C’est une page qui se tourne, sans aucun doute. Mais c’est probablement bien pire que cela. Pour de très nombreux photographes, professionnels comme amateurs passionnés, c’est la fin d’une histoire, le dernier chapitre d’une belle aventure initiée au siècle dernier par le génial Monsieur Land. La nouvelle est tombée, aussi discrète que sèche comme un coup de trique dans le dos des photographes. Dans un communiqué aussi japonais que laconique, la direction de Fujifilm Japon annonce l’arrêt définitif de la production des pellicules FP100C, le film pack 100 utilisé par toute une génération d’appareils photo Polaroid, dont le mythique Polaroid 250 dont je vous ai souvent parlé ici. Une information que tous les passionnés de l’image instantanée redoutaient, notamment après l’annonce, fin 2013, de l’arrêt du film FP3000B, le film pack qui produisait des clichés instantanés de toute beauté en noir et blanc. Aujourd’hui, tous les photographes équipés d’appareils utilisant du film pack 100 se retrouvent orphelins, Fujifilm ayant mis un point qu’on redoute final à la belle histoire du film peel apart.
Film pack FP100C. La fin d’une époque.
• Une ligne en rouge au compte d’exploitation
Lorsque je signais, il y a peu, la pétition demandant à Fujifilm de ne pas arrêter la production du film pack FP100C, j’avais déjà plus ou moins senti le vent du boulet, mais j’étais loin d’imaginer que la fin de l’histoire était si proche. Inutile de palabrer sur les motivations de la firme japonaise. Les investisseurs sont loins des considérations sentimentales, la production de film instantané n’est qu’une ligne de plus au compte d’exploitation et cette ligne est probablement en rouge depuis des lustres. Car il faut regarder les choses en face. Il n’existe pas aujourd’hui, à ma connaissance, d’appareils photo contemporain capable d’utiliser du film pack 100 FP100C. Pour goûter aux joies du film peel apart, il faut utiliser une vieillerie, une antiquité produite dans les années soixante. Il s’agit souvent d’appareils qui peuvent sembler archaïques, au moins pour la jeune génération biberonnée aux selfies et aux smartphones. Et pourtant, Fujifilm a réintroduit, avec le succès que l’on sait, le film instantané au format Instax. Certes. Mais le film Instax est utilisé par des appareils modernes, produits par Fujifilm et, pour une gamme au sommet de la coolitude, les appareils de chez Lomography qui font un carton chez les hipsters et autres branchés de la hype. Paradoxal, me direz-vous ? Pas tant que ça, finalement.
• Instax m’a tuer.
D’un côté un film qui ne rapporte plus d’argent, une ligne en rouge dans le livre comptable d’une multinationale qui, par définition, n’aime pas perdre de pognon. Un modèle obsolète, une vieillerie du siècle dernier, des appareils qui ne sont plus fabriqués pour certains depuis les années soixante. Un modèle technologique archaïque, dépassé, compliqué à mettre en œuvre pour une génération habituée à l’instantanéité de l’information, aux textos en émoticônes, alors rendez-vous compte ! Devoir extraire le film (sans casser la languette), attendre pas loin d’une minute, éplucher le film pour enfin découvrir l’image ? Trop lent, trop difficile et pas vraiment instantané. En plus les appareils sont lourds, encombrants, anciens. C’est pas faux. Un Polaroid 250, ça ne tient pas dans la poche. En face, de l’autre côté, utilisant un film actuellement produit, il y a la proposition Instax, un film également produit par Fujifilm. Pour les appareils, il y a le choix. En boutique, on trouve les appareils produits par Fuji et la gamme délicieusement barrée, pensée et conçue par les fadas de chez Lomography. Avec un résultat qualitatif assuré, désormais disponible en deux formats. La petite photo de poche, format carte de visite et le format Instax Wide, proche du film pack 100. Cette proximité de format, le succès d’Instax, les pertes d’exploitation liées à la productin du film pack, un parc d’appareils antiques versus des appareils modernes, ite missa est. Ne cherchez guère plus loin les causes de la fin du format film pack.
• Que reste-t-il de nos amours ?
Rien ou pas grand chose. Quelques souvenirs, tout au plus. Pour ma part, j’ai travaillé l’année dernière sur un projet photo réalisé avec un Polaroid 250, un projet qui me tenait à cœur depuis des années. Je l’ai réalisé l’an passé parce que quelque chose me disait qu’il ne fallait pas traîner… Il y a quelques jours, après avoir appris la nouvelle de l’arrêt du film pack FP100C par Fujifilm, je suis allé sur le forum du site Polaroid Passion, scruter les réactions, entre dépit et fatalisme. Là-bas, un membre du forum a décidé de revendre son stock de film, gardé précieusement depuis des années dans le bas du frigo. Beaucoup d’utilisateurs passionnés par ce format vont finir leur stock, cramer leurs dernières cartouches. Un baroud d’honneur, un adieu aux armes. Orphelins, c’est le mot. Quant aux appareils, ils ne valent plus tripette, sauf le prix du souvenir. Les plus chanceux d’entre eux vont rejoindre le musée ou les vitrines. Les autres iront dormir pour toujours dans des placards, des malles dans un grenier. Car il ne faut pas trop rêver. Il est probable que personne n’investira dans une ligne de production de film pack et on voit mal Fujifilm céder ses brevets et permettre à une société tierce comme Impossible Project de produire un film qui ne serait de toutes façons qu’un ersatz de film pack 100. En revanche, une chose qui n’a pas traîné, c’est le retour des vautours. On verra pendant des années fleurir des petites annonces sur la toile pour des films pack aux dates de péremption dépassées depuis des années. Le prix du film FP100C a déjà été multiplié par trois et ce n’est qu’un début. Il atteindra sous peu des sommets, à l’instar du film noir et blanc FP3000B.
• Et après ?
Polaroid avait déjà tiré sa révérence, aujourd’hui c’est Fujifilm qui se retire de la production de film pack. Sale temps pour les amateurs d’image instantanée. La cote des appareils utilisant ce format va naturellement s’effondrer. Qui, aujourd’hui, serait disposé à mettre 500€ dans un Polaroid 600SE ou un Polaroid 180/195, sachant que ces appareils ne disposent plus d’aucune pellicule encore fabriquée ? La page se tourne et l’histoire se termine, pour ce format, mais l’avenir ne semble guère plus heureux pour le modèle argentique, même si le regain d’intérêt pour la pellicule a redonné des couleurs à ce secteur. Désormais, en photo instantanée, il n’y aura plus guère de choix. Instax standard ou wide, ou bien l’utilisation d’un film de la gamme Impossible project. De ce côté-là, il est raisonnable de fonder beaucoup d’espoir. Il reste deux fantasmes. Le premier serait de voir Fujifilm proposer un film Instax en noir et blanc. Le second c’est que Impossible Project propose à terme un film pack 100. J’essaie d’y croire, sans grand conviction. Mais après tout, on peut rêver, la photographie ça sert à ça.
• photo : Polaroid 250 et pellicule Fujifilm FP100C (crédit photo : Hervé LE GALL)
@Crazyfrenchguy (Laurent) dit
On en a déjà discuté sur le net, mais la seule raison qui fait qu’Instax fonctionne mieux que le pack 100, c’est l’absence d’appareil neuf pour le pack 100. A part ça, pour ce qui est de retirer la photo sans la casser et d’attendre 1 minutes, ça n’est pas vraiment un pb… Surtout qu’avec Instax, tu ne vois pas ta photo plus vite qu’avec du pack 100. Trouve un fêlé qui veut fabriquer un appareil compatible et le film repartira.
Quand à la ligne pack 100 qui serait une ligne rouge, je n’en suis pas sûr. Je pense qu’elle ne représente simplement pas des ventes assez grosses pour s’embêter avec.
Et Instax, tous ceux qui en achètent finissent par laisser leur appareil dans un coin parce que les photos sont quand même très bof. Une fois passé l’effet gadget, on se dit que ça serait bien d’avoir quelque chose qui fasse des photos, à la place. Et pack 100 serait la solution.