Hier soir, j’avais la tête dans le cul. Et pas que. J’avais mal partout, dans les cuisses, dans le dos, à force de génuflexions, debout, accroupi, un genou à terre à chaque coup de sifflet du commissaire de course pendant le tour de Bretagne (c’est du vélo) sur le contre la montre à Huelgoat. Bref, hier 1er mai, c’était rideau. Alors la perspective d’aller taper un concert, concert de rock de surcroît, c’était pas vraiment joyeux. Seulement voilà. C’était pas n’importe quel groupe, c’était pas n’importe où. C’était the Octopus au Cabaret Vauban, deux excellentes raisons de se bouger le cul, aux alentours de huit heures du soir, de renoncer à la petite tisane du soir espoir, d’enfiler son kabig, route pêche destination l’avenue Clemenceau.
Il faut dire que les gars de the Octopus c’est pas une destination inconnue. Les petits gars de Douarnenez, vainqueurs du trophée des Jeunes Charrues en 2010, servent un rock authentique comme on l’aime ici, ce genre de rock bien poisseux qui colle sous les aisselles, celui qui, pour paraphraser une énième fois Saint Miossec (priez pour moi) sent la bière et la bonne chaleur de l’animal, dans la lignée des grands groupes US comme les Fleshtones. D’ailleurs, invariablement on ne peut s’empêcher de penser au combo de Peter Zaremba quand on voit the Octopus en live. Avec ce genre de groupe, on sait que tout peut arriver. On sent comme une tension, un climat de guerre civile bien palpable. C’est ce que j’ai vécu hier soir au Vauban, devant un noyau de public passablement excité, les Octopus déployant les grands moyens n’y sont pas allé de main morte, nous servant en rappel un bon Kick out the jam (motherfucker) des familles, une reprise qui avait de quoi défriser les moustaches des membres de feu MC5 s’ils n’avaient pas tous eu, plus ou moins, la mauvaise idée de casser leur pipe entre temps. C’était bon, bien gras comme un kouign amann de Douarn’, c’était épais, huileux et poisseux comme on aime. C’était du rock, c’était à Brest, hier soir. Vous avez raté un concert d’anthologie parce que vous avez préféré rester à la maison en slip kangourou à boire la tisane et à regarder la télé avec maman ? La prochaine fois, vous saurez. Retenez simplement leur nom. The Octopus. C’est du rock, de la musique de voyous et ça vous décalamine les esgourdes, en profondeur. Ça vous fait oublier une sale journée, le mal aux cuisses comme le mal de dos. C’est bon pour ce que vous avez. Mais surtout cette musique vous réveille, vous fait du bien et vous fait réaliser un truc essentiel. Vous êtes vivant.
• photo : fin du concert de The Octopus au milieu du public (crédit photo Hervé LE GALL. Nikon D3s, Nikkor 24-120 f4, 12800iso)
Patouche dit
« Tu sais que les belles choses ne souffrent pas de description. » de Gustave Flaubert
Belle photo, beau portrait, j’en ai une petite larme. Merci l’artiste !
harvey dit
Pour un mec qui a passé sa vie à décrire la beauté des choses (avec le temps qu’on sait), je trouve le père Gustave un peu gonflé de venir nous balancer des trucs comme ça. La photographie, ça sert à ça. Se souvenir des belles choses.
Patouche dit
Aie ! autant pour moi ! y’a un gros malentendu. J’ai une affection particulière pour The Octopus et je trouvais ta description émouvante, d’ou la petite larme… Je pensais (à tort) qu’au contraire cette phrase voulait dire que les belles choses pouvaient avoir des descriptions, sans en souffrir. Bon moi et les vieilles expressions ça fait deux. J’aime ta photo, j’aime ta description, et j’aime The Octopus. Du coup, je suis d’accord avec toi sur Gustave. Encore désolée