Stress, le clip de Justice, c’est le buzz du moment, tout le monde en parle. Alors, comme un passage obligé de crétin d’internaute que je suis, en bon voyeur de l’image malsaine, je me suis branché sur Youtube et j’ai visionné le clip. D’abord, parlons photo, esthétique, visuel, il n’y a rien à dire sinon que Romain Gavras (le fils du réalisateur de « L’aveu », de « Z », …) sait tenir une caméra. Dont acte (gratuit). Ca c’est pour la forme et il faut admettre que c’est plutôt réussi. Ce qui me gêne c’est le fond, tout ce qui constitue la trame, le déroulé, un scénario bâti autour d’une équipée sauvage, d’un mini gang composé de mômes de banlieues qui cassent, insultent, cognent, détruisent à peu près tout sur leur passage. Une ode à la violence avec Justice en bande son et le logo du groupe cousu sur les blousons. La problématique avec ce genre de clip, c’est qu’il est rarement pris au premier degré. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les commentaires outrés des internautes : « Le pire, c’est que cela doit représenter une réalité bien présente. » J’imagine volontiers la détresse des associations qui œuvrent dans les quartiers, à la vue d’un film qui dépeint une réalité sordide, déformée. Et Justice dans tout cela ? Justice fait son buzz et profite de ses largesses. A défaut d’avoir trouvé la vibe ultime – j’ai vu et photographié leur set aux Vieilles Charrues en 2007 et je dois à la vérité de dire que je m’y suis emmerdé comme rarement – les deux compères ont parfaitement assimilé toutes les bases du marketing lié au business de la musique : identité visuelle soignée, street marketing, décors dantesques constitués d’amplis Marshall ampilés (mais pas branchés), etc… Au dernier étage d’une tour d’ivoire, Justice savoure le buzz et l’argent du buzz en matant avec cynisme et détachement la courbe des ventes, au tintement du roi pognon et des fines bulles de Dom Pérignon. En attendant, la banlieue crève, rongée par l’abstinence des politiques, le chômage et les manques de moyen. Mais je m’égare, à mon tour… Stress c’est juste qu’une fiction, c’est pas réel, pas pour de vrai. D’ailleurs, entre nous, hein ? Qui voudrait encore de nos jours, même en banlieue, foutre le feu à une Citröen BX, je vous le demande ?
À propos Hervé LE GALL
Hervé "harvey" LE GALL, photographe auteur basé à Brest au début du monde. A trainé ses godasses et ses reflex dans la plupart des coins sombres de la région Bretagne. Photographe-maison du Cabaret Vauban, photographe officiel des Vieilles Charrues (entre autres). Intransigeant, il aime la photo, les lasagnes, le kouign amann et le Breizh Cola. Rédac chef de SHOTS.