Un bon cliché, ça raconte une histoire.
C’est l’histoire d’une rencontre fortuite avec un cliché. Ce matin, je vois passer un twitt de Beggars France qui parle d’un groupe que je ne connais pas, un groupe anglais qui s’appelle Savages. Je ne connais que leur nom, mais comme c’est la seconde fois que mes amis de Beggars en parlent, je regarde de plus près. Je tombe sur un groupe de filles, des anglaises et je sais instantanément que ça me plait. Le son, l’attitude, la dégaine sur scène, tout me va. Et puis bon, c’est des filles quoi, girls rock etc… Ni une ni deux, je veux faire partager ma trouvaille à mes potes, c’est donc naturellement que je me tourne vers Mathieu Ezan et Pierre Hennequin, deux de mes complices au festival des Vieilles Charrues (J-252, by the way). Mathieu me répond illico qu’il connaît le groupe, confirme mon pressentiment sur la tenue en scène et me dit qu’il va fouiller dans ses archives. Il m’envoie un cliché. Ce cliché. Je sais immédiatement que j’aime cette photo. Je reste la regarder un bon moment, la savourer et puis je passe à autre chose. Mais l’image m’a rattrapé, quelques heures plus tard. J’ai eu envie de la revoir, de la relire, de la décrypter et de tenter de comprendre. Comprendre ce qui fait qu’une image m’accroche l’oeil à ce point. Est-ce seulement parce que c’est une bonne photo ? Tiens d’ailleurs, est-ce que c’est parce que le photographe est un ami que j’y attache un sentiment particulier ? Non. J’aime cette photo parce que c’est un très bon cliché et que je sais lire.
Oui, je sais. Ça va vous paraître prétentieux, dit comme ça. N’empêche. La première qualité d’un photographe, c’est de savoir lire. Lire une photo j’entends. C’est d’ailleurs à ça qu’on reconnaît un non-photographe. Il est incapable de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie. Mais je m’égare, car Mathieu Ezan est un bon photographe, à plus d’un titre. Son cliché n’est pas spectaculaire, il est simplement harmonieux et élégant. La composition est habile, la construction et son équilibre, entre le sujet excentré et le décor guident l’œil dans la lecture, pour nous amener lentement mais sûrement au point de jonction de l’image. Ce visage, tête baissé, habillé de lunettes orné de ce très léger reflet. L’attitude est très rock, d’ailleurs le cliché tout entier est très rock. On note le côté appliqué de la guitariste et tout nous ramène à ce visage ombré, presque énigmatique. Le cliché a été traité en noir et blanc et là aussi il y a des choses à lire, tant on sent que rien ne s’est fait par hasard. Connaissant Mathieu Ezan, je l’imagine bien post-prodant ce cliché, tout en mesure et en douceur, avec respect. Un poil de contraste en plus et il aurait tué son image mais là, non. Mathieu Ezan a cette qualité de connaître le point au delà duquel il convient de ne pas aller. Le résultat, c’est une image d’une grande douceur, qui préserve la féminité. Ici, ce ne sont ni les noirs ni les blancs qui font l’image. Ce sont les gris. Ces gris d’une infinie douceur, sans rugosité, confèrent à l’image son aspect vaporeux. Et si l’on veut se plonger dans la noirceur, il suffit de se laisser porter par l’image qui vous y amènera, assurément. D’ailleurs, dès que je regarde ce cliché, mon regard fixe d’instinct ce point excentré, la noirceur incarnée d’une paire de lunettes.
Si j’enseignais la photographie, j’utiliserais ce cliché pour illustrer la composition et l’équilibre noir, blanc, gris. Pour la petite histoire, Mathieu Ezan utilise Capture One Pro 8, c’est d’ailleurs Mathieu qui m’a poussé à produire mes clichés avec ce logiciel. Je ne dis pas qu’un résultat correct n’aurait pas pu être réalisé avec un autre logiciel que C1Pro, mais quand je vois cette photo, la façon dont elle a été produite, je reconnais immédiatement la patte du tandem Mathieu Ezan et Capture One. Le résultat, c’est une harmonie que je ne me lasse pas d’admirer. De la lire, encore et encore.