J’ai souvent eu à payer mes coups de gueule, mais Dieu m’est témoin que je ne les ai jamais regrettés. Ce matin, en faisant une recherche dans Google, je suis tombé sur un billet écrit pour un blog musical qui m’avait proposé une collaboration, il y a bien des années de cela. À l’époque j’avais dû avoir la plume un peu leste pour un groupe dont le responsable du blog en question était proche. Je n’avais pas été remercié mais on ne m’a plus jamais sollicité. Rien de dramatique, c’est d’ailleurs à cette époque que j’ai décidé de créer Shots, là au moins, dans cet espace de liberté, personne ne viendrait me censurer. Censure, le mot est lâché. En apprenant l’éviction de Stéphane Guillon et de Didier Porte de l’antenne de France Inter, je me dis que, décidément, il ne fait pas bon avoir le verbe haut et la plume de plomb en ces temps de droititude. Alors que les scandales éclaboussent la classe politique (faites-moi grâce de ne pas avoir à tous les citer, il faudrait beaucoup plus qu’un simple billet), que même notre coq sportif chante plus que jamais les pieds dans le purin, on flingue de tous côtés tout ce qui peut gêner le pouvoir. Comprenons-nous bien, je n’ai pas d’amitié particulière pour le sieur Guillon. D’ailleurs, de vous à moi, ses chroniques sur Inter m’arrachent tout au plus un sourire ce qui, en ces temps verts de gris, est déjà une belle performance. En revanche, amateur des mots qui coulent, qui roulent et amassent de la mousse façon Desproges, je suis client. Et force est de reconnaître à Stépane Guillon un véritable talent en la matière. De Beaumarchais à Voltaire, de Jean Yanne à Pierre Desproges, je reste à jamais un éternel gamin qui s’esclaffe et applaudit devant les bons mots. Comme disait Marcel Gotlib (encore un maître dans l’art de la déconne) « un bon rire, ça vaut un bon biffteack« . À toute époque nous avons eu besoin de porte-flingues, capable de rameuter nos consciences, de les garder en éveil. Chaque fois qu’on a voulu les faire taire, c’était en des temps bien sombres, de notre histoire la plus honteuse, où l’humour tarifé au prix fort façon « Je suis partout » faisait des ravages. Dieu merci, à l’époque, des hommes et des femmes se sont levés et ont résisté. Alors aujourd’hui, le constat est amer. Je me demande comment un journaliste de talent comme Jean-Luc Hees, dont il faut quand même rappeler le parcours et les qualités intellectuelles indéniables à l’antenne de France Inter, comment le Jean-Luc Hees (Washington France Inter) de mon adolescence, alors que j’avais les oreilles rivées au poste de radio sur Inter et nulle part ailleurs, comment un type de cette envergure, de ce calibre, peut en arriver à un acte aussi odieux que de virer manu militari (et c’est surtout le mot militari qui me chagrine) un type comme Stéphane Guillon, au seul titre que ce dernier pratique un humour méchant ? Un humour « méchant » ? Dire de Eric Besson qu’il a une tête de fouine, c’est méchant ? Il me revient une scène des Trois frères : « Euh, monsieur, c’est une question, je voudrais savoir : « sac à merde » c’est une insulte ? » Franchement, comme le laissaient entendre Jean Yanne, Desproges, Coluche, dans cet échange de coups, c’est pas les humoristes qui ont frappé les premiers. Le comportement de la classe politique est pathétique et ce n’est pas la récente intervention de Madame Bachelot, des sanglots façon Sarah Bernhardt dans la voix, qui me contredira. C’est pourtant simple. Qu’on baillonne les humoristes, qu’on les enferme, qu’on les fasse taire. Qu’on les interdise d’antenne, qu’on les jette au cachot et finalement qu’on se taise. Qu’on éteigne les lumières, qu’on interdise le spectacle vivant, les rassemblements de plus de trois personnes. Qu’on interdise les photographes, la presse, le rock’n roll, Bach et Mozart.
Eh bien non, justement. Créer, c’est résister. Messieurs les censeurs, je vous emmerde.
Ken dit
On est malheureusement dans une ere ou le « le politiquement correct » est de rigueur. Et cette tendance est loin d’etre une particularite francaise. Je dirais mene que la France etait plutot un terrain propice pour les derapage « controlles » jusqu’a une epoque recente (je parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre…)… Ici aux US, le politiquement correct est aussi de rigueur, meme si la constitution garantit la liberte d’expression (le fameux freedom of speech). Allons bon, sur ces quelques pensee pseudo philosophiques, un bonjour amical du pays d’Obama!
BuffaLaurent dit
Italie, France, … Il ne fait pas bon critiquer les politiques, en ce moment…
Fizmoo dit
…nous vivons une époque moderne !