avec une pensée émue pour Sebastião Salgado.
Photographie Pro dit
L’événement de l’année. Très enrichissant. J’ai hâte d’assister au prochain salon de la photographie 2018.