Au cours de ma décennie de photographe équipé en Nikon, j’aurai eu l’occasion de tester beaucoup de matériels de la marque jaune. Des plus petits boîtiers rikiki (de Coolpix à Nikon 1) en passant par les plus gros reflex, argentiques ou numériques. Idem pour les optiques Nikkor, j’en ai vu de toutes les couleurs. Il en est une et non des moindres que je n’ai jamais testée, c’est Nikkor 105mm f/1,4. Cette optique est considérée par les experts comme l’une des meilleures optiques de tous les temps, excusez du peu.
Je compte parmi mes amis photographes quelques afficionados fans de cette optique légendaire. J’en connais au moins deux (ils se reconnaîtront) qui n’ont cessé de me rebattre les oreilles à propos de Nikkor 105mm et ses qualités dantesques. Ah ! Nikkor 105 ! Un monstre de verre et d’acier, accusant plus d’un kilo à lui seul sur la balance. Bref, tout cela donnait envie, mais je n’avais jamais eu l’opportunité de tester la bête sur le terrain. Le temps a passé, me rapprochant inexorablement de la sortie et de la fin de mon parcours de photographe professionnel.
Nikkor 105mm. L’optique par excellence.
Il y a trois semaines, j’ai reçu une demande pour réaliser un portrait en lumière naturelle, mon tout dernier projet pro. Je me suis mis en quête d’un Nikkor 85mm f/1,8 série S pour mon Nikon Z6, sans succès. Et si j’en profitais pour tester Nikkor 105mm f/1,4 monté sur Z6 via la bague FTZ ? Quelques jours plus tard, je recevais le fameux 105mm. Monté sur Nikon Z6, inutile de vous dire que la bête en impose. Pour tester le combo, je suis parti en balade du côté de la pointe du Millier. Je voulais juste voir si cette optique était à la hauteur de sa fabuleuse réputation. Autant vous le dire clairement. J’ai vu.
• Nikkor 105mm f/1,4. Les trois formules du Professeur Sato.
Cette optique est née de l’imagination fertile de Haruo Sato. Monsieur Sato n’est pas un étranger chez Nikon, c’est à lui qu’on doit – entre autres – Nikkor 58mm f/1,4 AF-S. Il semble que cette optique n’ait pas reçu, en son temps, les éloges qu’elle méritait. On la comparait souvent à Nikkor 58mm f/1,2 Noct, même si son créateur considérait qu’il s’agissait là de l’une de ses plus belles réussites. Lorsqu’on lui demanda de plancher sur un nouveau projet en 105mm, Haruo Sato mit tout en œuvre pour créer l’optique ultime, la meilleure optique qu’il ait jamais créée. C’est ainsi que naquit, de l’esprit bouillonnant de Monsieur Sato, Nikkor 105mm, dont nombre de spécialistes s’accordent à dire qu’il s’agit là de la meilleure optique Nikkor de tous les temps. Et sans doute l’une des meilleures optiques tout court, toutes marques confondues.
Je me suis demandé si le fait de monter Nikkor 105mm sur un Z6 en utilisant une bague d’adaptation ne risquait pas de lui faire perdre un peu de sa superbe. J’ai interrogé des experts de la marque qui ont tous eu la même remarque. Cette optique en a tellement sous la semelle, que le fait de la monter via une bague FTZ n’affectera aucunement ses performances. Ils avaient raison.
• Sur le terrain avec Nikkor 105mm
Le premier choc, naturellement, avec une optique de cette engeance, c’est le poids. Oh ! Mazette ! Entre les mains, Nikkor 105 ne déçoit pas, on la sent bien. L’optique, à elle seule, accuse plus d’un kilo sur la balance, deux kilos au total monté sur Z6. Mais, étonnamment, ça ne m’a pas gêné le moins du monde, bien au contraire. J’ai bossé pendant des années avec des reflex monobloc (Nikon D3s, D4, D4s, …) et des optiques autrement plus lourdes (Nikkor 300mm f/2,8 VRII, Nikkor 180-400mm f/4, …). De vous à moi, le poids et le calibre d’un monobloc sont des paramètres qui me manquent parfois, aujourd’hui. Rien que pour ça, j’avoue attendre Nikon Z9 avec impatience, pour peut-être retrouver un certain équilibre et cette sensation d’en avoir plein les bras…
Le deuxième effet kiss cool, c’est quand on passe l’œil dans le viseur de Nikon Z6. Entre les qualités intrinsèques de la visée réelle de Nikon Z et les qualités optiques de Nikkor 105mm, je ne crois pas avoir jamais vu une image aussi brillante, aussi lumineuse et précise dans un viseur de toute ma carrière. C’est proprement somptueux. Je repense au vieil adage qui dit que « c’est par l’optique que passe la lumière ». Dans le cas présent, c’est tout à fait pertinent. De surcroît, la visée réelle apporte ce confort supplémentaire en ce sens qu’elle reflète en temps réel les modifications apportées aux réglages. J’ai évidemment eu tout de suite envie de pousser le bouchon, de pousser l’optique dans ses ultimes retranchements. Je suis à 100 iso, il y a beaucoup de lumière ambiante, je suis à f/8 et je vais pousser la bête jusqu’à f/1,4, à pleine ouverture…
• Une précision absolue.
Rien à dire, c’est la fête dans le viseur. L’image restituée est d’une clarté et d’une précision remarquables. Ce que je vois dans le viseur, c’est la réalité, sans aucune altération. Dingue. La prévisualisation de l’image obtenue dans le viseur (je n’utilise que très rarement, pour ne pas dire jamais, le moniteur de mon Nikon Z6) permet déjà d’évaluer l’aspect sharp et razor cut de l’image obtenue. Une précision qui va se confirmer plus tard lors de l’editing des fichiers NEF dans Capture One Pro 21.
Concernant la performance de l’autofocus, rien à dire. Je n’ai senti à aucun moment que j’utilisais une bague FTZ, ça me semble aussi performant, à tout point de vue, qu’une optique de série S. Seule différence, je n’ai pas accès aux boutons de fonctions, comme c’est le cas sur mon 24-70mm f/2,8 S mais pour le reste, rien à dire. L’AF est aussi ultra véloce et précis qu’habituellement. En shooting portrait, l’AF sur l’œil fait parfaitement le job.
• Crop à 200% sur Capture One Pro.
L’editing dans Capture One Pro 21 est une véritable partie de plaisir. Finalement, c’est dans la phase de dématriçage qu’on réalise les qualités d’une optique comme Nikkor 105mm. Parce qu’à la prise de vue, on joue sur du velours, surtout avec une visée réelle qui montre l’image IRL. Pour peu qu’on travaille en mode priorité ouverture, il suffit de jouer avec le diaphragme pour visualiser en temps réel la profondeur de champ. Associé à l’autofocus redoutablement efficace de Nikon Z6, l’ensemble se pilote au doigt et à l’œil, si j’ose dire.
Vous imaginez que je n’ai pas résisté au plaisir de zoomer dans l’image dispatchée sur l’écran 27 pouces de mon Mac par Capture One Pro. Le granit des rochers, vu à 200%, ne perd rien de son relief. L’image restituée est juste parfaite, d’une précision et d’un tranchant lame de rasoir. À f/1,4 j’ai beau chercher, je ne trouve aucune distortion, pas le moindre vignettage ou le début d’une distorsion. Oui, Nikkor 105mm est une fantastique optique. Je pense que Monsieur Sato a trouvé les bonnes formules, son optique est bien sur le toit du monde. Je crois que je n’avais pas ressenti pareille émotion depuis le 85mm f/1,2 de Canon. Honnêtement, Nikkor 105mm f/1,4 surpasse tout ce que j’ai pu voir à ce jour.
• L’optique de rêve pour du portrait
Quelques jours après ce test, je me suis retrouvé sur une autre plage pour réaliser ma série de portraits. À part la couleur du ciel, ce jour-là, je n’avais aucune appréhension. Quand on a le privilège de travailler avec une optique premium comme ce Nikkor 105, il n’y a aucune angoisse existentielle. D’ailleurs, l’optique n’a jamais été prise en défaut. La lumière et la grâce naturelle du sujet ont fait le reste ! Quant à l’AF de Nikon Z, il a immédiatement accroché l’iris bleu azur de mon modèle, sautant allègrement d’un œil à l’autre suivant le mouvement du sujet de manière instantanée.
• En conclusion., Nikkor 105 est un privilège.
Je me suis senti hautement privilégié de pouvoir travailler avec une optique de ce calibre. Le seul bémol, qui n’en n’est pas un, c’est qu’il s’agit d’une optique en monture F, elle n’est donc pas native pour Nikon Z. D’où l’obligation d’utiliser une bague FTZ, même si on oubie la bague tant il n’y a aucune altération des performances. On caresse l’espoir de voir un jour Nikon nous proposer un équivalent en monture S… Mon petit doigt me dit que ce jour pourrait bien arriver, puisque Nikon semble avoir dans ses cartons un 100mm f/1,4 S. On imagine la pertinence d’une optique de ce calibre – soyons fou ! – montée sur Nikon Z9… La formule du Professeur Sato de la marque jaune n’a pas fini de faire rêver les enfants que nous sommes…
• Ce test a été rendu possible grâce au support de Nikon France, en particulier du NPS (Nikon Pro Services, merci Ludo), que je remercie. Merci également à Thierry et à Arnaud, mes deux afficionados de la marque jaune.
• Merci à E.P. Jacobs qui m’a inspiré le titre de ce billet.
• Cliquez sur ce lien pour télécharger le cliché du mur de granit
• Cet article n’est pas sponsorisé.
PHILIPPE SEBILLOTTE dit
Cette optique qui semble exceptionnelle n’est pas vraiment challengée par le capteur 24M du Z6 ! Il aurait fallu le capteur du ND 850 ou du Z7….! Attendons effectivement le Z9 avec un capteur de 50M!
Hervé LE GALL dit
Il a parfaitement fait le job sur Z6.
Pahra dit
Je ne suis pas convaincu par cette course aux pixels, à mon sens le capteur du Z6 est largement suffisant en terme de définition
Le challenge ne se situe pas entre le sujet et le photographe, mais c’est bien les compétences de ce dernier qui font la photo, entre bonne association boitier / objectif et talent, car parfois le simple fait de pouvoir sortir la CB ne suffit pas à faire de grandes photos, j’en ai déjà fait l’expérience avec les meilleurs des meilleurs qui se sont révélés bien décevants
La couleur, le cadrage, le déclenchement seront tout aussi parfaits qu’on soit en 12 ou en 100mpx
Cette angoisse du crop ou pas crop, est-ce que mon boitier me permettra de croper ou pas, c’est à mon sens un faux problème, il faut savoir travailler en prenant en compte les caractéristiques du matériel que l’on a entre les doigts
Je suis bluffé par le rendu couleur de la pointe du Millier, c’est exactement ce genre de rendus que je recherche
Mon parc optique est quasiment composé que de Canon FD acquis au fils des années sur la Bay pour une bouchée de pain, que je marie depuis longtemps maintenant avec différents boitiers, surtout des hybrides Sony et tout récemment un Leica 240. Cependant ces vieux objectifs sont très mal à l’aise avec des gros capteurs, même mon M est loin d’être convainquant, trop de couleurs, de détails, c’est pas cohérent, comme si l’objectif ne savait pas quoi faire de tous ces pixels
Mais votre article où vous évoquiez l’association d’un Z6 avec votre vieux FD a attisé ma curiosité, aussi je pense bientôt sauter le pas et me défaire de mon Leica
J’aurai été ravi de passer sur le dernier Sony A7S III, avec ses 12mpx, son prédécesseur faisait déjà des merveilles, mais même si j’ai les moyens, son tarif stratosphérique me fait penser qu’il doit sans doute y avoir d’autres alternatives moins onéreuses à tester avant, depuis le D300s je n’ai plus touché à Nikon, aussi le Z6 me fait de l’oeil
Hervé LE GALL dit
@Pahra merci pour votre commentaire, plein de bon sens. Un Z6, un adaptateur FD et des optiques FD, vous allez être surpris du résultat…