Non. Les photos que vous trouvez sur internet ne sont pas libres de droits. L’histoire que je vais vous raconter aujourd’hui, commence il y a près de dix ans, à Carhaix, au festival des Vieilles Charrues. Après d’âpres discussions, Etienne Daho décide de ne pas autoriser les photographes à couvrir son concert. Seul son photographe officiel sera admis dans la fosse, les autres seront invités à poser leurs reflex pendant le temps du concert, ce qu’ils feront d’ailleurs, dans un mouvement de grogne généralisée. On ne va pas revenir sur tout ce qui a suivi, entre stupeur et agacement. Ce cher Étienne s’était fait laminer par la presse, le lendemain et paya cher et de manière durable ce qui apparaissait à l’époque comme un petit caprice de diva, même si l’on sut plus tard que cela n’en n’était pas un. Bref, cette année-là, on ne photographierait pas Monsieur Daho sur la scène Glenmor et j’en étais peiné, compte tenu de mon attachement pour lui. J’attendais donc la fin de son interview pour France Bleu, quand je l’ai vu sortir, perfecto et Rayban, l’esquisse d’un petit sourire au coin des lèvres. One shot. Ce cliché a rejoint mes photos de presse et a été oublié. Je ne l’ai redécouvert que quelques années plus tard en travaillant sur mes archives. Il a été publié sur mon book en ligne et n’a jamais fait l’objet d’un tirage papier. Il y a quelques jours, ce cliché a été publié sur mon compte Instagram et son histoire a pris une tournure assez inattendue…
Des photos libres de droits ?
Parmi les gens qui ont liké cette photo sur Instagram, un quidam a posé ce commentaire que je vous cite, in extenso : « J’ai ce portrait encadré chez moi ! J’adore, la beauté et la classe incarnées Etienne Daho ! » Alors que je m’étonnais qu’une personne puisse disposer du tirage d’un des mes clichés qui n’a jamais fait l’objet d’une édition papier, mon interlocutrice en a ajouté, intriguée par mon étonnement, avec une dose de cynisme qui m’a singulièrement agacé. D’ailleurs, pour preuve de ses arguments, elle m’a envoyé la photo de mon cliché encadré, trônant sur son étagère. Aucun doute possible, il s’agissait bien de mon cliché. Il a été recadré pour supprimer la mention « Hervé LE GALL Photographe ». J’ai demandé d’où venait ce tirage. Réponse laconique et habituelle. « Sur internet. »
• Internet ? Photos libres de droits !
« C’est sur internet, donc c’est gratuit ». Dans le cas présent, il s’agit d’une fan qui a probablement imprimé à la maison, sur son imprimante jet d’encre, une photo trouvée sur mon book en ligne. D’ailleurs ce n’est pas tant le vol d’une photo qui m’agace, mais plutôt l’aplomb avec lequel l’auteur du délit (parce que, oui, c’est un délit) exprime sa bonne foi avec une bonne dose de cynisme, intriguée qu’elle était qu’un photographe ait le culot de venir revendiquer la paternité d’un cliché alors que celui-ci se trouvait sur internet. Car l’histoire est connue. Tous les contenus trouvés sur internet sont gratuits et libres de droits : photos, musiques, dessins, peintures, graphismes, … Il n’y a qu’à se servir. Je ne compte plus, pour ma part, le nombre de clichés qui m’ont été volés par le passé. Comme ce portrait posé de The Kills retrouvé en illustration d’un article sur un grand média TV australien. Que faire ? Engager une procédure judiciaire qui va durer des années et me coûter le prix de mon matériel ? Alors, comme à chaque fois ou presque, les photographes laissent passer et se font flouer en silence, dans l’indifférence générale.
• Le marquage par filigrane ?
Reste une parade, le marquage des fichiers par filigrane. Je l’ai fait pendant des années pour finalement y renoncer, réduisant la présence du copyright dans la partie inférieure des photos. Un petit crop et le tour est joué, n’est-ce pas ? De toutes façons, quoique vous fassiez, celui qui veut vous voler des clichés arrivera toujours à ses fins. Je pourrais aussi vous parler de certains de mes clichés publiés dans une biographie, piratés au Coolpix, puis publiés dans un titre de la PQR ou du gars qui m’avait envoyé un message vindicatif, protestant avec véhémence contre la présence d’un filigrane sur mes clichés qui lui interdisait de les faire imprimer pour les encadrer et les exposer dans son salon. Définitivement, non ! Les photos que vous trouvez sur internet ne sont pas libres de droits, sauf mention contraire explicite (comme sur Wikipédia, par exemple).
• Quels recours contre le vol d’images ?
Il existe aujourd’hui de nombreux outils pour vérifier la présence d’images copiées sur internet, le plus connu et le plus simple d’accès étant Google images. Une fois le vol constaté et caractérisé, plusieurs attitudes sont possibles et dépendent finalement de l’auteur du délit. Action, réaction. Il est probable que vous n’agirez pas de la même façon selon que vous avez affaire à un webzine ou à un média d’ampleur national. Dans le second cas, un recours juridique est possible, voire souhaitable. Constat d’huissier, intervention d’un avocat spécialisé. Dans ce domaine, Maître Joëlle VERBRUGGE, avocat au barreau de Bayonne, connaît sa partition sur le bout des doigts, d’ailleurs elle est aussi photographe. Avant toute action judiciaire, il convient d’évaluer avec l’avocat la faisabilité et les coûts engendrés, avec la signature d’une convention d’honoraires. Reste le nécessaire investissement financier pour engager une procédure, qui fait reculer de nombreux professionnels du secteur de la photographie déjà largement touché par la crise.
• voir le blog Droit et photographie de l’avocate Maître Joëlle VERBRUGGE
Joëlle Verbrugge dit
Merci Hervé pour ce renvoi.
Et une petite astuce pour les internautes : lorsque l’utilisation abusive est importante, pensez à bien vous constituer un dossier en amont, avant de vous manifester auprès de l’utilisateur..
Sinon, 9x sur 10 il va juste supprimer la photo et vous n’aurez alors plus de preuve.
Il faut ronger son frein et garder son sang froid (oui je sais, ce n’est pas facile), et constituer efficacement le dossier avant de se manifester, que ce soit en personne ou par avocat…
Vous mettez alors toutes les chances de votre côté pour favoriser une négociation…
Cordialement,
Joëlle Verbrugge
harvey dit
Merci Maître 😉 La précision est effectivement importante. C’est là où le constat d’huissier via un avocat est primordial. D’ailleurs le simple fait d’enlever les clichés après s’être fait remonter les bretelles par un avocat et/ou un huissier constitue pratiquement un aveu de culpabilité !
Claude Legrain dit
Effectivement, comme le préconise Joëlle Verbrugge, se constituer un dossier
Pour se faire, a chaque fois que je détecte ce genre de choses, je fais des captures d’écran des sites web incriminé avec la date du jour affichée et tout éléments qui pourraient avoir leur importance,
Comme ça, si il y a suppression des photos on sait prouver quelles ont été présente a un moment donné
ouiouiphoto dit
Le problème c’est que cette histoire de droit même si c’est légal n’est pas assimilé et en plus ce n’est pas rappelé explicitement sur les sites. Si je vais sur ton compte instagram et que je clique sur la photo je n’aurais pas vu une phrase du style « pas libre de droits » (je viens de faire le test). Il y a ton nom sur la photo mais bon, ça me dit juste qui l’a prise.
Et si je vais sur cette page
http://www.photos-de-concerts.com/voir_etiennedaho.html
Il faut que je scroll vers le bas et la je vois un beau « Share and enjoy » et ensuite plus bas un Copyright.
Alors si je joue l’idiot du village (je sais bien le faire ca 😉 ) je me dit que c’est cool et je fais une copie d’écran et j’utilise tranquillement ta photo sans même retirer ton nom pour illustrer le nouvel article de mon blog sur Etienne Daho.
Je pense qu’il n’y a pas moyen de se battre contre cela. Je vois même passer dans ma boite des présentations avec des photos d’illustration avec le logo 123 ou Dreamstime 😉
Aujourd’hui se retourner contre un « Voleur » n’a d’intérêt que si cela est rentable. Temps passé, frais d’avocat, etc. Autrement, comme tu le dis, tu auras perdu ton temps et ton argent. C’est peut être dans cette voie qu’il faudrait améliorer les choses. Le « vol » de photo étant banalisé il faudrait aussi banaliser les moyens de lute…
Joël Bourgoin dit
Il y a aussi une grande firme qui s’occupe de ce type de dossiers chauds
https://www.imagerights.com/
David Kregenow dit
La situation est sans espoir, mais pas grave. Quant on néglige l’ignorance et la suffisance des voleurs, on peut constater – de ma part – que, dans environ 40% des cas, il suffit une « cease-and-desist-order », détaillant les faits aussi que les redevances, et annoncant des demarches juridiques, pour arriver à un arrangement amicable. De plus, dans 25/30% environ, la simple présence d’un avocat spécialisé, mène au résultat désiré. Avec l’exception remarquable, quand le « client » est originaire de l’Italie, l’Espagne ou… la France. Et je ne parle pas de blogueurs, mais de grandes sociétés connues. Ca laisse un pourcentage de 30-35% ou tous les efforts sont peine perdue. Mais si je fait le bilan, il vaut définitivement le coup de ne pas négliger ses droits d’auteur – la lutte continue!
Seb dit
Bonjour, une astuce apprise lorsque je réalisé de charte graphique ou autre. Envoyé vous a vous-même votre création. (photo, illustration, etc…) sur clé USB par courrier en recommandé avec accusé de réception. Ne l’ouvrez pas . En cas de litige cela vous permettre de prouver la paternité de la photo.
Lamey dit
C’est le meme blog a qui j’ai demandé d’arrêter d’utiliser mes photos … Et qui ne lNa pas fait qui publie un article sur le droit des photos ??
Je rêve !!
http://www.shots.fr/2015/03/18/plagiat-et-contrefacon-en-photographie/
Yadelair dit
Je vous rejoins, le plus énervant n’est pas le vol, c’est énervant mais ainsi, non le plus énervant c’est bien l’aplomb des voleurs qui trouve cela normal, mais, mais regardons la vérité en face, cela est vrai pour les films sans doute encore plus que pour l’image…
Fabien Maigrat dit
Wikipedia… parlons-en.
Je me suis fais voler une photo que j’ai donné à Wikipédia, publiée… et j’ai réclamé et eu gain de cause.
Et j’avais des juristes en face de moi…
Donc peux-tu m’expliquer ce qui te permet d’écrire
« Les photos que vous trouvez sur internet ne sont pas libres de droits, sauf mention contraire explicite (comme sur Wikipédia, par exemple). »
harvey dit
@fabien je fais référence aux photos publiées sur Wikipédia sous licence CC (creative commons). https://fr.wikipedia.org/wiki/Creative_Commons
Matias Grenn dit
Pour les photos publiées sur Instagram, c’est à vérifier mais il y a des chances que vous cédiez les droits à la plateforme. N’oubliez pas aussi de lire ce que vous acceptez en allant sur des plateformes sociales.
Pierre-Yves dit
Bonjour,
Merci pour ce retour d’expérience.
Effectivement – en tout cas dans les situations où s’appliquent le droit français – sauf mention spécifique, un contenu (texte, photo, …) diffusé en ligne rendre dans cadre du régime du droit d’auteur. Par défaut… (en laissant de coté le critère d’originalité nécessaire à qualifier la notion d’œuvre. Bon…)
https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F23431
Je serais intéressé de connaître votre point de vue sur la notion même de « Libre de droit ».
Non pas en tant que photographe spécifiquement mais en tant que créateur-artisan qui essaie tant bien que mal de vivre de son talent.
Et bravo pour vos photos !
.
Christian Dupuy dit
Ce débat sur la liberté de droits sur Internet revient souvent chez les photographes, et je suis pour ma part un peu surpris du peu de connaissance apparent de,l’existence des licences Creative Commons. Empêcher la diffusion libre sur Internet avec le droit, c’est un peu comme « essayer d’arrêter la mer avec des châteaux de sable ». (la citation n’est pas de moi, je ne me souviens plus de son auteur).
Cette facilité de diffusion est bien sûr la conséquence de la dématérialisation du bien culturel, que ce soit le livre, la musique, le dessin, l’illustration, ou le logiciel, et la photographie n’y déroge bien sûr pas. Les Creative Commons ont été créés justement pour pallier et réguler le mieux possible cette circulation des œuvres numériques, en « hackant » le droit, c’est à dire en le détournant. L’idée est de définir comment l’on souhaite que son œuvre soit diffusée sur le web, vu que sa diffusion est de toute façon inévitable. Cela donne des « faisceaux de droit d’usage » : en citant l’auteur, en acceptant la modification ou non de l’œuvre, en acceptant une utilisation commerciale ou pas. Il s’agit bien de véritables contrats d’utilisation.
L’avantage des Creative Commons, c’est qu’ils ne s’opposent pas naïvement à une réalité devenue inévitable, mais ils offrent les conditions de diffusion de l’œuvre, en prenant en compte la nouvelle réalité numérique du web, et en recentrant le débat sur le véritable enjeu : permettre un artiste de vivre de son art et de son travail.
Plante dit
Dans la mesure ou vous publier sur un réseaux social même en mettant toutes les réserves possibles vous ne pourrez empêcher personne d’imprimer une photo et de la mettre sur son mur, pourquoi ? parce que les personnes considèrent que si la photo est sur un écran ils peuvent aussi l’afficher sur leur mur et je crois qu’il y a des milliers de photos qui chaque année sont réalisées.
Le seul combat qui peut et doit aboutir c’est lorsque les photos entrent sur le circuit commercial.
Antoine dit
C’est dommage et étrange que les « nouvelles technologies » aient à ce point « déformé » les esprits. Viendrait-il à l’idée des gens de se servir sans rien demander au propriétaire du vélo ou de la voiture garée dans la rue, certes un espace public ?
nicol jy dit
Je suis, comme vous, également photographe professionnel dans le domaine maritime industriel et j’ai également vécu ça…. mais avec une asso de salariés du ministère de la Défense !
Et pourtant, j’ai bien mentionné sur mon site, photos non libres de droit ! ….
Lionel Arnould dit
Il m’est arrivé une (petite) mésaventure un peu similaire. en effet, en faisant des recherches avec Google images pour voir qui utilisait mes photos sur Internet (j’ai plusieurs pages de voyages à vélo et un compte Flickr), je suis tombé sur une photo de moi qu’un vil personnage avait publié sur son propre compte Panoramio (Google) avec un copyright le mentionnant lui-même comme auteur du cliché directement incrusté sur l’image !!! Je n’ai eu qu’à commenter la photo en dénonçant la supercherie pour qu’il la retire immédiatement. Entre temps, Google avait été prévenu par mes soins…
Je tiens à préciser que je ne suis qu’un photographe amateur et que, ne gagnant que très rarement de l’argent avec mes photos, je n’avais pas d’intérêt à engager une procédure, même si, clairement, il l’aurait bien mérité…
Henri dit
Une solution aussi pour récupérer ses droits est d’être membre d’une société d’auteurs comme la SAIF ( 15 € à vie) qui a un service de contentieux très efficace pour faire payer les mauvais payeurs…..
Michel Raj dit
Etienne Daho ? Tiens, je croyais que c’était Dave Gahan… 😉
Lartige Christophe dit
Bonsoir.
Depuis quelques mois je souscris chez Pixtrakk Legal un abonnement qui trace mes images sur le web (et sur le print aussi d’ailleurs) et s’occupe des recouvrements (hors certains cas où il est impossible de le faire).
Les premiers euros viennent ce jour de tomber.
Espérons, qu’en plus d’arrondir nos facturations ces nouveaux outils fassent comprendre que définitivement non les photos ne peuvent pas être utilisées sans accord de leur auteur et le cas échéant paiement (beurk ! 😉 de droits d’auteur. A votre dispo pour vous apporter les infos nécessaires 😉
Gerry dit
Qu’un particulier ou un fan fasse un tirage d’après un de mes fichiers ne me dérangent pas du tout au contraire.
Qu’il les regarde sur écran 50 pouces ou sur tirage papier ca change quoi ?
Si tu ne veux pas qu’on les voit Il ne faut pas les publier. Moi je veux qu’on les voit.
Je ne parle pas d’une utilisation commerciale évidemment mais je ne mets que des fichiers 800 ou 1200px maxi donc….
Je suis pro depuis 45 ans et j’ai 100.000 images sur le net
harvey dit
@Lartige Christophe merci pour cette info. En savoir plus sur les services proposés par PixTrakk par ici http://www.pixtrakk.com/
@Gerry Pour votre information, un fichier de 1200 pixels permet aisément une exploitation en print, d’autant qu’il existe des softs permettant d’extrapoler la taille d’un fichier pour le rendre exploitable à des tailles largement supérieures à sa taille native. Autre point de détail, au risque de me répéter, je ne connais pas l’origine du tirage papier évoqué dans cet article. J’ai supposé qu’il s’agissait d’un tirage fait maison mais je n’en n’ai pas la certitude. De toutes façons, ça ne change rien au fond du problème.
nico dit
« Pro depuis 45 ans, 100.000 images sur le net. Moi je veux qu’on les voit… »
Moi aussi, ca donne envie de voir tes images Gerry on peut avoir un lien ton site ?